La colère gronde et les Grecs demandent des réponses. Une semaine après la catastrophe ferroviaire ayant coûté la vie à 57 personnes, des dizaines de milliers de personnes se sont à nouveau réunies dans la rue pour manifester. Au moins 40.000 personnes ont défilé en milieu de journée à Athènes, selon une porte-parole de la police tandis qu’ils étaient 15.000 à Thessalonique, la deuxième ville du pays.
Des cocktails Molotov et des pierres ont été lancés mercredi par un groupe de manifestants devant le Parlement grec, dans le centre d’Athènes, et la police a riposté en tirant du gaz lacrymogène. Certains réclament désormais la démission du gouvernement, tandis que le pays est quasiment à l’arrêt en raison d’un appel à cesser le travail dans une grande partie des secteurs public et privé. Mais que s’est-il passé pour que le pays plonge dans une telle révolte ? Le Figaro fait le point.
Le 28 février vers 23h30, la Grèce a connu le pire accident ferroviaire de son histoire : deux trains se sont percutés sans qu’aucune alerte n’ait été déclenchée. L’un des trains était un train de marchandise, l’autre un train Intervity avec 342 passagers et 10 membres du personnel à bord. Le drame s’est déroulé dans la vallée de Tempé en Thessalie, à près de 350 km d’Athènes.
Après la collision, un incendie s’est déclenché, les deux locomotives ont été détruites et les trois premiers wagons du train de passagers ont déraillé et ont été pulvérisés. Les conducteurs de deux trains ont été tués sur le coup. 57 personnes sont décédées et la majorité se trouvait dans les premiers wagons. Un grand nombre de passagers étaient des étudiants qui rentraient à Thessalonique après un week-end prolongé en Grèce.
Rapidement, les larmes ont laissé place à la colère. Dès le lendemain de la catastrophe, les Grecs sont descendus dans les rues pour manifester. Ils veulent comprendre pourquoi un train transportant 342 passagers a pu être autorisé à emprunter la même voie unique qu’un convoi de marchandise. Ils pointent alors du doigt les autorités d’incurie et la vétusté des infrastructures ferroviaires.
Les médias grecs se sont indignés : «Pourquoi la Grèce ne tire-t-elle les enseignements qu’après les tragédies?», s’interrogeait vendredi la Une du journal de gauche Ta Nea. «Ce n’est pas une erreur mais un crime», avait écrit jeudi le Journal des rédacteurs, également de gauche. «Les morts de Tempé réclament des réponses», titrait quant à lui le libéral Kathimerini, en référence au lieu de la collision.
Dans la rue, la colère est avant tout dirigée contre Hellenic Train. Vendredi, le mot «Assassins» a été peint en lettre rouge sur la vitre du siège à Athènes devant lequel s’étaient massées plus de 5000 personnes en colère et réclamant des comptes.
L’entreprise est mise en cause pour de nombreuses négligences et lacunes ayant entraîné cette catastrophe qualifiée de «tragédie nationale» par les autorités. «Nous sommes remplis de rage et ne pouvons accepter qu’un événement aussi tragique puisse se produire en 2023», a souligné le président d’un syndicat étudiant, Angelos Thomopoulos, selon qui la plupart des universités sont restées portes closes vendredi.
Des heurts ont opposé manifestants et force de l’ordre à Athènes et à Thessalonique à plusieurs reprises le vendredi 3 mars et le dimanche 5 mars. La police a dû faire usage de grenades lacrymogènes.
Le chef du gouvernement, Kyriákos Mitsotákis, a été vivement critiqué après dit que la catastrophe était «une tragique erreur humaine». Les syndicats de cheminots ont vivement répondu en rappelant qu’ils avaient tiré la sonnette d’alarme sur les graves défaillances techniques sur cette ligne bien avant le drame, sans avoir été entendus.
Le ministre des Transports, Giorgos Gerepetridis, a admis que l’accident aurait pu être évité si l’installation du «système global de gestion à distance avait été achevée». Il a promis des indemnisations aux familles des victimes.
La colère est également dirigée contre la société des chemins de fer Hellenic Train, qui a riposté aux accusations en rappelant que la responsabilité de l’entretien du réseau incombait à la compagnie publique grecque OSE.
Le chef de gare, 59 ans, est poursuivi pour «homicides par négligence» et «blessures corporelles». Devant les juges, il a avoué son «erreur» et risque donc la prison à vie si sa culpabilité est établie. Cet homme, dont l’identité n’a pas été révélée, a été placé en détention provisoire.
Certains accusent les autorités de vouloir faire porter le chapeau à un homme qui ne disposait que de très peu d’expérience. Des médias, dont la chaîne publique de télévision ERT, avaient mis en avant son inexpérience puisque, selon eux, il avait été nommé à ce poste il y a seulement quarante jours seulement après un emploi au ministère de l’Éducation et une formation de trois mois.
Mais selon une source judiciaire, l’enquête vise aussi «à engager des poursuites pénales, si nécessaires, contre des membres de la direction de l’entreprise» Hellenic Train, les chemins de fer grecs, alors que la vétusté du réseau est pointée du doigt. Une perquisition a d’ailleurs été menée vendredi dans la gare de Larissa. Le gouvernement a également décidé de charger un comité d’experts d’enquêter sur les causes de l’accident.