C’est une nouvelle preuve que l’alimentation joue un rôle central dans le syndrome de l’intestin irritable (ou « colopathie fonctionnelle »). Une étude récemment publiée dans la revue The Lancet Gastroenterology

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs de l’université de Göteborg, en Suède, ont testé pendant un mois trois types de traitements chez 300 patients. Un premier groupe devait suivre un régime alimentaire pauvre en Fodmaps, c’est-à-dire excluant les aliments contenant des sucres mal absorbés au niveau de l’intestin. On peut citer le lactose, contenu dans les produits laitiers ; les fructanes, que l’on retrouve dans le blé, le seigle et l’orge ; le fructose, présent dans les fruits, mais aussi ajouté dans tous les plats préparés industriels ; ou encore les galactanes, que l’on retrouve surtout dans les légumineuses (pois chiches, lentilles, etc.).

Un second groupe a suivi un régime « Low carb », pauvre en glucides mais riche en protéines. Les patients du troisième groupe ont, de leur côté, été traités avec des médicaments antispasmodiques, laxatifs ou antidiarrhéiques. Après un mois de traitement, les trois groupes ont vu leurs symptômes et leur qualité de vie s’améliorer. Mais pas dans les mêmes proportions : les trois quarts des patients ayant suivi l’un des deux régimes alimentaires ont vu leur état s’arranger, contre « seulement » la moitié des personnes traitées avec des médicaments.

Les bienfaits des régimes se sont même fait sentir sur la durée, puisque, six mois après, la majorité des participants allaient bien alors qu’ils avaient repris progressivement leur alimentation habituelle. « Cette découverte indique que de petites réductions des Fodmaps et de l’apport en glucides pourraient avoir des effets bénéfiques », soulignent les auteurs de l’étude.

En pratique, le régime pauvre en Fodmaps est déjà recommandé pour traiter le syndrome de l’intestin irritable, mais pas le régime « Low carb », riche en protéines, pour lequel les preuves d’efficacité manquent. « Le régime pauvre en Fodmaps consiste à supprimer transitoirement tous les aliments contenant des sucres fermentables car ceux-ci augmentent la sécrétion d’eau au niveau de l’intestin grêle, ce qui génère des ballonnements, et ils fermentent dans le côlon, ce qui génère des gaz », explique le Pr Benoît Coffin, chef du service d’hépato-gastro-entérologie à l’hôpital Louis- Mourier, à Colombes (Hauts-de-Seine). L’eau retenue et les gaz entraînent une distension du tube digestif à l’origine des douleurs.

« Beaucoup de patients pensent qu’ils sont intolérants ou allergiques à tel ou tel aliment, en particulier au gluten, mais ce n’est pas le cas », précise le Pr François Mion, chef du service d’exploration fonctionnelle digestive à l’hôpital Édouard-Herriot, à Lyon. « Le syndrome de l’intestin irritable résulte d’une hypersensibilité de l’axe intestin-cerveau et les sucres fermentables accentuent ce phénomène », poursuit-il.

Sur le papier, l’idée est simple : supprimer complètement les sources de Fodmaps pendant six à huit semaines. « Si le patient va mieux, on lui demande de réintroduire progressivement les différentes familles d’aliments afin qu’il puisse déterminer qu’elles sont les doses acceptables pour lui », indique le Pr François Mion. Les premiers effets commencent généralement à se faire sentir au bout d’une à deux semaines. Mais dans les faits, évincer ces sucres de notre alimentation est un gros défi. « C’est un régime difficile à suivre car énormément d’aliments en contiennent : beaucoup de fruits et légumes, tous les produits dérivés du blé, les plats industriels… », énumère le gastro-entérologue.

Heureusement, il existe des alternatives. Plutôt que du lait et des yaourts, il faudra par exemple se tourner vers du lait sans lactose, des boissons végétales (soja, avoine…) ou encore des yaourts au soja. Côté fruits, les pommes, les poires, les pêches ou encore les abricots doivent laisser place aux bananes, à l’ananas, aux agrumes ou encore au melon. « Il faut aussi éliminer tous les aliments à base de blé, d’orge et de seigle car ceux-ci contiennent un type d’amidon résistant à la digestion », précise le Pr Benoît Coffin. Adieu, donc, pâtes, semoule, farine, pain, céréales. « Le sarrasin, l’épeautre, le riz ou l’avoine, sous toutes leurs formes, peuvent remplacer les produits à base de blé », fait valoir le Pr Mion.

« C’est un régime qui fonctionne bien et que l’on prescrit très souvent, il mérite d’être tenté », encourage le Pr Coffin, tout en reconnaissant les contraintes que cela représente. D’ailleurs, se passer de tous ces glucides fermentescibles peut conduire à une alimentation déséquilibrée et entraîner des carences. L’idéal est donc de se faire aider par un médecin nutritionniste ou par un diététicien, surtout si l’on est sujet aux troubles du comportement alimentaire.

« Ce n’est pas évident, car il faut tomber sur un professionnel qui connaît bien cette maladie et il faut avoir les revenus suffisants pour s’offrir ces soins car ils ne sont pas pris en charge », souligne le Pr François Mion. Dans plusieurs villes (Lyon, Paris, Rouen, Nancy, Bordeaux…), des hôpitaux ont toutefois mis en place des parcours de soins remboursés, où il est possible de tout faire d’un coup : consultation médicale, séances de diététique et prise en charge psychologique. Mais il faut s’armer de patience. « Dans notre hôpital, le délai d’attente est de trois à quatre mois », précise le Pr Mion.