Le patron du groupe militaire privé Wagner est décidément un coutumier des déclarations chocs. Dans une nouvelle sortie sur sa chaîne Telegram ce vendredi, Evgueni Prigojine a affirmé que la Russie avait «obtenu les résultats qu’elle avait prévus», et que par conséquent, il était «aujourd’hui nécessaire de mettre un terme à l’opération militaire spéciale», et ce «pour les autorités et pour la société dans son ensemble».

«Le scénario idéal est d’annoncer la fin de [l’opération militaire spéciale], d’informer tout le monde que la Russie a obtenu les résultats qu’elle avait prévu et, en un sens, nous les avons effectivement atteints», a déclaré celui dont les hommes sont toujours engagés dans la bataille meurtrière de Bakhmout. «Nous avons anéanti un grand nombre de combattants des Forces armées ukrainiennes et nous pouvons déclarer que les objectifs sont atteints». L’armée russe a détruit «une large partie de la population masculine ukrainienne», et intimidé «une autre partie qui a fui en Europe», a cyniquement salué Evgueni Prigojine.

De plus, pour le chef militaire, la Russie peut se vanter d’avoir créé «un couloir terrestre vers la Crimée» et de s’être emparée «d’une bonne partie du territoire ukrainien». Et ces territoires conquis par la Russie «peuvent rester à sa disposition pendant des années».

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Dans cette prise de parole, Prigojine prévient aussi les dirigeants russes des désavantages d’une poursuite de la guerre, selon différents scénarios qu’il expose. Jugeant ainsi peu probable le succès d’une grande offensive russe «compte tenu de la dynamique et des problèmes actuels», il alerte sur le danger d’une contre-offensive ukrainienne qui pourrait «quelque part percer les défenses [russes]». Le cas échéant, une telle situation pourrait provoquer une chute du moral dans «l’armée qui s’est considérée pendant longtemps comme l’une des meilleures du monde».

Et si aujourd’hui, «rien ne menace» la «puissance suprême de la Russie», Prigojine s’aventure en conjectures, évoquant une «défaite militaire» qui pourrait entraîner «une révolte populaire» contre «l’État profond embourbé dans le luxe et la bureaucratie». Et l’homme d’affaires de définir l’État profond : «Ces gens qui aujourd’hui, sans faire aucun effort dans une opération militaire, sont le plus loin possible du théâtre des opérations, […] et c’est absolument inacceptable pour un peuple fatigué de la guerre et perdant le goût de la victoire».

Réputé proche de Vladimir Poutine, Prigojine cultivait encore le secret il y a quelques mois. Mais depuis une déclaration publique dans laquelle il reconnaissait avoir fondé le groupe paramilitaire Wagner, l’homme d’affaires enchaîne les sorties médiatiques dans lesquelles il prend parfois à partie directement l’état-major russe ou les dirigeants du Kremlin.

«On fait beaucoup attention au jeu personnel de Prigojine car on aimerait voir des dissensions politiques», commentait début mars pour Le Figaro le général 2S et chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique Olivier Kempf. «Et si à l’évidence, il y a des luttes d’influence au Kremlin, et que Prigojine en est un acteur, il a choisi, contrairement aux autres, une stratégie de communication qui consiste à faire du bruit mais il est difficile de savoir ce que cela traduit réellement».

Par ailleurs, selon une vidéo ce dimanche sur le canal officiel de Prigojine, Wagner a libéré plus de 100 prisonniers de guerre ukrainiens à l’occasion de la Pâques orthodoxe. «Préparez-les tous, nourrissez-les et abreuvez-les, examinez les blessés», ordonne notamment le patron du groupe paramilitaire à l’attention de ses soldats.

On peut voir dans la vidéo une centaine d’hommes, certains boitant, d’autres transportés sur des civières par leurs camarades, marchant le long d’une route boueuse alors qu’un homme debout sur un blindé tient un drapeau blanc.

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Le chef de cabinet du président Volodymyr Zelenskiy, Andriy Yermak, a confirmé de son côté que 130 prisonniers de guerre avaient pu être libérés lors d’un «grand échange de Pâques». Il n’a pas précisé combien de prisonniers russes ont été renvoyés dans l’autre sens. Wagner contrôle désormais une grande partie de la ville Bakhmout, toujours âprement défendue par l’armée ukrainienne.