La coupe du monde de rugby, qui débutera dans quelques semaines seulement, va-t-elle être parasitée par une grève dans les transports franciliens ? En colère, les agents d’accueil en stations de la RATP ont décidé de déposer un préavis de grève pendant l’ensemble de l’événement. Ils s’insurgent de conditions de travail jugées médiocres, et s’inquiètent de devoir gérer d’importants flux de visiteurs sans en avoir les moyens.
Du 8 septembre au 28 octobre, ces employés du département Services et espaces multimodaux (SEM) de la régie francilienne craignent en effet de «devoir faire face à une importante surcharge de travail», alors qu’ils sont sommés d’accueillir le public «dans les meilleures conditions». Ils devront assurer l’accueil, la vente de tickets et la gestion des flux, en particulier pour les dix matchs au Stade de France et la fan zone de la place de la Concorde. Mais «l’afflux de centaines de milliers de voyageurs supplémentaires ne se limitera pas au Stade de France et aux fans zones», prévient FO-RATP. «Face à cette situation», le syndicat majoritaire au sein de la SEM s’estime donc «contraint de recourir à une grève massive pour faire valoir (nos) droits».
Selon Force Ouvrière, «les agents des gares, les machinistes, les agents de maîtrise de l’exploitation et bien d’autres devront faire face à cette surcharge de travail». Il faut «renseigner, assister, secourir», témoigne Cyril Manach. Au quotidien, les employés doivent «gérer des gens agressifs, d’autres qui font des malaises et des victimes de pickpockets», énumère le délégué FO et agent de station. Le représentant déplore des conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader ces dernières années, alors que leurs métiers «sont devenus beaucoup plus complexes qu’avant». «Nous sommes devenus des concierges d’immeubles, à qui l’on demande d’offrir tout un tas de service aux usagers, mais avec beaucoup moins d’effectifs», regrette le syndicaliste.
Même son de cloche chez Jean-Christophe Delprat : le secrétaire fédéral FO en charge de la RATP veut «marquer le coup» avec cet appel à la grève, justement «parce qu’il y a les Jeux Olympiques derrière». «Il y a un profond décalage entre la vraie vie des agents et les desiderata des politiques. En tant que salariés, on est motivé pour participer à cet événement mais on n’est pas prêt à le faire gratuitement. Combien mettent-ils dans la gamelle pour que cela fonctionne ?», s’interroge-t-il.
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Ces difficultés sont la conséquence de «quinze années d’une politique de restriction budgétaire», qui s’est soldée par un important «dégraissage du personnel», cingle Cyril Manach. Au total, pas moins d’un millier d’agents du département SEM auraient ainsi quitté leurs fonctions ces dernières années. «Aujourd’hui, on est entre 5700 et 5800, contre 6800 il y a 15 ans», croit-il savoir. Un manque de personnel que confirme Jean-Christophe Delprat.
Les agents d’accueil se plaignent également d’être victimes d’une injustice, alors que leurs collègues conducteurs de métro et de RER ont obtenu une prime exceptionnelle de 330 euros en prévision de la surcharge de travail à venir. Un protocole d’accord a en effet été signé à ce sujet entre la direction de la RATP et les organisations syndicales. «Il y a aura également une prime à l’acte comprise entre 17 et 40 euros supplémentaires par jour travaillé, en fonction des lignes. La RATP assure que c’est un événement important, et qu’à ce titre, il faut récompenser les conducteurs», poursuit Cyril Manach. De leur côté, les agents d’accueil n’ont rien obtenu : «On a été reçu, et on nous a dit qu’ils ne feraient rien de plus que d’ordinaire, c’est-à-dire de nous augmenter de 10,80 euros par jour travaillé au Stade de France».
Interrogé au sujet des risques de grève pendant le Mondial, le PDG du groupe Jean Castex avait promis mi-juin «de tout faire» pour qu’il n’y en ait pas. «C’est l’objectif. On a une certaine expérience, il n’y aura pas une jauge supérieure par rapport, par exemple, aux matches du Tournoi des six nations», avait-il affirmé lors d’une conférence de presse organisée au sujet de l’organisation de la Coupe du monde de rugby. Il s’était même dit «serein» alors que «beaucoup de préavis ont été déposés». L’ancien premier ministre avait assuré voir ce préavis comme «une incitation à poursuivre les discussions». Discussions qui sont aujourd’hui au point mort, rétorquent les syndicalistes, qui ont perdu tout espoir d’obtenir gain de cause. Et de conclure : «On n’aura rien de notre côté, la probabilité pour qu’ils sortent le porte-monnaie au dernier moment est très faible. Malheureusement, on va devoir aller jusqu’au bout». Les amateurs de rugby sont prévenus.