Après sa longue conférence de presse mardi soir et le conseil des ministres, Emmanuel Macron s’est envolé ce mercredi pour la Suisse, direction le Forum de Davos. Un service après-vente de ses réformes, pour les grands patrons du monde entier réunis chaque année depuis 54 ans dans la station alpine des Grisons. Et l’occasion de répéter aux investisseurs étrangers qu’ils sont accueillis à bras ouverts en France, mais aussi de fixer un cap ambitieux pour l’Europe.

Dans son discours dans la salle plénière du centre de Congrès, devant quelque 1500 personnes, le président français – qui n’y était pas revenu depuis 2018 – a rappelé les réformes accomplies en six ans (baisse des impôts de 60 milliards d’euros, marché du travail assoupli…) et le cap fixé la veille au soir à la télévision. Le président de la «start-up nation» n’a pas boudé son plaisir en rappelant que la France est «le pays le plus attractif d’Europe depuis quatre ans». Une fois le volet autocongratulation passé, il s’est projeté sur l’année 2024, que les participants de Davos perçoivent comme lourde de menaces géopolitiques. «Une année au cœur de tous les défis», dit-il, «où le monde se recompose».

Seul président des pays du G7 présent à Davos cette année – le chancelier allemand Olaf Scholz a annulé sa participation en raison de ses difficultés internes -, le Français s’est posé en capitaine de l’Europe. S’il n’a pas employé le terme de «réarmement » utilisé pour son auditoire national, le sens était le même : il s’agit d’empêcher la Russie de gagner la guerre, de muscler les capacités du Vieux Continent, «quoiqu’il advienne aux États-Unis». Les conséquences d’une victoire de Donald Trump sont dans toutes les conversations à Davos. Emmanuel Macron a plaidé pour que l’Europe investisse en commun, au moyen d’«eurobonds» pour financer ses besoins en matière de défense, comme elle l’a fait pour se protéger des effets économiques de la pandémie de Covid. S’adressant directement aux grands patrons en face de lui, il leur a enjoint : «Aidez-nous à donner plus d’espoir aux classes moyennes, à créer des “good jobs”.»

À lire aussi«Le monde occidental est en danger» à cause du «socialisme», lance le président argentin Javier Milei à Davos

Malgré les défis – guerres en Ukraine et au Proche-Orient, réchauffement climatique, tensions entre Chine et États-Unis, essor ultra-rapide de l’intelligence artificielle -, Emmanuel Macron s’est présenté en «optimiste», et a assuré que «les décisions pour changer les choses sont entre nos mains». «Il envoie du bois. Aucun chef d’État n’est capable de rentrer dans ce niveau de détail, commentait à chaud un patron du CAC 40. Mais si j’étais son conseiller en com’, je dirais que j’ai raté un ou deux trucs. La copie du bon élève est trop parfaite.»

Auparavant, le président français avait rencontré une soixantaine de PDG de l’International Business Council, l’une des nombreuses «communautés» créées par le Forum économique mondial (WEF selon l’acronyme anglais). Dans cette version alpine des réunions «Choose France» figuraient notamment le groupe saoudien Olayan, l’indien Bharti, le suédois ABB, Bank of America, Novartis ou encore l’allemand BASF. Les «CEOs» se sont inquiétés du manque de compétitivité de l’Europe face aux États-Unis, notamment sur les prix de l’énergie.

Aucun ministre n’avait été autorisé à accompagner le président pour son escapade suisse d’une demi-journée. Pas même Bruno Le Maire, un habitué des rendez-vous avec patrons et homologues étrangers dans la station suisse, qui avait initialement prévu de s’y rendre. L’Élysée a choisi plutôt d’inviter vingt patrons de start-up et ETI de la French Tech, pour leur faire bénéficier de l’extraordinaire lieu de rendez-vous avec la planète qu’offre Davos. Pour les dirigeants de jeunes pousses de la délégation française (dont Mistral AI, Verkor, Pasqal ou encore Waga Energy), l’occasion était unique de rencontrer, en l’espace de quelques jours seulement, de potentiels clients (entreprises ou gouvernements), partenaires et investisseurs potentiels venus du monde entier.

À lire aussiLe marathon du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Davos

Quatre présidents de régions – Jean Rottner (Grand Est), Renaud Muselier (Paca), Chrystèle Morançais (Pays de la Loire) et Valérie Pécresse (Île-de-France) – étaient également conviés par l’Élysée. Valérie Pécresse avait prévu de se rendre à Davos cette année, a-t-elle confié au Figaro, mais lorsqu’elle a reçu l’invitation de l’Élysée, elle a choisi de jouer avec la «team France». Elle a elle-même rencontré une trentaine de patrons venus d’Inde, d’Australie, des États-Unis ou de Chine, dans la tech, le BTP ou l’énergie. «L’intérêt de Davos, c’est qu’on a directement accès aux PDG, aux décideurs, souligne la présidente de la région Île-de-France. S’ils me disent par exemple : “nous voulons un terrain, un accès à telle école bilingue”, je peux moi-même prendre des décisions et trouver des solutions.»

Le Forum de Davos permet aussi les rencontres diplomatiques, plus ou moins discrètes. Dans son très court séjour, le président français avait calé dans son agenda deux brefs rendez-vous, l’un avec Masrour Barzani, premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan irakien, l’autre avec Mohammed Chia al-Soudani, premier ministre irakien. Emmanuel Macron était déjà venu à Davos en 2016 comme ministre de l’Économie. Il était bien intégré au réseau du Forum économique mondial puisqu’il avait été sélectionné en mars 2016 parmi les «Young Global Leaders», un réseau de dirigeants âgés entre 30 et 40 ans repérés pour leur haut potentiel. Les équipes du professeur Schwab, le fondateur du Forum, ne s’étaient pas trompées. Cette année, Klaus Schwab a remis à Emmanuel Macron «un trophée des leaders». Le dernier à l’avoir reçu était Nelson Mandela.