Le test pourra ressembler à un autotest Covid mais il mesurera certains polluants aujourd’hui impossibles à mesurer directement chez soi dans l’eau du robinet. Des chercheurs de l’Université nationale de Séoul en Corée du Sud, et du département de chimie du MIT (Massachusetts Institute of Technology aux États-Unis) viennent de mettre au point un prototype de test individuel qui permet de déceler de faibles concentrations des PFAS (substances per- et poly-fluoroalkylées) dans l’eau. Les résultats du prototype sont publiés dans un article de la revue PNAS du 12 mars 2024.
Les PFAS sont des polluants dits »éternels » avec un temps de persistance dans l’environnement extrêmement long comparé aux autres substances. Ils sont dangereux pour la santé humaine et celle des écosystèmes et proviennent de multiples et diverses sources, certains emballages alimentaires, cosmétiques, pesticides, vêtements déperlants et même les préservatifs et les lubrifiants. Ils ont contaminé toute l’hydrosphère jusqu’à notre eau du robinet. Comme le reconnaissent le ministère de la Transition écologique et l’ANSES, il est important de les quantifier dans notre environnement mais aujourd’hui seuls les laboratoires bien équipés peuvent les détecter.
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Comment fonctionne le prototype mis au point par les chercheurs américains ? L’eau est déposée sur une bande où elle migre et croise en chemin un composé sensible qui change de couleur en présence de certains PFAS. Ce test permet de tester le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFBA (l’acide perflurobutanoïque), deux des 9000 PFAS connus. La mesure évalue la présence des 2 composés à partir de 0,4 microgramme de PFOA par litre d’eau (0,4 μg/L) et 0,2 μg/L pour les PFBA.
Ces performances se rapprochent des ordres de grandeurs des limites européennes pour l’eau de consommation. Les seuils sont de 0,5 μg/L pour l’ensemble des PFAS ou 0,1 μg/L pour la somme des 20 PFAS les plus préoccupants (PFOA, PFOS…). La législation est plus exigeante aux États-Unis où la limite des PFOA est à 0,004 μg/L (soit 4 nanogrammes par litre) dans l’eau potable et 0,001 μg/L pour le PFBA.
En Europe les limites sont au cœur de questionnement comme le souligne le Pr Robert Barouki, «revoir les valeurs limites en fonction de découvertes est normal. Il faut aussi s’intéresser à la présence des PFAS dans le sang, une étude montre que 10 à 15 % de la population européenne dépasse les valeurs limites plasmatiques sanguines». La question est telle que certains pays européens comme le Danemark ont adopté des limites plus basses que celles recommandées par l’Union Européenne avec 0,002 μg/L dans l’eau pour 4 types de PFAS.
« Etablir un état des lieux de la présence de PFAS dans les ressources en eaux et dans l’eau destinée à la consommation humaine» est un des enjeux fixé par l’ANSES et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires en janvier 2023 avec le plan d’action français PFAS 2023-2027. Le test proposé par le MIT pourrait permettre à certains de tester leur eau de robinet. Cependant pour le Pr Robert Barouki « la surveillance des PFAS doit dépendre de la responsabilité publique pour vérifier que l’eau et les aliments contiennent le moins de PFAS possibles. Il ne faudrait pas que ces tests génèrent de nouvelles inégalités entre ceux informés et ceux qui ne le pourraient pas».
Face à « l’étendue de l’impact sanitaire » décriée par le Pr Sultan, diminuer les taux de PFAS dans notre eau est aussi un enjeu de santé publique. Pour le Pr Robert Barouki, des systèmes de filtration collectifs de l’eau existent, particulièrement dans les zones polluées par les industriels. Une étude parue en 2020 dans Environmental Science