C’est une tendance qui se confirme : la santé mentale des jeunes filles et jeunes femmes s’est fortement dégradée en France. En témoigne le rapport publié ce jeudi par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en collaboration avec Santé publique France. Les données analysées montrent que les jeunes filles ont fait davantage de tentatives de suicides et se sont davantage blessées volontairement ces dernières années, avec une hausse particulièrement brutale au décours de la crise sanitaire liée au Covid, en 2021.

« Bien qu’il soit reconnu que les adolescentes et les jeunes femmes sont une des populations les plus à risque concernant les gestes auto-infligés (tentative de suicide, scarification, brûlures, coups portés contre un mur, NDLR) », notent les auteurs, les études livrent des résultats particulièrement « inquiétants ». Alors que la tendance était à la baisse entre 2008 et 2013, les chiffres se sont envolés, avec une première période de hausse modérée (2015-2019), suivie par une deuxième plus aiguë (2021-2022). Ainsi, les taux d’hospitalisation en psychiatrie pour l’un de ces motifs ont bondi de 246% chez les filles de 10 à 14 ans entre les périodes 2010-2019 et 2021-2022. Chez les 15-19 ans, l’augmentation est de 163%, et de 106% chez les 20-24 ans. De façon plus globale, la situation peut se résumer ainsi : le taux d’hospitalisations en psychiatrie pour geste auto-infligé chez les filles de 10 à 19 ans a doublé entre 2012 et 2020, puis doublé de nouveau, mais en seulement deux ans, entre 2020 et 2022. Dans les services hospitaliers de soins « somatiques » (obstétrique, médecine, chirurgie), les chiffres sont aussi fortement à la hausse sur les mêmes périodes, quoique dans une moindre mesure.

Les gestes les plus fréquents sont les intoxications par prise de médicaments (de 61 à 75% des hospitalisations), devant les coupures avec un objet tranchant (10 à 19%).

Étonnamment, cette nette tendance à la hausse ne se retrouve pas dans le reste de la population. Chez les patients âgés de 30 à 50 ans, hommes et femmes, les hospitalisations pour « geste auto-infligé » reculent, en France mais aussi à l’échelle européenne. Quant aux jeunes garçons et jeunes hommes, les taux restent stables et à un niveau plutôt bas.

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Les auteurs avancent plusieurs hypothèses pour expliquer cette particularité. « Tout d’abord, il est possible que la santé mentale des garçons ne se soit pas autant dégradée que celle des filles et des femmes du même âge. En effet, les enquêtes épidémiologiques montrent que la hausse des syndromes dépressifs chez les 15-24 ans entre 2014 et 2021 a beaucoup plus concerné les femmes que les hommes », écrivent-ils. Ensuite, il est possible que les garçons en souffrance psychique l’expriment différemment, d’une façon dite plus « externalisée » : par la consommation de substances (alcool, drogue) ou par des comportements dangereux (violence, conduite automobile à risque…). Néanmoins, les données hospitalières ne semblent pas confirmer cette dernière hypothèse, car les hospitalisations liées à l’utilisation de substances psychoactives (avec ou sans addiction) ou à des intoxications alcooliques ont reculé chez les 15-30 ans entre 2012 et 2022.

Outre le sexe et l’âge, d’autres facteurs augmentent le risque de passage à l’acte, notamment le niveau de vie. Les personnes bénéficiant de la Couverture médicale universelle (CMU) comptent pour un quart des hospitalisations pour tentative de suicide ou automutilation, alors qu’elles ne représentent que 11% des patients ayant reçu des soins en 2022.