La crise du Covid a profondément modifié les habitudes des Français en matière de culture. Un baromètre commandé à Médiamétrie par l’Association pour le soutien du théâtre (ASTP, Soixante-dix salles de spectacle en île de France et une trentaine de producteurs-diffuseurs) est assez alarmant. Intitulée «Les Français et leur perception du théâtre», cette étude réalisée auprès d’un échantillon de 1500 d’internautes, révèle que 48 % des Français ne vont pas ou plus au spectacle et 23 % n’y vont plus que ponctuellement, depuis la réouverture des salles, le 19 mai 2021.

L’étude souligne qu’au cours des douze derniers mois seulement 53 % des Français ont assisté à un spectacle vivant – concert, cirque, one-(wo)man-show, comédie musicale, danse, opéra – et 27 % sont allés voir une pièce de théâtre.

Les raisons de ce changement d’habitude ? La crise sanitaire est très souvent évoquée, mais aussi la baisse du pouvoir d’achat. Le prix des billets est la première cause de cette baisse de fréquentation avant le besoin de rester chez soi depuis la crise du Covid.

Face à cela, 29 % de spectateurs déclarent aller autant si ce n’est plus au théâtre motivé par l’envie «sortir de chez soi et de son quotidien», de « profiter d’un moment avec [s]es proches » et de « ressentir et de partager des émotions ». L’une des données les plus importantes concerne le glissement des fréquentations vers une population plus jeune.

« Depuis le Covid, les publics traditionnels du théâtre (femmes et seniors) ne sont plus au rendez-vous. On assiste à une diminution des baby-boomers, qui portaient auparavant la dynamique de fréquentation, constate Anne-Claire Gourbier, déléguée générale de l’ASTP. Néanmoins, la bonne nouvelle est l’émergence d’un noyau de public plus jeune.» L’âge moyen est désormais de 41,2 ans. Pour ce qui est du genre et de la classe sociale, 58 % sont des hommes et 38 % appartiennent à des catégories socioprofessionnelles supérieures.

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L’étude va plus loin et interroge les internautes sur les membres de son panel sur la perception du théâtre. Ceux-ci jugent cette sortie culturelle trop cher (68 %), citadine (64 %), intellectuelle (60 %) et réservée aux classes aisées (56 %). (38 %) des seniors la jugeant « de qualité », alors que 31 % des lycéens et étudiants la considèrent « ennuyeuse ».

Tout n’est pas perdu, plus de la moitié des personnes interrogées souhaiterait malgré tout «y aller davantage». Et de préciser ce qui pourrait les motiver pour voir des spectacles. Comme avoir « des périodes dans l’année avec des tarifs avantageux», jouir de lieux plus « accueillants et confortables » et avoir la possibilité d’assister à «des pièces avec des acteurs ou actrices connu(e)s». Certains évoquent le déficit de communication et encouragent à la création d’une «version d’Allociné pour le théâtre ».

Les réseaux sociaux sont devenus indispensables pour la visibilité des pièces. 37 % des personnes interrogées ont eu connaissance des spectacles à l’affiche grâce à eux. 38 % sont informés par le bouche-à-oreille et 39 % par la télévision.

L’ASTP, qui constate elle-même une baisse de la fréquentation de ses théâtres au premier semestre 2022, travaillera sur les résultats de cette enquête pour «améliorer le renouvellement des publics, notamment les jeunes» et sur sa fidélisation par le biais d’événements, tels qu’une «fête du théâtre» ou des journées «tous au théâtre». «La fermeture des lieux pendant la crise sanitaire a accéléré l’érosion des publics habituels», regrette Anne-Claire Gourbier. «Nous nous demandons si nous avons encore le potentiel pour maintenir deux séances par soir», reconnaît Pascal Guillaume, patron du théâtre Tristan Bernard, salle qui contient 398 place et où le spectacle Les gros patinent bien connaît un très beau succès.

L’enquête sera désormais annuelle pour surveiller de près les changements d’habitudes culturelles des Français et être en mesure de modifier les politiques vis-à-vis des spectateurs en cas de besoin.