Le retour d’une légende de l’animation, après dix ans d’absence: le Japonais Hayao Miyazaki rouvre les portes de son imaginaire foisonnant avec Le garçon et le héron , un conte testamentaire en salles mercredi 1er novembre.

La sortie d’un nouveau film du réalisateur de Mon voisin Totoro (1998), Princesse Mononoké (2000) ou Le voyage de Chihiro (2001) est toujours un événement, mais celui-ci était d’autant plus attendu que Miyazaki, réalisateur aussi révéré que secret, a déjà annoncé à plusieurs reprises qu’il prenait sa retraite.

Pourtant, à 82 ans, celui qui a contribué – à travers le studio Ghibli qu’il a fondé – à donner ses lettres de noblesse à l’animation, montre avec Le garçon et le héron qu’il garde son brio, et ses techniques 2D à l’ancienne, à l’heure des images de synthèse triomphantes. Ce conte empreint d’onirisme et de magie, à l’intrigue très touffue et parfois sombre, est un peu moins accessible, notamment aux plus jeunes, que ses grands classiques.

Dans le film, Miyazaki, né en 1941, l’année de Pearl Harbor, remonte à une période qui le hante depuis l’enfance, celle de la Seconde guerre mondiale. Il a souvent mis en scène de jeunes héroïnes courageuses. Le héros du film est cette fois un garçonnet, Mahito, qui, dans les premiers plans, observe le feu des bombes tomber sur Tokyo et emporter sa mère. Son père l’emmène se réfugier à la campagne, chez une tante. Le petit citadin cherche ses marques dans la grande maison, où cohabitent une dizaine de vieilles femmes et qui ouvre sur un vaste jardin, que survole un imposant héron cendré. Au fond, une tour mystérieuse habitée par un vieillard.

En lui ouvrant les portes, le héron va le propulser dans un monde parallèle et souterrain, peuplé d’un bestiaire fantastique et effrayant. Sur les traces du fantôme de sa mère, Mahito va en apprendre plus sur son histoire familiale. Éléments déchaînés, animaux magiques, quêtes des origines… après Le Vent se lève, qui évoquait le concepteur des chasseurs bombardiers japonais, le film renoue avec les fondamentaux d’Hayao Miyazaki et fait référence à de grands classiques, de Hitchcock au Roi et l’Oiseau de Paul Grimault (1953), en passant par Le Tombeau des lucioles d’Isao Takahata (1988). Faut-il voir dans ce film, qui a demandé plus de cinq ans de travail, un testament ? Miyazaki semble livrer lui-même quelques clés, à travers un personnage de vieillard, gardien de l’équilibre d’un monde qui s’effondre, lancé dans la quête impossible d’un successeur.

La question du passage de témoin passionne depuis des années les aficionados du studio Ghibli, dont l’autre cofondateur, le producteur Toshio Suzuki, est âgé de 75 ans. Le troisième père de la société, le réalisateur Isao Takahata, est décédé en 2018 à 82 ans. Goro Miyazaki, le fils aîné du créateur de Totoro et lui-même réalisateur de films d’animation du studio, a parfois été pressenti pour prendre le relais mais ne souhaite pas porter sur ses seules épaules la responsabilité de la succession.

Côté économique, la question semble avoir été enfin réglée en septembre, avec le rachat du studio mythique par une chaîne de télévision, Nippon TV. Ce partenaire de longue date va devenir son grand actionnaire avec 42,3% des parts. Des cadres de la chaîne vont intégrer sa direction et M. Miyazaki va prendre la fonction de président honoraire. Mais, artistiquement, l’héritage du maître reste un point d’interrogation.