Avec une affluence en croissance d’environ 20% en 10 ans, les cinq lignes de RER franciliennes doivent s’adapter à une demande toujours plus importante, alors que leur capacité plafonne. C’est bien là tout le problème que soulève le rapport présenté ce mercredi par Pierre Moscovici. Le premier président de la Cour des comptes a ainsi estimé que les «performances» des exploitants du RER en Île-de-France – la RATP et la SNCF – n’étaient «pas satisfaisantes». Il a ainsi plaidé pour revoir les modalités des contrats entre les deux opérateurs et pour poursuivre voire accélérer les efforts d’investissement. Le tout en appelant Île-de-France Mobilités à se montrer plus exigeante sur la qualité des services fournis par les opérateurs.

«C’est un paradoxe très français, nous avons un taux de dépenses publiques qui atteint des sommets, alors que dans le même temps, les Français sont de moins en moins satisfaits du service public», a ainsi affirmé l’ancien ministre de l’Économie. Avant de préciser que la Cour des comptes a choisi de «mener un audit à l’aune de la qualité de ce service public» en Île-de-France. Et ce, «en prenant en compte» en priorité «le point de vue des voyageurs» sur une durée allant «de 2016 à 2022». Et s’il ne se montre pas spécialement catastrophé de l’offre de RER dans la région – rappelant qu’il s’agit tout de même de l’un des réseaux les plus fréquentés au monde derrière la ligne tokyoïte Yamanote et le réseau suburbain de Bombay – le constat n’est pas glorieux pour autant.

Parmi les premières critiques, la Cour des comptes pointe du doigt «les modestes taux de satisfaction» ainsi que «les médiocres taux de ponctualité» face à la «hausse prévisible de la fréquentation». Les deux lignes B et D, les plus éprouvées, affichent respectivement des taux de ponctualité d’à peine 85,7% et 86,6%. Selon Pierre Moscovici, la fréquentation des RER «a augmenté de 5% sur le réseau RATP et de 12% sur la SNCF», alors même que le nombre de trains n’a pas changé et des «incidents de toute nature viennent détériorer le service». «De fait, en dehors de la ligne A, les ponctualités des lignes restent en deçà des objectifs», souligne l’institution de la rue Cambon, tout en pressant Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports en commun, d’exiger de recevoir «les données d’exploitation et de billettique en temps réel».

Autre point faible du réseau : la co-gestion de l’exploitation à la fois par la RATP et la SNCF. «L’organisation commune pour l’exploitation des lignes les plus fragiles est beaucoup plus laborieuse, au croisement de deux réglementations, de cultures et deux savoir-faire», peut-on lire dans le rapport, quand les magistrats appellent à «un effort de coordination entre les différents acteurs». Eux préconisent de lancer la mise en place d’une «organisation nouvelle adaptée à une logique de ligne sans attendre l’ouverture à la concurrence en 2040». Et pour illustrer ces difficultés, le premier président prend l’exemple de la ligne B dont la gestion est «trop complexe, voire illisible» ou encore la mise en place d’un centre de commandement unique entre les deux opérateurs, à l’étude depuis de nombreuses années, mais dont la mise en place n’est pas prévue avant 2031. «Ce sont des atermoiements qui ne sont plus acceptables», a lancé Pierre Moscovici.

En outre, il estime que les RER «souffrent d’un sous-investissement certain (…) caractérisé par des retards dans le renouvellement des rames et un effort d’entretien insuffisant des infrastructures». Lui juge donc «indispensable» d’investir au plus vite, évoquant à titre d’exemple le changement de «certains caténaires centenaires». Des investissements «qui ne peuvent plus être différés», assure-t-il. Et comme piste d’amélioration, le rapport recommande de «publier un rapport annuel sur la qualité de service dans les RER», de «définir et mettre en œuvre une stratégie d’audits des opérateurs», encore trop peu utilisés par IDFM selon Pierre Moscovici, d’«établir un contrat entre IDFM et SNCF Réseau pour mettre en œuvre des indicateurs de performance spécifiques» ou encore de «prévoir un mécanisme de responsabilisation financière directement applicable à SNCF Gares

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Loin d’éluder la question centrale du financement des transports en commun, plusieurs solutions sont avancées par Pierre Moscovici qui s’appuie notamment sur un rapport de la Cour régionale des comptes publié en 2022. Dans celui-ci, il est d’abord question de l’augmentation des tarifs pour les usagers, mais aussi de la «contribution des automobilistes franciliens au financement du système» ou encore de «la valorisation d’une partie de la plus-value immobilière que les collectivités territoriales et les entreprises tirent de la mise en service des gares et stations des nouvelles lignes de RER, métro et tramway». En parallèle, l’ancien ministre souhaite explorer la piste de l’amplification «des mesures incitant à l’usage des transports en commun», «dont la fréquentation accrue» doit «générer de nouvelles recettes».

Enfin, la Cour des comptes insiste sur le fait que «les critères pour la prise en compte de l’opinion des usagers gagneraient à être revus». «Depuis plusieurs années, les enquêtes font état de retours toujours favorables pour les cinq lignes RER, de 74% à 86% de voyageurs se déclarant satisfaits», souligne le rapport, qui estime que «la pondération des critères retenus (…) devrait être ajustée». Car, selon l’institution, les opérateurs n’accorderaient pas assez de poids à la ponctualité et la fréquence des trains, qui «constituent les critères prépondérants pour les usagers». Logiquement, cela devrait avoir «un impact sur les bonus-malus», affirme Pierre Moscovici, qui rappelle qu’ils n’ont eu, jusqu’à aujourd’hui, qu’une «efficacité très incertaine sur le niveau de la qualité de service».