Un ballet à la dramaturgie directement inspirée d’une fresque gothique ? C’est le pari du chorégraphe Aurélien Bory pour sa dernière pièce, Invisibili. Unique élément de décor de ce spectacle – et véritable fil rouge de la narration – un rideau de scène reproduisant la célèbre fresque murale palermitaine sur le thème du Triomphe de la mort.

Réalisée par un inconnu dans les années 1440 pour l’hôpital du palazzo Sclafani, elle est conservée dans la galerie du palazzo Abatellis à Palerme. Bory l’a fait prendre en photo pour l’imprimer sur du tissu ; tout le spectacle consistera en un jeu entre les danseurs et les personnages de ce tableau. Parfois, les artistes les imitent au point de se fondre dans l’image, parfois, ils en jaillissent. Le procédé est extrêmement ingénieux et surprenant.Si la mort, sur la peinture, frappe les puissants comme les pauvres, Bory veut faire de cette danse macabre un hymne à la vie et à l’espoir. Il évoque la tragédie des migrants morts en Méditerranée ou le combat des femmes atteintes par le cancer du sein.

La musique vient en renfort de cet optimisme : le danseur et chanteur nigérian Chris Obehi, lui-même rescapé après avoir rejoint Palerme à 17 ans, interprète le magnifique Hallelujah de Leonard Cohen. Un saxophoniste apparaît sur scène et accompagne des pièces d’Arvo Pärt ou de Bach, le tout dans une forme d’éloge de la lenteur. Ce mélange d’art plastique, de danse et de musique est une réussite. Le thème de la mort pourra en dérouter certains, mais avec ces images sublimes, Bory nous transporte dans un autre monde : celui de l’intimité et du recueillement.

La Rochelle les 30 et 31, Maison de la danse de Lyon, du 6 au 10 février.