L’inflation dans la zone euro a atteint 8,1% en mai sur un an. Un niveau jamais vu depuis 25 ans. Mais si elle frappe conjointement tous les pays européens, la hausse des prix fluctue selon les économies. La France se distingue par une inflation modérée (5,8%) par rapport à ses voisins allemands (8,7%) ou espagnol (8,5%) selon les estimations d’Eurostat pour le mois de mai. Les pays du Vieux Continent adoptent chacun des réponses différentes pour protéger le pouvoir d’achat de leurs citoyens et leurs entreprises.
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«On retrouve deux types de mesures anti-inflation dans tous les pays. Des allocations aux ménages, souvent ciblées sur les plus modestes comme l’indemnité inflation en France, et des mesures sur les prix de l’énergie qui touchent tous les consommateurs. Cependant, il n’y a eu aucune coordination entre les pays européens dans leur politique de lutte contre l’inflation, alors même que même que les différences de hausses des prix créent un risque de divergence des économies», observe l’économiste Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la chaire d’économie au Conservatoire national des arts et métiers. Tour d’Europe de ces dispositifs anti-inflation.
Dès la première poussée d’inflation à l’automne dernier, le gouvernement français s’est emparé du sujet. Un chèque inflation de cent euros a été accordé à tous les Français qui perçoivent moins de 2.000 euros nets par mois. Un «bouclier tarifaire», garantissant un gel des tarifs de gaz et d’électricité, a ainsi ensuite mis en place début 2022. Les produits énergétiques restent les plus touchés par l’inflation (leur prix a bondi de 38% sur an, contre 6,4% pour les aliments, l’alcool et le tabac). Une ristourne de 15 centimes par litre sur le prix à la pompe a également été mise en place.
Après les législatives de juin, le gouvernement Borne compte présenter une loi «pouvoir d’achat», érigé en priorité absolue. De nouvelles mesures visant à protéger le budget des Français y figureront, notamment une indexation des retraites et des minima sociaux sur l’inflation, des augmentations de la rémunération des fonctionnaires et un chèque alimentaire. Le bouclier tarifaire devrait être étendu au moins jusqu’à la fin d’année, tout comme la remise sur les prix du carburant qui sera réévaluée. En attendant le prochain paquet de mesures, le gouvernement précédent a déjà engagé 26 milliards d’euros de dépenses, selon Bruno Le Maire.
Depuis février, les ménages allemands les plus pauvres bénéficient de subventions pour régler leur facture de chauffage. Berlin a également décidé d’un allègement fiscal à la pompe qui permet de réduire les prix de 30 centimes par litre d’essence et de 14 centimes par litre de diesel. Le paquet de mesures anti-inflation voté par la coalition prévoit un accès à tous les transports en commun du pays cet été, pour un tarif réduit à 9 euros par mois.
Par ailleurs, tous les salariés imposables toucheront un chèque exceptionnel de 300 euros. En juillet, les familles avec enfants recevront en outre 100 euros supplémentaires sous forme d’allocation familiale, et les chômeurs une allocation exceptionnelle allant jusqu’à 200 euros. La taxe sur les carburants sera par ailleurs baissée entre juin et août au minimum européen, soit une réduction de 14 à 30 centimes par litre. Enfin, le seuil d’imposition, ou abattement de base, a été augmenté, de même que l’indemnité kilométrique. En tout, près de 30 milliards d’euros d’aides anti-inflation ont été votés au Bundestag.
Comme en Allemagne, le gouvernement italien joue sur la fiscalité pour alléger les prix à la pompe correspondant à une baisse d’environ 30 centimes par litre de carburant. Un dispositif qui sera financé par l’instauration d’une taxe d’abord fixée à 10% sur les profits records des fournisseurs d’énergie.
Cette taxe a été portée à 25% début mai, dans le cadre d’une nouvelle enveloppe de 14 milliards d’euros comprenant un bonus de 200 euros pour 28 millions d’Italiens ayant des revenus inférieurs à 35.000 euros annuels. La réduction des taxes sur les carburants a en outre été prolongée. Au total, le gouvernement italien a débloqué 30 milliards d’euros pour endiguer l’inflation depuis le début de l’année.
L’envolée des prix bouleverse le quotidien de millions de Britanniques, forcés de se restreindre sur leur consommation de nourriture et d’énergie. Longtemps réticent à débloquer des aides massives et à augmenter les impôts des entreprises énergétiques, Londres s’est résolu jeudi à annoncer le déblocage de 15 milliards de livres d’aides aux ménages les plus défavorisés. Le dispositif sera financé par l’instauration d’une taxe sur les bénéfices des géants pétroliers.
Qualifiée de «temporaire», cette taxe a été fixée à 25% et doit permettre de dégager à elle seule cinq milliards de livres. Au total, le gouvernement britannique affirme que 37 milliards de livres (43,6 milliards d’euros) ont été débloqués cette année.
Confronté à une crise sociale inédite provoquée par la hausse des prix, Madrid a annoncé fin mars un plan de 16 milliards d’euros d’aides directes pour les ménages et de prêts à taux réduit aux entreprises. Entré en vigueur le 1er avril et prévu jusqu’au 30 juin, ce plan comprend une subvention de 20 centimes d’euros par litre de carburant, financée à hauteur de 15 centimes d’euros par l’État et de 5 centimes par les compagnies pétrolières. Il inclut aussi une limitation à 2% des hausses de loyers et une hausse de 15% du montant du revenu minimum vital.
L’Espagne et le Portugal voisin ont par ailleurs obtenu de Bruxelles une dérogation en vue de faire baisser le prix de l’électricité dans la péninsule ibérique en le dissociant de celui du gaz.
La Suède, pays d’Europe où le gazole est le plus lourdement taxé, a présenté mi-mars un plan de près de 1,3 milliard d’euros. Il consistait notamment en une baisse d’impôt de 1,30 couronne par litre (environ 12 centimes), jusqu’au 31 octobre.
Belgique et Pays-Bas ont fait le choix d’abaisser la TVA sur l’énergie (gaz naturel, électricité et chauffage urbain) et de réduire les droits d’accise sur les carburants. Les ménages belges les plus pauvres ont également vu le bénéfice du «tarif social» sur l’électricité et le gaz naturel prolongé.
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En Pologne, un «bouclier anti-inflation» a été prolongé, et des aides versées à quelque cinq millions de familles. En Hongrie, le gouvernement a annoncé cette semaine une taxe sur les entreprises. Sur les carburants, Budapest a en revanche décidé que seules les voitures immatriculées dans le pays pourraient désormais bénéficier de la mesure fixant le litre à environ 1,2 euro. Les prix des denrées alimentaires de base sont plafonnés depuis février.