Ces riches. Ils veulent tout. Ce milliardaire qui a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique est en quête de prestige. Consterné, il récapitule les cadeaux qu’il a reçus pour ses 80 ans. Il lui faut autre chose. Financer un pont qui porterait son nom? Banal. Mieux vaut produire un film, choisir une réalisatrice à la mode. On voit par là que le monsieur ne sait pas dans quoi il met les pieds.

Il a acheté les droits d’un prix Nobel, s’est offert les services d’une cinéaste intellectuelle et lesbienne et rêve déjà de monter les marches au Festival de Cannes. Rivalité, mis en scène par l’intransigeante Lola Cuevas, attention les yeux. Songez, la dame est l’auteur de La Pluie inversée, du Vide et de Brume qui ont été couverts de prix. Penélope Cruz, rousse incendiaire à la coiffure afro, convoque les deux acteurs qu’elle a embauchés pour incarner les frères du roman. Il n’y a pas plus opposé.

Oscar Martinez (Ivan) est un professeur de théâtre sérieux comme un pape, Antonio Banderas (Felix) une star hollywoodienne. Entre Ivan et Felix, les frictions sont multiples. L’un prend des taxis, l’autre arrive dans une Ferrari orange. Les répétitions ont lieu dans un immeuble d’architecte, sorte de musée d’art moderne sans aucune œuvre à l’intérieur. Prise de tête garantie. Le scénario, épais comme un bottin, ressemble aux journaux de Peter Beard.

Avec Compétition officielle, Gaston Duprat et Mariano Cohn (Citoyen d’honneur) épinglent avec férocité les tics d’un milieu, exposent la prétention à l’état pur, le tout sur une musique d’Erik Satie. Lola pinaille sur la façon de prononcer «Bonsoir», oblige ses interprètes à dire leur dialogue sous un rocher de cinq tonnes pendu à une grue. Le comédien introverti hurle son prénom pour se dissocier de lui-même. La vedette internationale s’invente une maladie. Les rivaux accumulent les vacheries. Le mépris vire à la rage sourde. La jalousie se dissimule sous des sourires de courtoisie, se pare de fausses embrassades et de déclarations d’amitié éternelle.

La satire vise le noir de la cible. Les ego en sortent meurtris, brisés, à l’image de ces trophées que la géniale rouquine enfourne dans une broyeuse. Celui qui se croit pur récite devant sa glace le discours qu’il prépare pour les Oscars. L’abonné des blockbusters a droit à la blague la plus drôle de ces dernières années, quand on lui demande combien d’enfants il a. Un pari à 100 euros réserve une solide surprise. Pour la modestie, ils ne craignent personne. Quant à Penélope Cruz, véritable tornade d’égocentrisme, elle s’en donne à cœur joie, couche avec la fille du magnat, pratique de ridicules exercices d’assouplissement. Tout cela finira dans le sang. La vanité aura le dernier mot. Ce réjouissant jeu de massacre dégonfle les baudruches culturelles, se situe entre The Square et Les Nouveaux Sauvages. Cela fait un bien fou. Dans un monde parfait, le film serait remboursé par la Sécurité sociale.

«Compétition officielle» , comédie de Mariano Cohn et Gaston Duprat. Avec Penélope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martinez. Durée 1 h 54.