«Ce plan de circulation est un repoussoir à la consommation», s’insurge Frank Delvau, alors que le préfet de police de Paris Laurent Nuñez vient de dévoiler la première version des périmètres de sécurité et de circulation qui seront mis en place autour des sites olympiques et paralympiques pendant les JO de Paris 2024. Pour le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) Île-de-France, il sera «beaucoup trop compliqué» pour les Franciliens de circuler dans ces zones, alors qu’une «dérogation leur sera nécessaire pour qu’ils puissent circuler dans Paris». «Il faudra prouver qu’on a une réservation au restaurant, mais on n’aura pas l’assurance de pouvoir y accéder en voiture ou que la station de métro la plus proche sera bien ouverte», poursuit le professionnel, qui estime que ce protocole en découragera plus d’un de sortir dans les cafés, bars et restaurants concernés. «Là, on parle des clients mais comment vont faire nos employés et les livraisons ?», s’interroge-t-il encore.

«Paris va être bouché en continu, ce plan de circulation n’est pas viable», regrette de son côté Philippe Nozière, le président de l’association 40 millions d’automobilistes, avant de réclamer qu’une «étude d’impact» soit effectuée afin d’évaluer la pertinence de la mesure et les solutions à mettre en place. Thierry Veron, le président de la Fédération française des associations de commerçants (Facap) dit «bien comprendre qu’il faille fermer certains axes pour des raisons de sécurité», mais pense qu’il «faudrait alléger le plan de circulation actuel mis en place par la Ville de Paris». «Comment faire pour aller d’un côté de la place de la Concorde à l’autre si l’on ne peut pas emprunter la rue de Rivoli par exemple ?», se questionne ce représentant de commerçants. S’il ne s’inquiète pas que les salariés pourront accéder aux commerces, via les transports en commun ou les mobilités douces, il s’interroge sur la possibilité de se faire livrer. «Pour être livré la nuit, il faut trouver des transporteurs disponibles mais aussi que nos boutiques restent ouvertes, avec des personnes qui réceptionnent la livraison», avance-t-il, anticipant des «situations impossibles».

Des inquiétudes que partage Charles, restaurateur dans l’une des zones dites «bleues». Mais selon lui, la «principale inconnue» sera surtout de savoir dans quelles conditions il sera possible de circuler librement et dans quelle ambiance. «Est-ce qu’il y aura des barrières de sécurité ? Est-ce qu’il y aura de forces de l’ordre postées partout ? Aura-t-on le droit de disposer nos terrasses comme on l’entend ?», lance-t-il, dubitatif sur l’effet qu’auront ces zones de restrictions sur ses affaires. «Nos clients verront-ils cela comme une contrainte ou seront-ils contents d’être au plus près des JO ?» : autant de questions qui restent pour l’instant sans réponse, malgré toutes les précisions apportées par la préfecture de police de Paris. «Comme ils ne veulent pas nous indemniser, ils nous disent “restez ouverts” mais on n’aura pas de clients», anticipe Frank Delvau.

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Mais Laurent Nuñez s’est voulu rassurant, se disant «animé à la fois» par l’envie «de garantir le plus haut niveau de sécurité» et «la poursuite de la vie économique, sociale et culturelle». Tout a été pensé pour que les Parisiens puissent continuer à circuler : déjà parce que les flux de piétons et de cyclistes ne seront pas concernés par ces restrictions, et ensuite, parce que les trois périmètres gris, rouges et bleus (du plus restrictif au moins contraignant) ont été pensés pour coller au plus près des sites olympiques et empiéter le moins possible sur l’espace public. Résultat : seul le périmètre gris dit SILT – pour sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme – sera uniquement accessible aux personnes accréditées ou munies d’un billet. Les autres resteront accessibles sous certaines conditions.

Dans le périmètre d’interdiction de la circulation motorisée, en zone «rouge», les piétons et cyclistes pourront y accéder, tout comme les catégories de personnes autorisées avec leur véhicule, listées dans un tableau, après un contrôle par les forces de l’ordre. Dans le périmètre bleu, l’accès sera autorisé à tout conducteur en mesure de justifier un besoin d’accès, sur un point de passage : livraison, dépannage, déménagement, accès au domicile ou au travail. Selon les organisateurs, l’objectif est ainsi «de réduire les flux aux abords des périmètres rouges, en déviant en amont la circulation de transit, de passage, de traversée, tout en préservant l’intégralité des flux de résidents ou liés aux activités économiques».

«On a voulu concilier les impératifs de sécurité et le maintien de la vie économique et sociale», insiste encore Laurent Nuñez, qui précise qu’un certain nombre de «dérogations à cette règle d’interdiction de circulation routière» ont été prévues. Parmi elles, les riverains, les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie, à condition qu’ils soient munis d’une attestation et de son QR Code associé, qu’il sera possible de télécharger sur une plateforme dédiée dont l’ouverture est prévue au printemps. Le préfet de police assure que les «cas d’urgence» seront traités au cas par cas. Et de lancer : «évidemment que le plombier qui se présente pour une fuite d’eau pourra passer, ou qu’une personne se présentant pour aller aider une personne de 90 ans qui fait un malaise aussi».

Pour autant, ce dernier ne cache pas que certaines zones autour des principaux sites olympiques, pour des raisons de montage et de démontage des installations, pourront rester inaccessibles plus longtemps. «De mars à mi-juillet, pendant les phases de montage des sites» et «à compter de septembre jusqu’à fin octobre pour le démontage». À titre d’exemple, la place de la Concorde devrait ainsi rester fermée du 1er juin au 7 septembre. De même, la cérémonie d’ouverture du vendredi 26 juillet, dans tout ce qu’elle comporte d’exceptionnel, apparaîtra comme un «cas particulier». «Pour des raisons évidentes de sécurité, nous avons choisi un périmètre rouge plus large dans lequel il est indispensable de sécuriser depuis Ivry-Charenton jusqu’aux abords du Pont du Garigliano», explique le préfet de police.

Le dispositif repose sur un périmètre de protection – périmètre SILT – qui englobe chacune des deux rives de la Seine et les rues aux abords du fleuve. Du fait des impératifs de sécurité de la zone et de la mise en place des derniers aménagements nécessaires à l’organisation de la cérémonie, «le dispositif de sécurisation sera déployé plusieurs jours avant la cérémonie». Pour accéder à la zone SILT, il faudra donc être accrédité et montrer patte blanche. Mais «rien de définitif» à ce stade, prévient la PP, alors qu’une «consultation» doit s’ouvrir pour étudier tous les cas de figure. Une réunion doit en outre être organisée à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris en décembre avec les commerçants et les organisateurs des JO pour évoquer ces sujets. D’autres dossiers sont d’ailleurs encore à l’étude, à l’instar de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, qui se tiendra sur le bas de l’avenue des Champs-Élysées et sur la place de la Concorde le 28 août.