Disparu ce dimanche à 91 ans, Jacques Collard a été un roi de la vie parisienne des années 1970/2000. Son départ marque la fin d’un temps que les moins de 20 ans ne connaîtront sans doute jamais, celle d’une époque où l’on faisait la fête, parfois jusqu’à l’aube, sans se soucier des lendemains.

Pendant trois décennies, il a dirigé et animé des restaurants et des cabarets où il a accueilli le Tout-Paris du monde du spectacle, de la mode et des médias. Il y a eu l’Orangerie, avec Jean-Claude Brialy le Chamarré, décoré par Jean Marais et surtout l’Espace Cardin où, chaque soir, autour des buffets, on pouvait croiser Alain Delon, Robert Hirsch, Yves Mourousi, Jacques Chazot, Alice Sapritch et Thierry le Luron, dont il est devenu l’ami inséparable, le confident privilégié.

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Il a ainsi été, en 1973, l’un des chroniqueurs de l’émission Le Luron du dimanche, suivie par 20 millions de téléspectateurs. Le 2 avril 1974, l’imitateur qui a choisi de fêter ses 22 ans au Chamarré, à Saint-Germain-des-Prés, apprend, avant le monde entier, la disparition de Georges Pompidou. Jacques Collard se précipite à la Brasserie Lipp, voisine de quelques centaines de mètres, et donne l’information à Roger Cazes. Le maître des lieux se dirige vers François Mitterrand, en train de dîner et lui dit quelques mots à l’oreille. Le futur candidat quitte immédiatement la salle. Collard aimait évoquer ce souvenir et celui de Marlène Dietrich qui téléphonait vers 20 heures à l’Espace Cardin, pour demander qu’on lui fasse porter chez elle avenue Montaigne de « grosses crevettes », c’est-à-dire un homard. Bien entendu, personne ne lui présentait la moindre note.

Également acteur, Jacques Collard a obtenu, grâce à Alfred Hitchcock, un contrat de «comédien stagiaire» à Hollywood. Dans les années 1950, il a ainsi joué des petits rôles dans des grands films. Suivant le conseil que lui avait donné Gérard Philipe, son idole, il a écrit des pièces et adapté des comédies musicales, à commencer par Hello Dolly dont Annie Cordy a été la tête d’affiche. À cette occasion, il a gagné un bras de fer contre Michaël Stewart, l’auteur du livret original qui voulait que la version française soit rebaptisée Salut Suzanne. Avec Jean Dalric, il a remporté un Molière de la meilleure adaptation théâtrale avec Les enfants du silence. La pièce a révélé Emmanuelle Laborit, également récompensée par un Molière.

Son plus grand succès demeure toutefois, Ladies Night, qui raconte l’histoire d’un groupe de chômeurs qui décide de créer un spectacle de strip-tease masculin. Les quelques secondes où ils se retrouvent nus dans la pénombre ont fait la joie d’innombrables spectatrices. Cette «comédie sociale», qui lui a également valu un Molière, a fait le tour du monde. Dans l’ex URSS, elle est régulièrement à l’affiche depuis trente ans, jouée par des acteurs illustres. «Les sociétés d’auteur n’intervenant pas dans ce pays, cela ne m’a pas rapporté le moindre sou», soupirait-il, sans se plaindre pour autant. Seul le futur l’intéressait, à commencer par une reprise de Hello Dolly en 2024 avec Chantal Ladesou. Un projet qui a été son dernier rêve.