L’exécutif n’aura pas seulement les yeux rivés sur la menace terroriste ce week-end. Une mobilisation à haut risque est attendue à Saïx (Tarn), samedi et dimanche, contre le projet d’autoroute Toulouse-Castres (A69). La préfecture de Haute-Garonne anticipe la présence de 6000 à 8000 personnes, principalement des militants écologistes, pour cette opération «Ramdam sur le Macadam». Environ «200 à 300 radicaux» sont attendus parmi eux, indique une source sécuritaire. Pas moins de 1600 policiers et gendarmes seront donc mobilisés pour encadrer le rassemblement, «appuyés par des hélicoptères et des drones». Des contrôles et des interpellations ont débuté dès vendredi après la découverte «d’armes par destination» sur des manifestants qui ont commencé à se rendre sur place.
Des collectifs comme les Soulèvements de la Terre – dont la dissolution demandée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a été suspendue par le Conseil d’État -, Extinction Rebellion et Attac appellent à entraver la construction des 53 kilomètres de l’A69. Ils pourront certes se réunir à Saïx, mais le préfet a interdit les «manifestations et les rassemblements revendicatifs» dans 15 communes alentour, le long du tracé du chantier, entre vendredi midi et lundi matin. «Des actes violents pourraient être perpétrés», se justifie le représentant de l’État, qui s’appuie sur une déclaration des Soulèvements de la Terre appelant à «un week-end de résistance, d’action et de luttes déterminées contre l’autoroute». Il intervient après que le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a haussé le ton lundi, affirmant que «l’État est déterminé à faire aboutir ce projet, qui a été décidé démocratiquement et confirmé systématiquement par le juge». Avant ce communiqué, les élus locaux concernés ont été réunis et ont réitéré leur soutien au projet. «Force restera à la loi et à l’État de droit», a martelé Clément Beaune, rejetant ainsi la proposition de référendum local porté par «La Voie est libre», un collectif hostile à l’A69.
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L’opposition à l’infrastructure routière s’est cristallisée après que le militant écologiste Thomas Brail s’est installé en septembre dernier pendant dix jours en haut d’un arbre à Paris, en face du ministère de la Transition écologique. En grève de la faim puis de la soif, il a été délogé par les pompiers après que Clément Beaune a tenté, en vain, une médiation avec lui. L’abattage des arbres situés le long du tracé de l’autoroute a même été brièvement suspendu. Le ministre, qui incarne l’aile gauche de l’exécutif, s’est finalement résolu à opter pour la fermeté. En première ligne sur ce dossier, il est directement visé par les écologistes. Quant aux grands élus de la région, ils marchent sur des œufs. À commencer par Carole Delga, la présidente PS de la région Occitanie, elle aussi dans le viseur des opposants.
L’exécutif s’inquiète maintenant de l’établissement d’une nouvelle «zone à défendre» (ZAD) dans la région, terme utilisé par les écologistes opposés à des projets aussi divers que les bassines d’eau de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ou encore un projet Center Parcs (annulé en 2020) dans l’Isère.
Le procédé rappelle évidemment la bataille spectaculaire autour de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Face à des «zadistes» violents, Édouard Philippe avait décidé de mettre fin au projet en 2018, malgré le résultat d’un référendum local qui l’approuvait. «Si chaque fois qu’une nouvelle infrastructure est évoquée se pose la question de l’artificialisation des sols, alors on ne pourra plus rien faire. Il faut revenir à l’État de droit. On ne peut pas mettre sur le même plan la parole d’un maire démocratiquement élu et d’un militant, aussi sincère soit-il, dans ses combats», souligne l’entourage de Clément Beaune. Sans reprendre pour autant le terme «d’écoterrorisme», avancé il y a près d’un an par Gérald Darmanin, pour qualifier des mouvements écologistes radicaux. L’expression avait fait débat jusqu’au sommet de l’État. «Je ne sais pas si c’est le mot que j’emploierais», rétorquait la première ministre au Figaro, en juin dernier. Plus sobrement, le ministre de l’Intérieur a récemment installé à Beauvau «une cellule anti-ZAD, avec des juristes spécialisés» pour prévenir la fixation de ces points de contestation. L’entrée en matière avec le chantier de l’A69 promet d’être ardue.