C’est un obstacle que le camp présidentiel n’avait pas vu venir. Cinq ans après son adoption sous tension à l’Assemblée nationale, en 2019, le Sénat examine ce jeudi le texte de ratification du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, connu sous le nom de CETA. Au Palais du Luxembourg, une alliance de circonstance entre les élus de droite et gauche pourrait faire tomber cet accord, qui entérine notamment la suppression de la quasi-totalité des droits de douane entre les deux partenaires.
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Un blocage encouragé par une majorité de Français (55%) pour lesquels le traité «n’impose pas les mêmes conditions sanitaires à l’agriculture canadienne qu’à l’agriculture européenne», selon notre dernier sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro. Ce, alors que le Ceta prévoit l’importation de viande canadienne faisant craindre à ses opposants une concurrence déloyale avec la filière bovine tricolore.
Même au sein du camp présidentiel, qui en loue pourtant les bienfaits, seuls 52% des sympathisants défendent un accord qui permettrait «un accroissement de l’activité économique et commerciale» entre les deux partenaires. Reste que près de la moitié des Français (47%) n’ont jamais entendu parler du traité avec le Canada, et encore moins de celui en discussion avec les pays d’Amérique du Sud (46%), connu sous le nom de Mercosur.
Il n’empêche, à moins de trois mois et des élections européennes et sur fond de crise agricole, ces deux accords de libre-échange pourraient peser dans la balance des électeurs. Parmi les Français qui connaissent au moins l’un des deux, et ayant l’intention de voter le 9 juin prochain, 71% assurent ainsi que les traités «compteront» au moment de glisser leur bulletin dans l’urne.
Il faut dire que les Français voient plus largement d’un mauvais œil les accords de libre-échange, puisque plus de la moitié d’entre eux (59%) juge que ces derniers représentent «un danger pour les entreprises européennes dont les produits sont concurrencés par des produits à bas prix». Un avis partagé dans les rangs des sympathisants insoumis (54%), jusqu’à ceux plus critiques encore du Rassemblement national (69%). À l’exception des électeurs de Renaissance (62%), qui y voient plutôt «une chance pour les entreprises européennes d’exporter et de se développer en dehors de leurs frontières».
Une tendance qui se traduit d’ailleurs dans les attentes des Français vis-à-vis de l’Union européenne. Ces derniers (56%) réclament ainsi davantage de «protectionnisme» économique, délaissant un peu plus le besoin de développer le «libre-échange» (20%). Une large majorité semble néanmoins s’accorder pour bouger les lignes, puisque seuls 23% souhaitent «conserver la situation actuelle».