L’heure des comptes a sonné pour les vaccins contre le Covid-19. Et le bilan est – sans surprise – positif, selon un récent rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le 16 janvier, le réseau chargé de la surveillance des maladies respiratoires a rendu publiques une étude sur le nombre de vies sauvées grâce à la vaccination en Europe. Ce n’est bien sûr pas la première de ce genre. D’après les experts de l’OMS, les vaccins ont permis de réduire la mortalité due au virus de 57 % entre décembre 2020 – date de leur introduction – et mars 2023. Ce qui représente environ 1,4 million de vies épargnées à travers 34 pays du continent européen. Les chercheurs rapportent que l’ensemble des pays sous la tutelle du bureau régional Europe de l’OMS, qui comprennent la Russie et des pays d’Asie centrale, ont déclaré 2,2 millions de décès liés au Sars-CoV-2 pendant les 3 premières années de la pandémie.

«Aujourd’hui, il y a 1,4 million de personnes dans nos régions – la plupart sont des personnes âgées – qui peuvent profiter de leur vie, entourées de leurs proches, parce qu’elles ont pris la décision vitale de se faire vacciner contre le Covid-19. C’est la puissance des vaccins. Les preuves sont irréfutables», a fait valoir le Dr Hans Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, lors d’une conférence de presse. La quasi-totalité des vies sauvées (96%) concerne en effet des personnes de 60 ans et plus.

Les pays ayant amorcé le plus rapidement un programme de vaccination couvrant une grande partie de la population – comme la Belgique, le Danemark, l’Islande, l’Irlande, Israël, Malte, les Pays-Bas et le Royaume-Uni – sont ceux qui ont enregistré les plus grands bénéfices en termes de nombre de vies sauvées globalement grâce à la vaccination. Ainsi, Israël a enregistré les plus grands bénéfices pour tous les groupes d’âge avec une réduction de mortalité de 75 %, suivi de Malte et de l’Islande avec une réduction de 72 % et 71 %, respectivement.

Précisons que ce travail, mené par une trentaine de scientifiques issus des agences de santé européenne, est une prépublication. Autrement dit, il n’est pas encore passé par l’étape de validation par les pairs, un principe inaliénable de la démarche scientifique. « Néanmoins, il s’agit d’un travail réalisé par un réseau de l’OMS donc il y a de bonnes raisons de penser qu’il sera publié dans les mois, voire dans les semaines qui viennent », note Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie à l’université de Montpellier.

« C’est important de faire ce type d’analyses car à mesure que les années passent et que cet épisode s’éloigne de nous, l’impact qu’a eu la vaccination risque d’être minimisé, comme ce fut le cas pour d’autres épidémies », souligne l’épidémiologiste. « Avec le temps, on oublie pourquoi on se vaccine et on se met à négliger cette mesure de prévention, ce qui ouvre la voie à un retour de maladies infectieuses, que certains pensent, à tort, appartenir au passé », poursuit-il en citant l’exemple de la rougeole qui refait surface en ce moment sur le continent européen.

Le scientifique note toutefois quelques limites à cette étude. « Ce travail se base sur les données de mortalité due au Covid-19 rapportées par les pays. Mais nous savons qu’elles sont parfois sous-estimées », précise-t-il. En outre, les experts de l’OMS n’ont pas pris en compte les effets «altruistes» du vaccin. « Pour faire simple, ils ont multiplié le nombre de décès recensés par l’efficacité vaccinale évaluée dans les essais cliniques », poursuit Mircea Sofonea. Un peu comme si, lors des soldes, vous connaissez le prix soldé d’un produit ainsi que la réduction qui lui est appliquée, et que vous cherchez à calculer son prix d’origine. Une approche un peu trop approximative. « Il faudrait aussi prendre en compte les bénéfices indirects du vaccin : les décès qui n’ont pas eu lieu parce que les personnes vaccinées ont moins transmis le virus, mais aussi les décès évités grâce à l’explosion des systèmes de santé », souligne l’épidémiologiste, qui a mené ce type de travail pour les décès évités en 2021. Autrement dit, le nombre de vies épargnées en réalité en Europe est probablement supérieur à 1,4 million.

Lors de la conférence de presse, le Dr Kluge a insisté sur la nécessité pour les personnes les plus vulnérables de continuer à se faire vacciner régulièrement, 6 à 12 mois après leur dernière dose. « Cela concerne les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et celles atteintes de maladies chroniques ainsi que les personnels de santé en première ligne », a-t-il précisé. Comme pour la vaccination contre la grippe, un rappel annuel est désormais recommandé contre le Covid-19. Il est d’ailleurs recommandé de faire ces deux vaccins en même temps. Mais la mesure peine à être suivie en France. À peine un tiers des plus de 65 ans a pour le moment reçu son «booster» dans le cadre de la campagne vaccinale en cours (ce qui représente le quatrième ou cinquième rappel), d’après Santé publique France.

« Le COVID-19 n’a pas disparu. Nous avons simplement appris à vivre avec », a rappelé le Dr Kluge. Même si son impact sur le système de soins est désormais limité, le Covid-19 reste la première cause d’admission en réanimation parmi les infections respiratoires, devant la grippe et les virus de la bronchiolite.