Drame de Ken Loach, 1h53

« Ken le rouge » broie toujours du noir. On est en 2016. Dans une bourgade entre Dur ham et Newcastle, un car débarque des réfugiés syriens. L’accueil est contrasté. Les habitants n’ont pas été prévenus. « Enfoirés de bougnoules », lance le plus énervé. T.J. Ballantyne, lui, donne un coup de main pour loger ces nouveaux arrivants. Il est le propriétaire du Old Oak (« le vieux chêne »), pub décati et dernier lieu de sociabilité d’un village vendu aux spéculateurs cupides. C’est là que Charlie, Vic et d’autres habitués désœuvrés tuent le temps, descendent des pintes et ruminent la désolation de leur existence, dans une région où la fermeture des mines de charbon, vingt ans plus tôt, n’a laissé que tristesse et désespérance. The Old Oak n’est pas le meilleur scénario de Paul Laverty, fidèle collaborateur de Loach depuis trente ans et quinze films (dont deux palmes d’or). Il a parfois la main lourde, le dialogue didactique (le récit de Yara dans la cathédrale sur les atrocités du régime de Bachar el-Assad) et la larme facile (la belle histoire du petit chien qui sauve in extremis T.J. du suicide). Mais l’humanisme de The Old Oak touche plus qu’il n’agace dans les scènes de groupe. Quand T.J., avec l’aide de tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, remet en état l’arrière-salle de son pub, transformée en cantine pour les plus démunis ouverte à tous. Syriens et autochtones partagent le même repas. Au mur, les photographies des mineurs en grève rappellent la camaraderie glorieuse du passé. « Quand on mange ensemble, on se serre les coudes », tel était le slogan de la cantine des gueules noires que T.J. remet au goût du jour. Après les désespérés Moi, Daniel Blake et Sorry We Missed You, le dénouement de The Old Oak fait presque figure de happy end hollywoodien. Il faut le dire vite, l’embellie sera sans doute de courte durée, mais Ken Loach tire sa révérence sur une note d’espoir. É.S.

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Comédie de Tarek Boudali, 13h27

Alors qu’il est en formation pour intégrer les services secrets, Rayane, l’agent numéro 7 sans double zéro, abandonne tout pour aller sauver sa grand-mère, kidnappée par un cartel de la drogue. La rançon contre sa vie sauve ? Deux émeraudes aux pouvoirs magiques qu’il doit récupérer à l’autre bout du monde, l’une à Abu Dhabi et l’autre à Cancun, dans un temple perdu au fond de la jungle mexicaine. Il n’a que trois jours pour effectuer sa mission (impossible), entouré par trois comparses. Voilà un vrai film d’action à la française, à faire frémir Tom Cruise et les studios hollywoodiens. Enfin presque. Car Rayane, magistralement incompétent, était sur le point d’être renvoyé par ses supérieurs. L’informateur qui doit les mettre sur la piste des pierres précieuses manque de brûler vif avant même de pouvoir parler, oublié dans le coffre de la voiture à laquelle ils ont eux-mêmes mis le feu. Et cette équipe de choc qui prend un simulateur de vol pour un jet se révèle surtout toc, tout aussi crétine que leur chef, à l’exception notoire de l’unique femme du groupe. Nouvelle comédie parodique de Tarek Boudali, 3 Jours max a le goût des blockbusters américains, elle en reprend tous les codes, mais c’est évidemment pour mieux les détourner et s’en amuser. L’humour bon enfant est volontairement potache, à apprécier au premier degré, proche de zéro, sans risque de nous brûler les méninges. Tout n’est pas du meilleur goût, mais dans le monde de la comédie, le pire n’est pas l’ennemi du mieux, bien au contraire. V.B.

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Science-fiction de Sophie Barthes, 1h41

Dans un futur proche, les femmes peuvent se débarrasser du fardeau de la grossesse en laissant leur embryon se développer dans un utérus artificiel connecté en forme d’œuf. Ce « pod » s’avère le nec le plus ultra pour les couples pressés et les entreprises qui peuvent compter sur des employées performantes. Lorsque sa supérieure propose à Rachel de financer la procédure, la spécialiste de l’intelligence artificielle convainc Alvy, son époux botaniste, de se lancer dans l’aventure. S’ouvre une boîte de Pandore : est-elle prête à être mère ? Comment nouer un lien affectif avec le « pod » ? Ses angoisses redoublent quand Alvy s’attache à l’objet, l’emmène dans ses déplacements, délaissant même ses précieuses plantes vertes. Sur cette idée qui pourrait sortir de la série d’anticipation Black Mirror, la réalisatrice franco-américaine Sophie Barthes, qui avait signé en 2014 une adaptation anglophone de Madame Bovary avec Mia Wasikowska, tisse une fable acide aux couleurs pastel. Bien plus proche de la satire que d’une dystopie oppressante. Les doutes existentiels de Rachel s’expriment dans des hallucinations farfelues, dans ses méditations qui font entrapercevoir un monde de demain pas si éloigné du nôtre. Le grille-pain a été remplacé par un laser à toast. Les parcs sont devenus des lieux de cure d’air pur, masque sur le nez pour l’inhaler au plus près. Dans ce monde familier et absurde, Emilia Clarke, dans la peau de Rachel, est un fil d’Ariane lumineux. À mille lieues de l’impérieuse Daenerys Targaryen de Game of Thrones, la Britannique porte cette science-fiction du quotidien sans esbroufe et fait pardonner les longueurs du dénouement. C.J.

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Comédie d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, 1h29

Rémy et Sandra ne parviennent pas à avoir d’enfants. Un gynécologue leur diagnostique un syndrome des amours passées. Une espèce de blocage. Pour le lever, il faut recoucher une fois avec tous ses ex-partenaires sexuels. Au lieu d’aller voir un autre spécialiste, plus compétent, le couple s’exécute. Il s’ensuit des situations plus ou moins loufoques, des incompréhensions, de la jalousie et des scènes de sexe très prudes. Après leur premier long-métrage sur la maladie d’Alzheimer (Une vie démente), le tandem bel Sirot-Balboni pose un regard sur le couple et le désir d’enfant assez inoffensif. É.S.

Le drame de Frauke Finsterwalder, 2h12

Pourquoi tant de haine ? Après Corsage, avec Vicky Krieps en impératrice d’Autriche Elisabeth quadragénaire et rebelle, Sissi

Comédie dramatique d’Albert Dupontel, 1h37

Finalement, Dupontel n’est pas drôle. Adieu les cons horripilait. Second Tour rend triste. Sur l’écran, il n’y a plus que des défauts. La caméra est toujours à un endroit où elle ne devrait pas être. Les gags sont éculés, répétitifs, le scénario filandreux, bourré d’invraisemblances. On en ressort rincé, furieux. Quel gâchis ! De quoi s’agit-il ? Relevons nos manches. Une journaliste politique insolente est reléguée par la direction de la chaîne au service sports. Elle ne connaît rien au football. Heureusement, son assistant ne jure que par les penaltys. Un concours de circonstances amène la reporter frustrée à suivre un candidat à la présidentielle entre les deux tours. Cette aubaine ! La voilà qui reprend du poil de la bête. Mademoiselle Pove retrouve son franc-parler. Aux conférences de presse, elle pose les questions qui dérangent. L’homme politique a les gestes de Chirac en meeting, l’assurance et les costumes de Macron. Cet ancien chercheur n’est plus d’accord avec les puissances financières qui le soutiennent. Cécile de France, frisottée comme un caniche et affublée de lunettes d’institutrice, devine qu’un secret se cache derrière tout cela. Elle se dit même persuadée d’avoir connu ce Pierre-Henry Mercier. La suite est rocambolesque, zigzagante, mollassonne. Le réalisateur s’offre une plongée dans la France profonde, nous fournit ses désillusions sur le monde qui l’entoure dans une sorte de shaker insensé, comme un hamster shooté aux amphétamines pédalant dans sa roue. Dupontel trépigne, surjoue, postillonne, hausse les sourcils. Second Tour est dédié à Belmondo, Deville, Tavernier. Ils n’avaient pas besoin de ça. Pour Second Tour, consigne d’abstention. É.N.

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