Comédie de François Ozon, 1h42

Dans un Paris reconstitué où domine la force tranquille d’un pouvoir patriarcal jamais remis en cause, la jeune et jolie Madeleine Verdier (Nadia Tereszkiewicz) actrice sans le sou est accusée du meurtre d’un célèbre producteur, libidineux à souhait. Aidée par sa meilleure amie Pauline (Rebecca Marder), avocate au chômage, l’actrice s’empare du crime et le brandit comme un étendard de vertu. L’opinion publique prend illico presto fait et cause pour cette charmante ingénue. Ozon tricote astucieusement une intrigue de vrai faux théâtre de boulevard menée tambour battant, rapide et fluide, assumant crânement son artificialité. Mais au-delà des dialogues virevoltants, des rebondissements en cascade qui donnent à cette farandole baroque et joyeuse son rythme trépidant, perce une certaine gravité. Sous le vernis burlesque et chatoyant, Ozon orchestre un véritable plaidoyer en faveur de l’émancipation féminine. L’exercice de cinéma est bien tourné, maîtrisé, aussi léger que grave. Avec cette petite touche de roublardise qui emporte l’adhésion des spectateurs. O. D.

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Drame de Darren Aronofsky, 1h57

Charlie (Brendan Fraser) ne peut pas sortir de chez lui. Il vit sur son canapé, respire avec difficulté, se gave de pizzas qu’il noie sous la mayonnaise, se confectionne des sandwichs hauts comme des gratte-ciel. Le moyen de s’en empêcher ? Il a de la tension, souffre d’insuffisance cardiaque et n’a évidemment pas d’assurance-santé. Se lever constitue un exploit. Malgré le déambulateur, parcourir un mètre tient du marathon. Débarque alors sa fille adolescente qu’il a abandonnée jadis. Leurs rapports sont électriques. Son ex-épouse surgit brièvement. La rancœur est là, intacte. Tiré d’une pièce, The Whale dérange, saute à la gorge, provoque des sentiments contrastés. Le format carré ajoute à la claustrophobie. C’est le portrait d’un homme piégé dans son propre corps, le récit d’une rédemption. Darren Aronofsky ne craint pas d’aborder les cas extrêmes ni de recourir à des problèmes majuscules. D’un objet clinique il fait une tragédie du surpoids et de la culpabilité. Brendan Fraser incarne toute la malédiction des perdants, un martyr de la boulimie. Le régime draconien du docteur Aronofsky lui vaudra sans doute un Oscar. Il faut convenir que son talent n’est pas mince. E. N.

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Drame de Valentina Maurel, 1h43

Eva, 16 ans, ressemble à n’importe quelle adolescente. Elle a un chat, une petite sœur qui fait encore pipi au lit, une mère qui interprète les rêves, des parents séparés. Son père est plus iconoclaste que la moyenne. Il écrit des poèmes. Il a des accès de violence. Eva l’aide à chercher un nouvel appartement. Ils sillonnent les quartiers de San José, ville pas très riante, loin de la carte postale du Costa Rica. Lui préfère squatter chez un ami. Elle l’accompagne à une réunion d’artistes bohèmes où une femme lit un texte intitulé «Vulve». Ces adultes sont immatures, drôles, inquiétants aussi. Eva voudrait perdre sa virginité mais pas son innocence. Pas facile avec ce père imprévisible et fragile. Tengo sueños electricos fait penser au récent Aftersun, de l’Ecossaise Charlotte Welles. Partout dans le monde, la relation d’une fille à son père est un mélange de répulsion et de fascination. Pour son premier long-métrage, Valentina Maurel ausculte cette filiation avec une crudité et une lucidité impressionnantes. E. S.

Thriller de Quentin Reynaud, 1h25

Sous la chaleur accablante d’un soir d’été, les habitants d’un lotissement landais, non loin de Vieux-Boucau, scrutent le ciel chargé de nuages. Les yeux levés, les mains tendues, le héros, Simon (Alex Lutz), murmure: « Encore, encore… Juste quelques gouttes… » Mais la pluie ne vient pas. Le lendemain, les trois sonneries de la sirène incendie retentissent. «Ce n’est pas un exercice ! », grommelle Joseph (André Dussollier, formidable en père ronchon, ex-officier de marine retraité). Le feu menace. Il faut évacuer. Dans la voiture, Dussollier capte en temps réel, selon les fréquences, les conversations des pompiers ou celle des forces de l’ordre. Le père et le fils ne tardent pas à saisir que l’enfer des flammes gagne du terrain… Pour son troisième film, après le prometteur Cinquième Set, Quentin Reynaud s’attache à filmer un huis clos étouffant dans une voiture à l’arrêt coincée dans un embouteillage sur une route landaise entourée de forêt. Les deux hommes sont pris au piège alors que l’incendie se rapproche. La tension est palpable. La chaleur est suffocante. Tourné un an avant les violents incendies des Landes de 2022, ce film prémonitoire, diablement efficace, malgré quelques maladresses scénaristiques, fait froid dans le dos. O. D.

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Drame de Sarah Polley, 1h44

Au sein d’une communauté religieuse isolée d’Amérique du Nord, qui rappelle les mennonites, des femmes réalisent qu’elles et leurs filles ont été droguées et violées par les hommes. Ces derniers sont partis en ville payer la caution de ceux qui ont été arrêtés. En leur absence, trois matriarches et leurs filles se rassemblent dans la grange du village pour trancher : doivent-elles pardonner ? Doivent-elles se venger ? Doivent-elles partir ? Comment réconcilier leur foi avec la réalité sordide ? Claire Foy (énigmatique et impénétrable dans The Crown) campe Salome, la plus belliqueuse des femmes. Si Women Talking « n’aurait pu voir le jour sans la prise de conscience

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Comédie romantique de Shekhar Khapur, 1h49

Zoe, documentariste, et Kazim, chirurgien, sont amis d’enfance. À 30 ans passés, leur vie sentimentale est un dessert. Zoe (Lilly James, Pam

Épouvante-Horreur de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, 2h02

Après avoir terrorisé la bourgade californienne de Woodsboro et Hollywood, ce sixième volet emmène cette fois le Ghostface à New York. Mais là où Wes Craven, décédé en 2022, menait une réflexion sur le genre du film d’horreur qu’il avait contribué à populariser en dynamitant les codes, ce sixième épisode tourne un peu en rond. La jeune Jenna Ortega (transfuge de la série Netflix de Tim Burton Mercredi) apporte bien un peu de sang frais à une intrigue déjà pétrie de méta-cinéma. L’ensemble peine à convaincre, trop téléphoné, trop englué dans une généalogie compliquée qui perdrait même les plus grands fans. Il faut bien convenir que ce nouvel épisode reste tout de même supérieur au précédent, dont on pensait qu’il avait définitivement enterré la franchise. Dans le fond, on ne devrait pas être étonné par cette résurrection opportuniste: elle est inscrite dans l’ADN même de la saga ! O. D.

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