C’est la plus sensible des réformes annoncées au Parlement cette année, au milieu de textes moins polémiques – agriculture, logement, simplification des entreprises… C’est aussi celle qui touche le plus à l’intime. En ouvrant la voie à une «aide à mourir», l’une de ses promesses de campagne, Emmanuel Macron a suscité de vives réactions. Son projet de loi associe le renforcement des soins palliatifs et la «possibilité» pour certains patients de recevoir une «substance létale», a-t-il expliqué dans un entretien à Libération et à La Croix paru lundi. Mais il oppose les tenants de la liberté ultime de choisir sa mort et les partisans des soins jusque dans les situations les plus difficiles, au nom de la solidarité.
Selon le président de la République, l’actuelle loi Claeys-Leonetti «ne permettait pas de traiter des situations humainement très difficiles». «On peut penser aux cas de patients atteints d’un cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés, indique-t-il. Il fallait donc aller plus loin.» Le chef de l’État prend garde à ne pas utiliser les mots les plus controversés d’«euthanasie» et de «suicide assisté». Il précise que l’«aide à mourir» sera réservée, selon des «conditions strictes», à certains malades: des personnes majeures «capables d’un discernement plein et entier», atteintes d’une «maladie incurable» et d’un «pronostic vital engagé à court ou à moyen terme», et enfin victimes de souffrances «physiques ou psychologiques»,«que l’on ne peut pas soulager».
Malgré ces modalités, Emmanuel Macron est accusé par des soignants, l’Église et la droite de franchir la ligne rouge de l’interdit de tuer. Il est aussi critiqué pour avoir habillé son projet du mot «fraternité». Une «tromperie», juge le président de la Conférence des évêques, Éric de Moulins-Beaufort.
Dans le détail, le calendrier choisi prévoit un examen à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai. Soit à la veille des européennes du 9 juin, au risque de raviver les réticences d’une partie de la classe politique. À droite et au Rassemblement national (RN), plusieurs cadres accusent le chef de l’État de «faire diversion» avec ce «sujet de société».
Au Parlement, où l’exécutif espère obtenir une majorité, le choix des députés et des sénateurs ne relèvera pas d’une consigne de groupe mais de la liberté de vote. L’entourage d’Emmanuel Macron appelle à la sérénité: «Il n’y a aucune raison pour que ce qui s’est passé dans la société civile et à la convention citoyenne (sur la fin de vie) ne se produise pas également au Parlement.»
Soucieux d’avancer sans encombre, les défenseurs du projet de loi répondent à ses opposants que le texte est assorti d’une «stratégie décennale» sur les soins palliatifs. Un milliard d’euros supplémentaires doit être investi sur 10 ans, et les vingt et un départements sans unité de soins palliatifs doivent en être dotés. La copie du gouvernement devrait toutefois faire l’objet de multiples amendements. Le «modèle» de la fin de vie «doit être issu de la délibération parlementaire», a prévenu la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, le 6 mars sur France Inter. Comme pour rappeler que le Parlement aura le dernier mot.