L’année 2024 est à peine entamée qu’Alex de Minaur a déjà réussi ce dont peu de joueurs dans l’histoire du tennis pourront se vanter : battre Novak Djokovic et Carlos Alcaraz, numéros 1 et 2 mondiaux, en moins d’une semaine. Un exploit à relativiser. Le Serbe était diminué par une gêne au poignet et la confrontation avec l’Espagnol était une simple exhibition. Reste que l’Australien s’affirme comme l’homme fort de ce début de saison. Au point d’apparaître comme l’un des principaux outsiders du prochain Open d’Australie (14-28 janvier), avec les espoirs de tout un pays sur ses frêles épaules.
«N’allons pas trop vite en besogne», tempérait l’intéressé après sa récente victoire face à Djokovic, la tête encore pleine du souvenir douloureux de l’humiliation subie par ce même Djokovic en huitième de finale du Grand Chelem australien l’année dernière. Le malheureux n’avait pu inscrire que cinq petits jeux (6-2, 6-1, 6-2) et avait eu «honte» devant le public de la Rod Laver Arena. Une autre époque. «Je suis content de mon niveau, de ma force mentale et de mon état d’esprit. Je joue très bien en ce moment et j’aimerais afficher ce niveau de jeu à Melbourne.»
Dans la foulée de ses excellentes performances lors de la United Cup, compétition mixte par équipes disputée tout début janvier, De Minaur est devenu le premier «aussie» à rejoindre le top 10 du classement ATP depuis un certain… Lleyton Hewitt. La comparaison avec cet illustre mentor s’arrête à la nationalité, et au petit gabarit. Hewitt était un génie précoce, longtemps détenteur du record du plus jeune numéro un mondial, vainqueur de deux Grands Chelems avant ses 21 ans. De Minaur prend son temps. Il construit, patiemment mais sûrement, déjouant les pronostics à force de travail et d’humilité. «Il mérite tous le succès qu’il rencontre», écrivait récemment sur X son compatriote Nick Kyrgios.
De Minaur n’a pas le talent brut de Kyrgios mais il est sans doute plus consistant. Il durera là où le trublion de Canberra, qui glisse doucement mais sûrement vers une carrière de consultant à seulement 28 ans, n’aura procuré que des frissons éphémères. Et Alex de Minaur de s’affirmer comme le nouveau leader de la génération 1999 longtemps portée par le Canadien Denis Shapovalov, gaucher aussi talentueux qu’inconstant. Moins génial, moins esthétique, l’Australien est plutôt du genre travailleur, laborieux. Teigneux. Surnommé «Démon» par ses coéquipiers en Coupe Davis pour sa volonté de se battre sur tous les points, il couvre les quatre coins du court telle une mobylette increvable. «Le joueur le plus rapide du circuit», confiait Rafael Nadal à son propos.
Suffisant pour atteindre le top 10 donc, mais Alex de Minaur peut-il viser plus haut ? Ses meilleures performances dans les tournois qui comptent sont un quart de finale à l’US Open en 2020 et une finale au Masters 1000 de Toronto en 2023. C’est tout. Certains adversaires – Stefanos Tsitsipas, Alexander Zverev, Jannik Sinner, Daniil Medvedev – ne lui réussissent pas du tout. Les coups d’éclat sont rares. Mais pas de quoi ébranler sa confiance. «Depuis le début de ma carrière, on m’a répété que je n’étais pas assez grand, pas assez fort, pas assez puissant, que je ne serai jamais un grand joueur, expliquait-il récemment en conférence de presse. Ça me donne plus d’énergie, je suis prêt à tout pour prouver aux gens qu’ils ont tort.»
À lire aussiOpen d’Australie : Sinner, Alcaraz, Dimitrov… Nos 5 favoris pour détrôner Djokovic
En attendant, l’Australie peut être fière de son numéro 1 national. Un vrai joueur d’équipe, un fidèle. Né à Sydney d’une mère espagnole et d’un père uruguayen, Alex de Minaur a grandi majoritairement en Espagne mais a tout de même choisi de représenter l’équipe nationale australienne. Sur son torse, il a fait tatouer le numéro 109 parce qu’il est devenu le 109e joueur sélectionné dans l’équipe de Coupe Davis. C’était en 2018. Cette année-là, il avait pris part aux Next Gen ATP Finals, le Masters des espoirs. Des huit participants, il est le dernier à avoir rejoint le top 10 ATP. Mais il n’est pas exclu qu’il soit le dernier à le quitter.