«Ma performance [avait] pour objet de dénoncer les abus de pouvoir et les abus sexuels qui sévissent depuis des décennies dans le monde de l’art», déclare la performeuse Deborah de Robertis sur son compte X. Lundi 6 mai au Centre Pompidou-Metz, un groupe de militante féministe mené par l’artiste ont tagué les mots «MeToo» à la peinture rouge sur quatre œuvres dont L’origine du monde de Gustave Courbet. Le musée d’Orsay, qui collectionne ces œuvres, a annoncé à l’AFP vendredi avoir porté plainte.

«Maculée de peinture rouge, l’œuvre a été décrochée pour examen par une restauratrice qualifiée. Le cadre a reçu de nombreuses projections de peinture qui pourraient laisser des traces durables même après restauration», a précisé le musée dans un communiqué, indiquant avoir «déposé plainte». Le tableau de Gustave Courbet intitulé L’origine du monde, qui était protégé par une vitre, doit être restauré, au Centre Pompidou-Metz (est) lundi.

«Les tests effectués pour nettoyer le verre de protection ont montré que l’emploi de solvants sera nécessaire, altérant ses propriétés et conduisant à son remplacement», a-t-il précisé. «L’ensemble de ces opérations est délicat et doit être préparé par une analyse plus approfondie. Aussi, compte tenu du temps nécessaire aux interventions, L’origine du monde de Gustave Courbet ne pourra être raccrochée dans l’exposition Lacan, quand l’art rencontre la psychanalyse avant sa clôture le 27 mai», a ajouté le musée.

Peint en 1866, ce tableau représente un sexe de femme. Entré dans les collections du musée d’Orsay en 1995, il avait été prêté au Centre Pompidou-Metz dans le cadre d’une exposition consacrée au psychanalyste Jacques Lacan, qui en a été le dernier propriétaire privé.

Une photo de Deborah de Robertis, baptisée Miroir de l’Origine du monde, était par ailleurs exposée à proximité de L’Origine du monde pour l’exposition. On voit l’artiste poser, le sexe nu, sous l’œuvre de Courbet, une performance réalisée le 29 mai 2014 au musée d’Orsay.

Parmi les œuvres vandalisées, l’une «pourrait avoir été atteinte dans son intégrité car toutes n’étaient pas protégées», selon le procureur de la République à Metz. Une broderie rouge sur tissu d’Annette Messager, baptisée Je pense donc je suce (1991), a également été volée.

Cette action organisée par l’artiste performeuse franco-luxembourgeoise Deborah de Robertis, était baptisée «On ne sépare pas la femme de l’artiste». Dans cette affaire, deux femmes ont été mises en examen et placées sous contrôle judiciaire. Une troisième personne n’a pas été interpellée. «J’ai évidemment utilisé un matériau non agressif qui disparaît à l’eau. Cette façon de diaboliser, de criminaliser et de dramatiser la performance est un classique du genre. Car l’urgence pour le musée, à cet instant précis, est d’invisibiliser les accusations portées contre le curateur», a réagi vendredi la performeuse.

Elle avait précédemment dénoncé, dans une lettre ouverte, les comportements de six hommes du milieu, les qualifiant de «calculateurs», «prédateurs» ou «censeurs». Le 8 mai, son compte X, la femme de 40 ans a poursuivi ses accusations : «Tous ces hommes savent utiliser leur pourvoir pour asseoir leur domination sexuelle au détriment des œuvres des jeunes femmes artistes. cet exercice du pouvoir bien rodé a été quotidien depuis mes 17 ans. Comme tant d’autres femmes artistes, mon travail a été boycotté à mesure que mon corps était consommé», poursuit-elle. Dans sa lettre, elle pointe du doigt le commissaire d’exposition et critique d’art, Bernard Marcadé. «J’étais écrasé par son pouvoir (…) J’avais conscience à cette époque qu’il pouvait décider d’un claquement de doigts de faire exister mon travail ou de le nier et je prenais progressivement conscience que mon corps était, pour lui, un passage obligé.»

Quelques jours plus tôt, elle avait publié une vidéo sur son compte Instagram, mettant en scène Bernard Marcadé. Dans cet enregistrement, sous forme de trailer, on peut voir le commissaire d’exposition lui faire des avances répétées à connotation sexuelle. Dans la description de la vidéo, que Deborah de Robertis a modifiée dans la matinée du samedi 11 avril, elle déclare : «Quand j’étais jeune artiste il y a une quinzaine d’années, il m’a invité à une exposition importante, puis quand j’ai compris que j’étais invitée pour “après l’exposition”. Je me suis armée de ma caméra.» Dans ce message, l’artiste affirme également être «en possession de l’œuvre d’Annette Messager» et attend «d’être convoquée par les services de police».

Condamnée à une amende pour s’être dénudée devant la grotte de Lourdes en 2018, elle a également été plusieurs fois relaxée après des actions similaires, notamment en 2017 pour avoir montré son sexe devant La Joconde au musée du Louvre, à Paris.