La vieillesse est un naufrage, et le porte-avions Foch, ancien fleuron de la Marine nationale, n’y a pas échappé. Encombré par cette carcasse empoisonnée, le Brésil a annoncé vendredi 3 février avoir coulé le bâtiment dans l’océan Atlantique, rempli d’amiante, de peintures et autres déchets toxiques. Cette décision était attendue et crainte par plusieurs organisations de défense de l’environnement qui ont dénoncé un «crime environnemental majeur».
Le Foch repose désormais à près de 350 kilomètres des côtes brésiliennes, à plus de 5000 mètres de profondeur. L’épave est condamnée à se décomposer lentement, écrasée par le poids de l’océan et grignotée par l’eau salée. Ce destin est rude en comparaison de l’aura dont le navire a bénéficié à son apogée, quand il était l’instrument de projection de la puissance française dans le monde.
D’une importance stratégique majeure, le Foch est conçu au milieu des années 1950, alors que la France cherche à remplacer les porte-avions prêtés par les États-Unis et le Royaume-Uni après la guerre.
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«L’objectif était d’avoir deux porte-avions modernes pour participer aux missions de l’Otan et en même temps gagner une indépendance vis-à-vis des pays alliés», explique le spécialiste de l’histoire navale Philippe Querel, qui rappelle aussi que les nouveaux avions à réaction nécessitaient des porte-avions améliorés.
Après le Béarn, un cuirassé transformé en porte-avions dans les années 1930, la France acquiert donc, à l’orée de la Cinquième République, deux nouveaux porte-avions avec une capacité d’emport d’une quarantaine d’appareils, des ponts plus résistants et des catapultes plus puissantes pour mettre en œuvre les Crusader américains et les Étendards français. Le Foch participe aux essais nucléaires menés par la France dans le Pacifique, à des missions de soutien au contingent français au Liban en Méditerranée en 1983, ou encore au déploiement de l’armée française lors des guerres en ex-Yougoslavie, en Adriatique.
Mais au fil des années, la propulsion diesel se révèle moins adaptée que la propulsion nucléaire, que la France maîtrise déjà dans ses sous-marins. Les chaufferies nucléaires offrent une autonomie accrue et permettent un gain de place en soute : le Foch et le Clemenceau utilisent chacun 800 tonnes de carburant par jour et doivent ravitailler en mer tous les deux ou trois jours.
L’opération de ravitaillement imposait «une interruption de l’activité aérienne pendant plusieurs heures ainsi qu’une route de ravitaillement déterminée par les conditions météo du moment, ce qui était un renseignement de choix pour un adversaire potentiel», explique l’amiral Édouard Guillaud, ancien chef d’état-major interarmées, dans une note de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
Et surtout, un navire n’est bien sûr pas éternel. «À l’inverse d’une voiture, un navire fonctionne 24h sur 24h, et l’usure des machines et de la structure est inévitable», rappelle Philippe Querel. Le Foch est donc retiré du service actif en 2000, trois ans après le Clemenceau pour privilégier une nouvelle génération. Il est alors racheté par le Brésil pour douze millions d’euros, et rebaptisé pour l’occasion São Paulo, avant d’être désarmé pour de bon en 2017, la marine brésilienne refusant l’option d’une trop coûteuse modernisation.
En retraite définitive, le porte-avions commence alors une longue déshérence, tout comme son prédécesseur le Clemenceau avant lui. Le Brésil peine à se débarrasser de l’encombrante épave et finit par trouver un acquéreur turc pour le démanteler. Après de multiples circonvolutions, la Turquie refuse finalement de récupérer le Foch alors même que celui-ci longeait les côtes marocaines. Boudé par tous les ports, y compris au Brésil, le bâtiment est finalement envoyé par le fond par la marine brésilienne qui l’avait pris en remorque.
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