Le 4 avril 1949, au tout début de la Guerre froide, un groupe de douze États européens et nord-américains signaient le traité de l’Atlantique Nord à Washington. Après son entrée en vigueur le 24 août de la même année, une alliance politico-militaire multilatérale était ainsi mise sur pied, avec pour objectif d’assurer la sécurité collective des États membres. Ce jeudi 4 avril, 75 ans jour pour jour après la signature, les ministres des Affaires étrangères des 32 États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) sont réunis à Bruxelles pour cette date anniversaire du traité fondateur. À cette occasion Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, a proposé mercredi que l’Organisation débloque une enveloppe de 100 milliards d’euros sur cinq ans afin de venir en aide à l’Ukraine, particulièrement éprouvée par la guerre depuis l’invasion russe du 24 février 2022.

Il paraît aujourd’hui loin le temps où le président de la République, Emmanuel Macron, affirmait dans une interview accordée à l’hebdomadaire The Economist en novembre 2019 : «Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan». Pourtant, l’Otan semble aujourd’hui plus forte qu’elle ne l’a jamais été : les récentes adhésions de la Finlande puis de la Suède, historiquement non-alignées, ont été décidées en réaction à l’agression russe de l’Ukraine, ce qui a permis à l’Organisation d’étendre sa sécurité au Nord et d’enclaver un peu plus l’impétueux voisin russe.

En 75 ans, l’Otan est passée d’une entente politico-militaire défensive composée de 12 États occidentaux à une alliance qui réunit aujourd’hui autour des États-Unis l’écrasante majorité du continent européen ainsi que le Canada, pour un total de 32 États. En cette date anniversaire, Le Figaro retrace les élargissements successifs de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.

Alors que les Soviétiques exercent un blocus sur la ville de Berlin, dans une Guerre froide qui débute à peine, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est à l’origine constituée en 1949 de douze membres fondateurs : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Le lien le plus significatif liant ces États est incarné par l’article 5 du traité de Washington, qui stipule que «si un pays de l’Otan est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué». Pour l’heure, l’Europe se polarise progressivement : d’un côté, le bloc de l’Ouest, rassemblé autour des États-Unis dans la récente Otan ; de l’autre le bloc de l’Est, coalisé derrière l’Union soviétique qui ne s’appuie pas encore sur une alliance militaire similaire.

Dans la décennie qui suit, en 1952, l’Otan s’agrandit en incluant la Grèce, alors anticommuniste, et la Turquie. Trois ans plus tard, l’Allemagne de l’Ouest intègre l’alliance transatlantique, alors que le territoire allemand est coupé en deux depuis mai 1949, entre la République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’ouest du rideau de fer et la République démocratique allemande (RDA) côté est. C’est précisément dans ce contexte qu’est fondé le Pacte de Varsovie, en mai 1955. Alliance militaire stratégique réunissant les États d’Europe de l’Est (République populaire d’Albanie, République démocratique allemande, République populaire de Bulgarie, République populaire de Hongrie, République populaire de Pologne, République populaire roumaine, République tchécoslovaque) et l’URSS, cette entente fait office de réponse à l’influence otanienne.

Ensuite, près de trois décennies s’écoulent avant qu’un nouveau membre intègre l’Alliance : la jeune démocratie espagnole, libérée du joug dictatorial du général Franco, signe le traité à la fin du mois de mai 1982.

À la fin des années 1980, Mikhail Gorbatchev (secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique de 1985 à 1991) lance la perestroïka («reconstruction», en français) et la glasnost («transparence», en français), des politiques intérieures qui prônent davantage de liberté économique et sociale ainsi qu’un élargissement de la liberté d’expression, ce qui tend à amenuiser la dimension totalitaire du pouvoir soviétique. C’est dans ce contexte qu’après la chute du mur de Berlin en 1989, l’Allemagne réunifiée, ayant étendu la république fédérale à l’ensemble de son territoire, décide de rester membre de l’Otan.

En juillet 1991, tandis que la dislocation de l’URSS a presque abouti, le pacte de Varsovie est dissous. La disparition de son équivalent oriental oblige l’Otan à se réinventer. Dans la décennie qui s’ouvre, de nouveaux objectifs lui sont attribués : maintien de la paix dans les Balkans, guerre contre le terrorisme, cybersécurité, etc. Aussi, la décision est prise d’élargir l’alliance en direction de l’Europe de l’Est, vers les anciens satellites de Moscou, à peine affranchis de l’autorité de la Russie communiste et en quête d’ouverture économique et politique.

Un premier élargissement oriental a lieu en mars 1999, permettant à la Pologne, la Hongrie et la République tchèque de devenir membres de l’Alliance Atlantique. La seconde extension du tournant du millénaire intervient en mars 2004. Cette dernière autorise l’accession de la Bulgarie, de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Slovénie à l’Otan.

À l’aube de la décennie 2010, l’Albanie et la Croatie rejoignent l’Alliance (le 1er avril 2009). Elles sont donc présentes pour le sommet otanien de Strasbourg-Kehl, qui se tient les 3 et 4 avril 2009.

En 2011, l’Otan reconnaît quatre nouveaux candidats officiels : la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine et le Monténégro. L’adhésion de ce dernier est entériné en juin 2017, avant celle de la Macédoine du Nord, qui advient en mars 2020. L’élargissement à la Bosnie-Herzégovine et à la Géorgie fait toujours l’objet de débats. Plus précisément, le cas géorgien est particulièrement délicat étant donné qu’il s’agit de l’une des 15 anciennes républiques socialistes soviétiques de l’URSS et que le petit pays du Caucase a déjà été envahi par son voisin russe en 2008.

Sur fond de guerre en Ukraine, la Finlande a rejoint l’Alliance nord atlantique il y a un an, le 4 avril 2023. Puis, le jeudi 7 mars 2024, il y a moins d’un mois, la Suède, mettant ainsi un terme à deux siècles de non-alignement. Cette ultime adhésion porte le nombre de membres à 32 et fait que, pour la première fois dans son histoire, la Suède participe actuellement à une réunion otanienne en tant qu’allié à part entière et non comme pays invité. De surcroît, l’arrivée des deux derniers membres contribue à renforcer l’Alliance en étirant significativement ses frontières géographiques aux portes de la Russie.

Après trois quarts de siècle, l’Otan n’a donc jamais été aussi étendue, mais une ombre plane malgré tout sur l’avenir de l’alliance Atlantique avec la possible victoire du candidat républicain et ancien président des États-Unis à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain. Donald Trump, qui avait déjà vertement critiqué l’organisation de défense lors de son mandat, a annoncé qu’il encouragerait la Russie à faire «tout ce qu’elle veut» à un pays membre de l’Otan si ce dernier ne respectait pas ses obligations en matière de dépenses militaires, selon les mots de l’intéressé, tenus lors d’un meeting de campagne en février dernier. Cette déclaration a pour la première fois constitué une remise en cause du principe de l’Alliance Atlantique, qui garantit par l’article 5 de sa charte qu’un membre agressé par un pays tiers est défendu militairement par les autres États qui ont signé le traité fondateur. L’ancien président républicain a clos son allocution par une injonction présentant des airs de menace : «Vous devez payer».