C’est à l’issue d’une messe œcuménique célébrée en l’église Saint-Germain-des-Prés, à Paris, qu’un élégant hommage lui a été rendu. Vendredi matin, proches et fidèles d’Hélène Carrère d’Encausse se sont réunis pour les obsèques du secrétaire perpétuel de l’Académie française, décédé le samedi 5 août à l’âge de 94 ans. De nombreux immortels, parmi lesquels Erik Orsenna, Dominique Bona, Dany Laferrière, François Sureau, Andreï Makine, et autres membres de l’institut de France, ont fait le déplacement pour saluer sa mémoire. Aux côtés notamment de son époux Louis, de ses petits-enfants, et enfants, l’écrivain Emmanuel Carrère, le médecin Marina Carrère d’Encausse et sa sœur Nathalie, avocate.
La cérémonie religieuse était célébrée par Mgr Benoist de Sinety et le père Alexis Struve, représentant de l’Église orthodoxe, familière à l’historienne spécialiste de la Russie et du monde slave. Née apatride d’un père géorgien et d’une mère d’origine germano russe, la jeune Hélène Zourabichvili prit en effet des cours de langue et de littérature russes à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky, dans le 8e arrondissement de la Capitale. Peu avant de prendre la nationalité française en 1950. Elle y entendit les chants qui, ce vendredi, résonnaient dans l’édifice catholique. C’est cette histoire, celle d’une femme attachée à ses racines, qu’ont souhaité raconter ses enfants. Tous trois ayant pris la parole, ils ont entre autres évoqué le souvenir d’une mère qui, les voyant se lover dans un seul lit lorsqu’ils étaient petits, qualifiait avec eux cette organisation sous forme d’abri commun le kolkhoze. Autant d’anecdotes qui ont embué les yeux de leurs conteurs et de l’assemblée.
Et comment ne pas parler du cardinal Richelieu, celui qui fut à l’origine de l’institution dont était à la tête Hélène Carrère d’Encausse depuis 1990? C’est devant son portrait qu’elle fut solennellement photographiée il y a peu encore. Et c’est devant cette photo que se sont inclinés les académiciens présents, vêtus de leur habit vert. Au cours de la cérémonie, Frédéric Vitoux a témoigné de son respect envers la première femme élue secrétaire perpétuel. Avec elle, il partageait cet amour de la langue française et l’idée que la défendre est aujourd’hui, plus que jamais, nécessaire. Ce, vent debout contre les attaques récurrentes vis-à-vis des positions prises par l’Académie, sur l’écriture inclusive ou l’anglicisation de la langue par exemple, mais aussi l’âge de ses membres. «Il n’y a pas d’âge pour être orphelin», a-t-il affirmé.
C’est, pour finir, sur les mots du chœur orthodoxe, «Dieu saint, Dieu fort, Dieu immortel, aie pitié de nous», qu’une poignée d’admirateurs – dont Eduardo Pisani, 19 fois candidat à l’Académie française – ont applaudi la sortie du cercueil. Depuis 10h30, sous un soleil de plomb, ces derniers évoquaient entre eux la mémoire de celle qu’ils avaient croisée au moins une fois dans leur vie. Avec qui ils avaient engagé ne serait-ce qu’un bout de conversation. Et le constat est collectif: «Hélène Carrère d’Encausse était une femme exceptionnelle, d’une grande érudition.» Une cérémonie d’hommage national, présidée par Emmanuel Macron, se tiendra dans la cour d’honneur des Invalides à la fin de l’été. Plus nombreux seront-ils encore à rendre grâce à la «grande» dame du quai Conti.