Le contexte est brûlant mais la visite presque banale. Dimanche 23 avril, une délégation de cinq sénateurs a atterri à Taipei, pour un déplacement sur l’île de Taïwan qui courra jusqu’au 29 avril. À sa tête, le président du groupe «Sénat Taïwan», l’ancien ministre de la Défense Alain Richard, sera accompagné des LR Valérie Boyer et Alexandra Borchio-Fontimp, de la centriste Brigitte Devésa et du socialiste Rachid Temal. La semaine du 17 avril, une délégation de quatre députés a déjà fait le déplacement, et a été reçue par le ministre des Affaires étrangères de l’île, Joseph Wu.
Cette visite se déroule plus de deux semaines après le déplacement officiel d’Emmanuel Macron en Chine, qui avait fait couler beaucoup d’encre. À propos de Taïwan, le chef d’État avait en effet laissé entendre que la France préférait opter pour la neutralité. «Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise», avait notamment déclaré le président français, dans un entretien accordé aux Échos et au magazine Politico.
En l’absence de relations diplomatiques officielles entre la France et Taïwan, l’objectif de ces visites sénatoriales est souvent multiple. Pour ce déplacement, le but sera «de se concerter avec nos partenaires parlementaires et de parler des évolutions de législation chez eux, de dialoguer avec le gouvernement sur leur situation de sécurité et puis d’évoquer les échanges économiques», a expliqué la semaine dernière Alain Richard au micro de Public Sénat.
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Mais cette délégation parlementaire reviendra aussi à n’en pas douter sur les propos polémiques d’Emmanuel Macron. «Nous allons écouter les autorités taïwanaises, leur indiquer ce que nous pensons être la position de la France : favorable au maintien du statu quo, opposée à une pression militaire et a fortiori à une offensive», a souligné le sénateur auprès de la rédaction internationale de Radio France.
Si cette visite s’inscrit dans un contexte particulier, les déplacements parlementaires à Taïwan n’ont rien d’exceptionnels. Le «groupe d’échanges et d’études Sénat-Taïwan» a ainsi été fondé en 1982, et son équivalent à l’Assemblée nationale en 1989. «Selon les règles parlementaires, nous envoyons une délégation tous les deux ans et nous en recevons une l’année où nous ne partons pas», expliquait en septembre dernier Alain Richard au Figaro . La dernière visite sénatoriale date d’octobre 2021. Cinq sénateurs s’étaient entre-temps rendus à Taïwan, en septembre 2022, mais à leur propre initiative, et non comme représentants du Sénat français.
Si Taïwan n’est pas reconnu par les Nations unies, son partenariat avec la France reste très important. Aux portes du G20, l’île est un acteur économique et commercial précieux pour l’Hexagone, notamment dans le domaine des hautes technologies. Il existe également une coopération très étroite dans le domaine culturel, avec notamment des échanges d’artistes, mais aussi politico-stratégique. Dans les années 1990, la France avait ainsi «vendu des frégates La Fayette à Taïwan, dont il est toujours équipé aujourd’hui», soulignait en 2021 auprès du Figaro Barthélémy Courmont, chercheur à l’IRIS et fin connaisseur de l’île.
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Ses liaisons étroites mais non-officielles ont toujours eu le don d’irriter la Chine. En amont de la dernière visite sénatoriale, en octobre 2021, l’ambassade de Chine avait prévenu que ce déplacement porterait atteinte aux intérêts de la Chine, aux relations sino-françaises et à «l’image de la France». L’ambassadeur de Chine en France Lu Shaye avait même adressé une lettre à Alain Richard, dans laquelle il déclarait que sa visite «violerait clairement le principe d’une seule Chine et enverrait un mauvais signal aux forces indépendantistes de Taïwan».