Saisie par le collectif des «hijabeuses» qui s’attaquaient au règlement de la Fédération française de football leur interdisant de jouer voilées au football en compétition, la plus haute juridiction administrative française a décidé le 29 juin de maintenir cette proscription. Mais les sages du Palais Royal sont allés un peu plus loin dans leur arrêt en précisant le statut des sportives et sportifs sélectionnés en équipe de France. Le Conseil d’Etat a en effet assuré que le principe de neutralité s’appliquait non seulement aux agents des fédérations sportives délégataires de service public, mais aussi aux «personnes que la Fédération sélectionne dans les équipes de France».

Une clarification qu’a rappelée la ministre française des Sports Amélie Oudéa-Castéra lors d’une émission télévisée le 24 septembre. Soulignant l’attachement du gouvernement «à un régime de laïcité stricte, appliqué strictement dans le champ du sport», elle a ajouté que cela signifiait «l’interdiction de toute forme de prosélytisme. Ça veut dire la neutralité absolue du service public, donc que les représentants de nos délégations, dans nos équipes de France, ne porteront pas le voile».

«Depuis la décision du Conseil d’Etat rendue dans l’affaire des «hijabeuses» l’état du droit français est clair : en équipe de France, une athlète ne peut en principe pas porter un voile», synthétise Mathieu Maisonneuve, professeur de droit public à l’Université d’Aix-Marseille. Ce cas de figure ne s’est par ailleurs pas encore présenté. Cette mise au point de la ministre ne concerne que les sportives de l’équipe de France, et en aucun cas les sportives des délégations étrangères qui seront présentes à Paris pour les JO.

Chaque pays fixe lui-même le cadre de sélection de ses athlètes. Une fois les sportives sélectionnées dans leurs équipes nationales, c’est ensuite dans le cadre des compétitions par sport que la question du port du hijab peut se poser. «Pour les compétitions sportives des Jeux de Paris 2024, le port du hijab dépend des règlements de compétition établis par les Fédérations Internationales (FI) concernées», a précisé le CIO, interrogé par l’AFP. Certaines fédérations l’autorisent, d’autres non. «Des sportives appartenant à des délégations étrangères souhaitant porter le voile dans un sport l’y autorisant ne peuvent évidemment pas en être empêchées par le droit français», rappelle Mathieu Maisonneuve.

Autre précision importante du CIO apporté à l’AFP : «Dans le village olympique, les athlètes peuvent librement porter le hijab». Une liberté dont pourraient cependant ne pas forcément jouir les sportives françaises selon Mathieu Maisonneuve : «Le droit français ne s’arrête pas aux portes du village olympique et il n’est pas tout à fait évident que celui-ci permette à une membre de la délégation française d’y porter un voile».

Deux jours après la déclaration de la ministre des Sports, l’ONU s’est clairement démarqué de la position française, rappelant par la voix de la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Marta Hurtado, son opposition de principe au fait d’imposer aux femmes ce qu’elles doivent ou non porter. Un organisme sportif affilié à l’Organisation de la coopération islamique (OCI) s’est quant à lui dit lundi «profondément préoccupé» par cette interdiction.

Pour cette Fédération sportive de solidarité islamique (ISSF), basée à Ryad en Arabie saoudite et forte de 57 pays membres majoritairement musulmans, le voile est «un aspect de l’identité de nombreuses femmes musulmanes» et doit «être respecté». Selon l’ISSF, l’interdiction française pourrait empêcher certaines athlètes musulmanes françaises de participer aux JO. Mais en dehors de ces deux réactions, la position de la France, toujours isolée sur ces questions de laïcité, n’a pas soulevé plus de critiques. «La ministre et le CIO ont échangé depuis dimanche, et il n’y a aucun problème», a assuré à l’AFP l’entourage de la ministre des Sports.