Le «ras-le-bol fiscal» semble résister à toutes les modes. Catapultée dans le débat public il y a plus de 10 ans par un ministre socialiste des Finances, l’expression garde toute sa pertinence, selon le dernier baromètre des prélèvements fiscaux publié ce mardi par un organe de la Cour des comptes, que préside justement aujourd’hui cet ancien ministre, Pierre Moscovici. Alors que la pression fiscale culmine à un plus haut historique (45,4% de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2022, selon l’Insee), les Français considèrent, sans surprise, qu’il y a trop d’impôts. En effet, 75 % des interrogés dans cette deuxième édition du baromètre du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) pensent que le niveau d’imposition en France est trop élevé. Un rejet qui est stable sur deux ans, puisque le dernier baromètre avait mesuré le même taux pour l’année 2021. L’opinion concernant les cotisations sociales est à peu près équivalente : 76% des Français les jugent trop importants. «Si ces résultats restent à confirmer dans les prochaines éditions, ils permettent de relever que la différence de nature entre impôts et cotisations sociales influe peu sur le consentement des redevables», souligne les experts du CPO.
Un peu plus surprenant, les Français sont moins sévères sur leur situation personnelle que sur la pression fiscale générale dans le pays. Ainsi «seulement» , 63 % de Français interrogés estiment qu’ils paient trop d’impôts, un bon tiers (33%) considère qu’ils payent juste ce qu’il faut et 3% pensent qu’ils devraient payer plus. Cette nuance se retrouve au niveau des cotisations sociales : 65 % des sondés considèrent qu’ils en payent trop. «La différence entre les deux mesures vient essentiellement des 40 % des ménages les plus modestes, qui peuvent trouver que le niveau général d’imposition est trop élevé en France mais qui ne pensent pas que les impôts qu’ils payent personnellement soient trop élevés», analyse le CPO.
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Quant à la qualité de l’utilisation de l’argent public – qui est l’un des ressorts les plus importants du consentement à l’impôt-, les Français sont de plus en plus insatisfaits avec 67 % des sondés en 2023 se déclarant mécontents de l’utilisation qui est faite des deniers publics (ils étaient 64 % en 2021). À la loupe, les interrogés font majoritairement confiance aux collectivités locales pour utiliser efficacement leur argent (68% pour les communes et 58% pour les départements et les régions). Sur ce terrain, les administrations de sécurité sociale recueillent également une courte majorité (52%). L’Union européenne n’inspire en revanche confiance qu’à 37% des Français. Bon dernier, l’État ne recueille que 32% d’opinion positive sur la manière dont il dépense les deniers du contribuable.
Même s’ils jugent majoritairement les prélèvements trop élevés et mal dépensés, les Français ne sont paradoxalement pas favorables à une diminution des prestations sociales en vue d’obtenir une baisse des impôts et cotisations qui les financent. «Ainsi, seule une minorité des sondés accepterait une baisse des dépenses publiques contre une baisse de leurs impôts, ce constat restant valable quel que soit le poste de dépense étudié. Dans le détail, seuls 29% l’accepteraient pour les dépenses publiques de retraites, 30% pour la santé, 32% pour la justice et la sécurité, 35% pour l’éducation, 42% pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion et 44% pour la défense», précise le baromètre.
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Une tendance confirmée par les derniers résultats du baromètre de l’Institut Paul Delouvrier sur la perception de la dépense publique. Selon ce document, la moitié des Français préféreraient «améliorer les prestations fournies par les services publics, quitte à augmenter le niveau des impôts et des prélèvements » contre 46 % qui opteraient plutôt pour «diminuer le niveau des impôts et des prélèvements, quitte à réduire les prestations». «En 2014, ces pourcentages s’établissaient respectivement à 33 et 65 %, soit une évolution significative de l’opinion sur les 10 années passées», souligne le rapport du CPO. Cependant, la plupart des interrogés pensent qu’il serait possible d’améliorer les prestations et les services publics à moyens constants, voire en baissant les impôts. Ainsi, seuls 7% d’entre eux considèrent qu’il est absolument nécessaire de relever le niveau des impôts ou des cotisations sociales pour améliorer le service public.
Autre paramètre mesuré, la connaissance des principales données fiscales dans la population est assez mauvaise. Par exemple, «16% des Français ne savent pas s’ils payent la CSG», et parmi ceux qui affirment la payer, «58% ne connaissent pas son taux». La Cour des comptes recommande ainsi aux pouvoirs publics d’«améliorer l’information des contribuables sur la façon dont est utilisé l’argent public» afin de renforcer le consentement à l’impôt.