Une réunion pour tenter de sortir au plus vite de la crise. Jeudi matin, Gabriel Attal doit plancher sur des mesures à destination des agriculteurs, avec ses ministres Marc Fesneau (Agriculture), Bruno Le Maire (Économie) et Christophe Béchu (Transition écologique). Sous pression de syndicats en demande de réponses «concrètes», qu’il a reçus entre lundi et mercredi à Matignon, le premier ministre espère freiner le mouvement parti d’Occitanie la semaine dernière.
La colère qui se répand dans le pays l’inquiète. Les images des autoroutes et ronds-points bloqués font le tour des ministères. Tout comme les scènes des feux de lisier et de pneus, allumés mercredi devant la préfecture d’Agen (Lot-et-Garonne). Fait rare, Marc Fesneau a réuni dans l’après-midi tous les services du ministère de l’Agriculture pour trouver des solutions.
Le pouvoir exécutif, assure la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a «entendu l’appel» des agriculteurs. C’est-à-dire les expressions de «ras-le-bol», de «rage» et de «mal-être» relayés par les éleveurs, céréaliers et maraîchers, remontés contre les normes européennes, les charges financières et les bas revenus. Des revendications «disparates», admet un conseiller gouvernemental.
Mercredi soir, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) ont émis une liste de 24 revendications, qui représenteraient selon le premier syndicat agricole une enveloppe de «plusieurs centaines de millions d’euros». Parmi elles, le «paiement immédiat de toutes les aides de la politique agricole commune européenne» ou le «respect absolu des lois Egalim». Les deux syndicats exigent que le gouvernement prenne en compte «l’intégralité» de leurs demandes, expliquant qu’elles n’étaient pas «à la carte».
Directement interpellé par des manifestants – «Attal l’agriculture va mal», annonçait mercredi une banderole à Strasbourg (Bas-Rhin) -, le premier ministre prévoit de formuler de premières annonces lors d’un déplacement, peut-être vendredi. Sans attendre son discours de politique générale, mardi à l’Assemblée nationale.
«Plusieurs options sont sur la table», reconnaît son entourage, soucieux de prendre des mesures «de manière rapide». Son ministre de l’Agriculture a fixé à ses équipes un objectif général: «Tout ce qu’on peut faire tout de suite, on le fait tout de suite.» Il a fait sa première concession le week-end dernier, en décidant de reporter son projet de loi censé faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs.
Notamment pour y ajouter des mesures de «simplification» – dont le raccourcissement des délais administratifs et l’arrêt de la «surtransposition» des réglementations européennes quand elles risquent de mettre en danger la compétitivité française. À cet égard, il s’est dit prêt à «interroger» certaines dispositions du «pacte vert» européen, accusé par la droite, le Rassemblement national (RN) et les syndicats agricoles de brider les exploitants.
Parmi les sujets de colère, les taxes sur le gazole non routier (GNR) pourraient être revues. Leur augmentation progressive – année par année, jusqu’à 2030 -, a été négociée en septembre dernier, entre les équipes de Bercy et les syndicats agricoles, avant d’être adoptée dans le budget 2024.
Cette année, les agriculteurs ont ainsi vu leur avantage fiscal réduit de 2,8 centimes par litre de carburant. À Bercy, on souligne que même avec cet alourdissement, le GNR reste en ce moment moins cher que pendant de longs mois de 2023. À terme, le niveau de taxe doit aussi rester inférieur à celui payé par le grand public. En septembre, le ministre de l’Économie a annoncé que «l’intégralité de ces recettes fiscales sera reversée aux agriculteurs».
À en croire son entourage, Bruno Le Maire est ouvert à la négociation sur deux points: «mieux flécher» cette redistribution vers les «petites exploitations» et mettre en place des avances de trésorerie. «Mieux vaut parfois payer 50 millions d’euros tout de suite que 500 millions dans trois semaines», a indiqué mardi Gabriel Attal devant les députés Renaissance. Mais les montants évoqués sont insuffisants, jugent plusieurs d’entre eux. Autre concession envisagée, l’accélération des indemnisations des éleveurs qui ont vu leurs bêtes touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Signe que la fronde agricole est prise au sérieux jusqu’à l’Élysée, le sujet a été évoqué mardi soir par Emmanuel Macron, qui recevait ses alliés Édouard Philippe et François Bayrou, avec Gabriel Attal. «La tentation classique est de répondre seulement par des mesures, met en garde le centriste du Mouvement démocrate (MoDem). Or les agriculteurs se sentent mal compris, persécutés par des contraintes dans leur genre de vie. Ils ne se sentent plus considérés comme les experts légitimes et les protecteurs du vivant, du végétal comme de l’animal.» Un avertissement, alors que la fronde risque de parasiter la campagne du camp présidentiel, à cinq mois des élections européennes.