Son prix, aussi vaporeux que la brume anglaise, affiche discrètement «sur demande», sur le site de la maison de ventes Christie’s. La presse britannique est plus diserte : Waterloo Bridge, effet de brume, l’une des 41 vues du pont londonien peintes par Claude Monet entre 1900 et 1904, a été évaluée à près de 30 millions de dollars (28 millions d’euros environ). C’est un prix de départ. Détenu depuis les années 1950 par un collectionneur qui l’avait prêté il y a dix ans au Kunstmuseum de Bâle, le tableau impressionniste s’apprête à passer sous un marteau de Londres, mardi 28 juin.
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Les toiles du peintre français consacrées à bataille de la bruine, du fog et du soleil autour du pont de Waterloo s’aventurent rarement aux enchères. Plus de la moitié sont conservés par des musées et une dizaine de tableaux font partie de collections privées qui ne risquent pas de s’en séparer de sitôt. Le reste se compte sur les doigts d’une main. L’an passé, un Pont de Waterloo, effet de brouillard daté de 1903 a ainsi été adjugé 48,5 millions de dollars. Même sujet, mais tout autre peinture : son camaïeu bleu de France au cœur de la capitale britannique, voilé de lourdes vapeurs, se distingue nettement de l’instant baigné de lumière saisi par Monet dans son Effet de brume. Comme avec la cathédrale de Rouen, l’artiste a produit des dizaines de variations du pont anglais, en jouant sur les changements plus ou moins prononcés de l’heure et du temps.
«La série de tableaux londoniens (de Monet, NDLR) est probablement parmi les vues les plus emblématiques qu’il ait peintes. Elles ont un cachet considérable, a souligné pour le quotidien britannique The Guardian l’historien de l’art Keith Gill, à la tête du département d’art moderne et impressionniste chez Christie’s. L’ensemble est entièrement consacré au travail de la couleur, de la lumière et de l’atmosphère.» Ce printemps paraît favorable aux belles ventes impressionnistes, comme semble l’attester la vente new-yorkaise, le 12 mai, d’une vue du Parlement britannique au soleil couchant, peinte par Monet en 1903, pour 75,9 millions de dollars.
Daté de 1904, d’après la signature de l’artiste, Le Pont de Waterloo, effet de brume bientôt en vente chez Christie’s a un temps été possédé par le marchand d’art et galeriste Paul Durand-Ruel, qui a joué un rôle majeur dans la diffusion des peintres impressionnistes. Le tableau est l’une des dernières de la série de Monet consacrée au pont londonien inauguré en 1817. Avant lui, John Constable, William Turner ou encore James Whistler s’étaient également laissé séduire par les arches de granit jetées sur la Tamise et baptisées du nom de la victoire définitive des Alliés contre Napoléon. La muse de pierre chantée par Monet et les plus grands peintres britanniques du XIXe siècle a été démolie dans les années 1930 et remplacée la décennie suivante par une construction en béton armé. Restent la brume et la Tamise.