L’école de la Légion d’honneur abritera-t-elle, ce mercredi, une relance inespérée du quinquennat d’Emmanuel Macron? À Saint-Denis, le chef de l’État s’en remettra une nouvelle fois aux oppositions pour faire émerger une concorde loin d’être évidente. Reçus collectivement à 15 heures, les onze chefs de parti représentés au Parlement, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique social et environnemental (Cese), ainsi que la première ministre échangeront à «bâtons rompus» avec le chef de l’État.

À huis clos, sans image, sans collaborateur ni expression publique à l’issue. «Une discussion franche» lors d’une «rencontre inédite et loyale», garantit l’Élysée, qui tient à dissocier ce rendez-vous de la situation politique au Palais Bourbon, où Emmanuel Macron ne bénéficie pas d’une majorité absolue.

Il ne s’agit pas cette fois de tenter de former une coalition. Afin de trouver des «consensus» ponctuels, la présidence prévoit trois temps de dialogue: d’abord sur la situation internationale, puis sur les institutions et leur simplification avant un dîner de travail où il sera question de l’autorité et de la façon de «faire nation». Tous les partis conviés ont décidé de répondre présent, à l’exception des Insoumis, qui boycotteront le dîner.

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Énième acte de défiance entre la macronie et LFI alors que Jean-Luc Mélenchon a accusé l’exécutif de provoquer une «guerre de religion» après l’annonce d’une interdiction prochaine de l’abaya. «L’extrême gauche» veut «foutre en l’air la République», a également lâché le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti sur RTL, en faisant le bilan des émeutes du début de l’été.

Il sera d’ailleurs beaucoup question des conclusions à apporter à ces événements. Dès mardi matin à l’Élysée, onze ministres reçus par Emmanuel Macron ont été invités à faire part de leurs idées en amont des Rencontres de Saint-Denis. «Le président est à la recherche d’un objet politique fort», explique un conseiller de l’exécutif, alors que le débouché de «l’initiative politique d’ampleur» annoncée par le chef de l’État n’est pas arrêté. La discussion s’est essentiellement concentrée sur les réponses «post-émeutes» à formuler. Le soir même, un exercice identique devait se tenir avec les ténors de la majorité.

Autour d’Emmanuel Macron, nombreux sont ceux qui plaident en faveur d’un référendum, avec une ou plusieurs questions. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a évoqué un «préférendum», «un concept qui nous permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d’un même vote», a-t-il dit lundi sur BFMTV.

Sur des sujets de société très larges pour s’assurer qu’ils provoquent l’intérêt du pays. Un référendum sur l’immigration, «ce n’est pas un tabou», a ainsi déclaré Sabrina Agresti-Roubache, la secrétaire d’État à la Ville interrogée mardi sur LCI. Même si elle préfère interroger d’autres «grands sujets de société qui peuvent déchirer notre nation». Certains évoquent un vote sur la fin de vie, d’autres sur l’autorité – à travers les modalités du service national universel, par exemple – ou même le cannabis. «Quand une seule question est proposée, les Français ne répondent pas à la question, mais seulement à son auteur», explique un des ministres conviés au palais. Un conseiller d’Emmanuel Macron l’assure: «Jamais sa volonté n’a été aussi mûre que maintenant» à proposer une telle consultation.

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«On constate qu’un programme sur lequel un président de la République se fait élire se fracasse vite sur les évolutions rapides du monde. On l’a vu avec le Covid ou la guerre en Ukraine. Revenir devant les Français plus souvent qu’une fois tous les cinq ans, c’est une bonne idée», assure Thierry Beaudet, le président du Cese. «Il est devenu impossible pour les élus de s’appuyer sur la légitimité de l’élection pour traverser tout un mandat sans revenir vers les Français», insiste-t-il, voyant d’un bon œil l’initiative proposée par le chef de l’État.

À l’Élysée, on assure que la suite des Rencontres de Saint-Denis n’est pas écrite: «Il n’y a pas d’agenda caché. Il n’arrivera pas avec une liste de propositions ni avec un communiqué final écrit à l’avance.» Une façon moins verticale de concerter, dans l’espoir de rendre les oppositions moins définitives dans leurs jugements. Qui plus est à l’aube d’un automne de tous les dangers où une motion de censure, qui serait discutée en marge de l’examen du budget 2024 ou de la loi immigration, pourrait être votée. Un ministre résume l’état d’esprit de l’initiative: «Certaines oppositions seront peut-être touchées par la grâce lors des Rencontres de Saint-Denis… A minima, Emmanuel Macron aura documenté la chronique d’un président qui a tout essayé».