Quelques jours après la violente agression, vendredi, d’un sexagénaire à la sortie d’une synagogue du 20e arrondissement de Paris, une proposition de loi visant à durcir les sanctions contre les injures racistes et antisémites est examinée ce mardi à l’Assemblée nationale. Les propos négationnistes sont dans le viseur de ce texte porté par le député (Renaissance) Mathieu Lefèvre, qui s’attaque aussi aux infractions non publiques «par exemple commises en entreprise, dans le service public ou un groupe WhatsApp». «La réponse pénale doit être implacable alors que la parole antisémite s’est libérée», explique l’élu au Figaro.
Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte de recrudescence des actes antisémites, observée depuis le début du conflit entre le Hamas et Israël début octobre. 1669 faits ont été recensés en 2023, selon des chiffres communiqués au Figaro par le ministère de l’Intérieur, confirmant un décompte établit par le Crif fin janvier. Cela représente une augmentation «sans équivalent» de 284% par rapport à l’année précédente, a détaillé Gérald Darmanin lors d’une audition au Sénat, mardi 27 février. Pour le début de l’année 2024, ces actes connaissent une «décrue relative», a assuré le ministre de l’Intérieur sans plus de détail.
L’article premier du texte permettrait à un tribunal d’émettre un mandat d’arrêt ou de dépôt contre quiconque se rendrait coupable d’une infraction grave à caractère antisémite, raciste ou discriminatoire. Aujourd’hui, cette possibilité est réservée aux délits de droit commun ou d’ordre militaire (article 465 du Code de procédure pénale) alors que les délits d’apologie des crimes contre l’humanité ou le négationnisme, qui ne font partie ni de l’un ni de l’autre, sont punis par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Dans la même verve, l’article deux convertit en délits les contraventions prévues pour réprimer l’injure et la provocation à la discrimination non publiques ainsi que la diffamation non publique à caractère raciste. Un amendement déposé par la Nupes demande la suppression de cet article, arguant que «le caractère dissuasif de la sévérité des peines n’a jamais été démontré» et proposant à la place des «stages de citoyenneté (…) pour éviter la récidive».
«Face au racisme, la réponse pénale ne peut pas tout, c’est aussi une affaire d’éducation, admet Mathieu Lefèvre. Maintenant, l’un ne va pas sans l’autre. Évidemment qu’il faut une réponse pédagogique, mais la réponse pénale me paraît indispensable et elle est toujours dissuasive.» L’article 3, enfin, crée un délit d’apologie ou de contestation non publique de crime contre l’humanité.
L’«antisémitisme d’atmosphère», comme le qualifie le locataire de la place Beauvau en référence au «djihadisme d’atmosphère» théorisé par l’islamologue Gilles Kepel, s’est de même déversé sur Internet. La plateforme Pharos, qui permet de signaler les contenus illicites en ligne, a reçu, l’an passé, «plus de 12.000 signalements en lien avec le conflit» entre l’État hébreu et le groupe terroriste au contrôle dans la bande de Gaza, a ajouté le ministre de l’Intérieur. Et de pointer le rôle des réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter) qui a concentré «75% des contenus apologétiques ou antisémites». «Nous devons nous adapter aux stratégies des prédicateurs de haine qui utilisent les failles des réseaux sociaux», explique Mathieu Lefèvre, précisant que son texte ne s’attaque pas à la régulation des géants du web. En 2023, les actions hostiles ont aussi visé les chrétiens et les actes antimusulmans ont augmenté de 29% par rapport à 2022.
Le texte, issu du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme présenté par Élisabeth Borne en 2023, a, selon le député, de fortes chances d’être adopté. «Les deux partis républicains d’opposition, le Parti socialiste et Les Républicains, ont voté favorablement en commission. La France insoumise est contre», détaille-t-il. Quid du Rassemblement national ? «Ce n’est pas un parti républicain, je ne sais pas ce qu’ils feront», assure l’élu.