Il devait être à Bruxelles toute la journée, où se tenait un sommet européen. Emmanuel Macron a finalement écourté sa visite vendredi pour présider une nouvelle cellule de crise interministérielle. Ce format est d’ailleurs désormais activé en continu pour suivre la situation «et prendre les décisions nécessaires», selon les précisions de Matignon.
Depuis le ministère de l’Intérieur, où se tient ce comité exceptionnel, le chef de l’État a de son côté dénoncé «une instrumentalisation inacceptable de la mort d’un adolescent». L’occasion de faire un point sur la situation, trois jours après le décès du jeune Nahel, à Nanterre, tué par un policier alors qu’il refusait de se soumettre à un contrôle.
Après une troisième nuit consécutive d’émeutes, Emmanuel Macron a adressé ses premiers mots aux forces de l’ordre, dont il a félicité la réponse «rapide et efficace». Jeudi soir, 40 000 policiers et gendarmes n’ont pourtant pas suffi à contenir la vague de violences urbaines qui se répand dans le pays. Face à l’escalade des tensions, le président a annoncé le déploiement «de moyens supplémentaires» par le ministère de l’Intérieur. Parmi lesquels un renforcement des effectifs des forces de sécurité intérieure en mobilisant des forces mobile supplémentaires, un déploiement de véhicules blindés de la gendarmerie nationale ainsi qu’une action renforcée des douanes pour contrôler le transport de produits interdits depuis des pays frontaliers.
Plus tôt, le chef de l’État s’était déjà dit prêt à adapter le dispositif de maintien de l’ordre, a fait savoir l’Élysée. «Toutes les hypothèses», dont l’instauration de l’état d’urgence – réclamé par plusieurs responsables politiques à droite -, sont aussi envisagées selon la première ministre Élisabeth Borne. Et la situation pourrait être réévaluée en fonction de l’évolution des événements.
Alors que les interpellations s’intensifient au fil des nuits, une circulaire du Garde des Sceaux prévoit également de renforcer les comparutions immédiates. Concernant les personnes déférées – celles qui doivent se présenter devant un juge -, de nouvelles mesures s’appliquent : une «interdiction de paraître» pour les majeurs et une «interdiction de sortie de nuit» pour les mineurs.
Après trois jours de contestation, le profil des émeutiers se précise. Parmi les personnes interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi, «un tiers sont des jeunes, parfois très jeunes», a déclaré le président. Devant ces images de chaos mettant en scène des adolescents, Emmanuel Macron a appelé «au sens de la responsabilité des pères et des mères de familles». Les parents devant, selon lui, garder leurs enfants à la maison. «La République n’a pas vocation à se substituer à eux», a-t-il conclu. Matignon a par la suite précisé «le rappel de la responsabilité civile des parents et des sanctions pour les parents qui commettent de graves manquements à leurs obligations légales.»
Sans un retour au calme, plusieurs «événements festifs» et «rassemblements» prévus ce week-end sont annulés dans les départements jugés «les plus sensibles», a annoncé Emmanuel Macron. Façon de ménager les forces de l’ordre, déjà très sollicitées dans ces territoires. Ces derniers concentreront ainsi leur action sur la protection des «mairies et de nos compatriotes», a précisé Emmanuel Macron. Les concerts de Mylène Farmer, prévus vendredi et samedi soir au Stade de France, ont par exemple été annulés.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé vendredi à l’ensemble des préfets de suspendre la circulation de tous les bus et les tramways de France, dès 21 heures. Une mesure de précaution déjà prise en Île-de-France, où de nombreux transports ont été incendiés par les manifestants. Elle devrait être reconduite «jusqu’à nouvel ordre».
Les scènes de pillages sont massivement relayées sur les réseaux sociaux, prisés du jeune public. «Nous avons vu sur plusieurs d’entre eux, Snapchat, Tiktok, à la fois l’organisation de rassemblements se faire, mais une forme de mimétisme de la violence», a pointé le chef de l’État.
Une réunion en présence de Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot (Transition numérique) doit se tenir vendredi à 18 heures 30 à Beauvau avec les plateformes numériques, «afin de les alerter sur leur responsabilité et leur demander leur appui, notamment pour identifier les utilisateurs de réseaux sociaux qui participent à la commission d’infractions.»