Biopic de Steven Spielberg, 2h31

Dans le noir, Sammy découvre le cinéma. En 1952, dans le New Jersey, ses parents l’ont emmené voir Sous le plus grand chapiteau du monde. Le gamin n’en revient pas. Avec son train électrique, il essaie de reproduire l’accident ferroviaire qui l’a tellement impressionné sur l’écran. On lui offre une caméra super 8. Vous savez ce que c’est : après, ça n’a plus arrêté. Sammy Fabelman deviendra réalisateur. Il s’inscrit chez les scouts, tourne un western et un film de guerre avec ses camarades comme figurants. Sa virtuosité éclate au grand jour. Le cinéma, oui, dévoile des vérités inconfortables. Cela créera des larmes et de l’incompréhension, conduira à un divorce d’une tristesse muette. Voilà un récit d’initiation, une éducation sentimentale sur nitrate d’argent. Michelle Williams joue les sacrifiées qui finissent par se rebeller. Paul Dano est d’une lâcheté terriblement masculine. Le double de Spielberg s’est construit là-dessus, soutenu par une vocation en béton armé. Normal, alors, qu’il dégotte un job minuscule dans un studio et obtienne par hasard un rendez-vous de cinq minutes avec – non ? – John Ford qui tire sur son cigare et lui parle d’art et d’horizon. Le suspense consistera à deviner qui incarne l’auteur de La Chevauchée fantastique. The Fabelmans est un film d’amour, un hymne au cinéma. Le rêve a un pays : il est américain. Point final. E. N.

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Horreur de George A. Romero, 1h36

Tournée en noir et blanc avec des acteurs inconnus et pour 100 000 dollars, La Nuit des morts-vivants (1968) raconte l’assaut d’une ferme par une horde de morts sortis de leurs tombes. Yeux vitreux, teint livide… l’archétype du zombie à l’écran est né. Le film sort lors de la guerre du Vietnam et quelques semaines après l’assassinat de Martin Luther King. Le chef-d’œuvre de Romero ressuscite dans une version restaurée 4K. É. S.

Thriller de Will Merrick et Nicholas D. Johnson, 1h51

En 2018 sortait dans les salles obscures Searching, un thriller numérique malin dans lequel un père fouillait l’ordinateur de sa fille portée disparue, dans l’espoir de la retrouver. Voici donc Missing : disparition inquiétante. Conçue par les monteurs du premier film, Will Merrick et Nick Johnson, cette énigme, aussi rigoureusement ficelée et trépidante que la précédente, capture l’impossibilité de disparaître sans laisser de traces sur le web. Ainsi que l’interconnexion parfois préoccupante entre les logiciels qui nous facilitent le quotidien. Orpheline de père, June (Storm Reid, Euphoria) a été élevée par sa mère Grace (Nia Long). La lycéenne, qui s’apprête à entrer à l’université, entend profiter du week-end en amoureux à l’étranger que s’offrent sa mère et son horripilant soupirant Kevin pour faire la fête sans limite. June les attend en vain à l’aéroport de Los Angeles le jour supposé de leur retour de Colombie : le couple d’adultes s’est volatilisé. Face aux lenteurs administratives d’une enquête à l’international, elle mène ses propres recherches, les doigts glissant sur le clavier. Moins intimiste que Searching, Missing sonde notre écosystème connecté. Dans son dernier acte presque grandiloquent, l’intrigue s’appuie sur le « found footage » des films d’horreur. L’action sort du cadre des écrans. Le cours de la « vie réelle » et de ses périls a le dernier mot. C. J.

Drame de Teona Strugar Mitevska, 1h35

Tel un sniper, un homme observe du haut d’un immeuble la silhouette gracile d’une femme en jupe verte traversant un chantier. Crispées jusqu’à la douleur, ses mains nouées derrière son cou indiquent son malaise. Dans la rue, on continue de suivre de dos cette blonde apprêtée qui marche vers un hôtel bétonné, témoin d’une époque révolue de la Yougoslavie. La caméra filme Sarajevo de nos jours. Asja (Jelena Kordic Kuret) participe à un speed dating. Quant à Zoran (Adnan Omerovic), l’homme qui la suivait du regard, il assiste à cette session pour rencontrer Asja qu’il connaît sans qu’elle le sache. Son objectif n’est pas de rencontrer l’amour, mais de se faire absoudre d’un traumatisme qui le hante. Au cœur de ce rendez-vous ludique qui promet séduction, rires et complicité, une autre pièce se joue. Le jeu des questions infantiles posées dans cette banale salle de conférences vire rapidement au psychodrame lorsque les protagonistes font ressurgir les ombres fantomatiques de leur passé commun. Zoran a été forcé de tirer sur Asja le 1er janvier 1993. Elle ne va pas pouvoir longtemps résister au fait de transformer la salle en tribunal… Présenté à la 79e Mostra de Venise, L’Homme le plus heureux du monde porte un titre d’une ironie féroce. Huis clos parfois oppressant, ce passionnant long-métrage en forme de valse-hésitation alterne moments chaleureux et instants tendus jusqu’à la rupture. Un équilibre qui le rend imprévisible et diablement émouvant. O. D.

Drame de Julie Lerat-Gersant, 1h30

Le film commence en gros plans tremblés dans une ambulance en route vers les urgences de Cherbourg. « On a une tentative d’avortement au Cytotec avec un peu de cannabis aussi, avec malaise et vomissement », précise l’ambulancier au volant. La caméra saisit les mains d’une mère sur la tête de sa fille, sur fond sonore des « bips-bips bips » de l’électrocardiogramme. Dans l’habitacle, on entend le cliquetis des bracelets et des bagues. Sur l’écran, les visages géants de ces deux femmes, emplis de tristesse et soulignés par la lumière bleutée du gyrophare. L’entrée en matière de Petites, le premier long-métrage de Julie Lerat-Gersant, installe d’emblée un climat intérieur très prenant. Le film suit l’itinéraire d’une adolescente de 16 ans, enceinte de quatre mois, séparée de sa mère et placée dans un centre spécialisé où elle va rejoindre une dizaine de filles-mères dans le même cas. La jeune comédienne Pili Groyne incarne avec conviction cette Camille, ado à fleur de peau, qui navigue entre l’innocence d’une enfance encore présente, et la maturité forcée de cette maternité à venir. Obligée de vivre dans ce centre spécialisé, Camille promène en rollers et la cigarette au bec sa révolte agressive et sa rébellion effrontée contre le système. Très convaincante, Romane Bohringer, en éducatrice référente, apporte cet élément essentiel à Camille : un point de repère fiable et attentionné. Au fil de sa grossesse vécue comme une lente remontée à la surface, la jeune adolescente va retrouver son identité. Un premier long-métrage prometteur et plein de tact, qui laisse présager une belle carrière à Julie Lerat-Gersant. O. D.

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Documentaire de Jean-Albert Lièvre, 1h22

Cette ode au plus grand mammifère marin portée par la voix de Jean Dujardin offre de magnifiques images de baleines, considérées comme des sentinelles de la Terre. Un film écologiste qui alerte sur façon dont la raréfaction des cétacés entraîne la dégradation de l’écosystème. O. D.

Drame d’Emad Alleebrahim Dehkordi, 1 h 42

Iman deale de la drogue pour la jeunnesse dorée de Téhéran. Son frère Payar essaye de s’en sortir par la boxe. Ce premier film iranien n’a pas grand-chose à voir avec le Batman de Christopher Nolan. Il n’en dépeint pas moins une famille et un pays sous un jour très sombre. É. S.

Drame d’Olivier Peyon, 1h38

Un romancier célèbre (Guillaume de Tonquédec) est invité à renouer avec sa ville natale pour le bicentenaire d’une marque de cognac. Il rencontre Lucas (Victor Belmondo), le fils de son premier amour. Un drame provincial intimiste adapté d’un roman de Philippe Besson qui souffre d’un manque criant d’originalité. Dommage, car les acteurs sont très bons. O. D