Bien moins connu que le cancer de la prostate, le cancer de la vessie touche 13.000 à 20.000 nouvelles personnes chaque année et est responsable d’environ 5000 décès. «Ce cancer, relativement fréquent et parfois agressif, est trop peu connu», estime le Dr Benjamin Pradère, membre du comité de cancérologie de l’association française d’urologie (AFU), qui organise tout au long du mois de mai une campagne de sensibilisation. Si le patient type est un homme fumeur (ou ex-fumeur) âgé d’environ 70 ans, les femmes ne sont pas pour autant épargnées. Environ «un quart des patients sont des femmes» et leur «proportion augmente», selon la présidente de l’association de malades Cancer Vessie France, Lori Cirefice.
Si ce cancer est quatre fois plus fréquent chez les hommes, «il est souvent plus grave chez les femmes, car des symptômes peuvent être mal interprétés et retarder le diagnostic», prévient le Dr Pradère. C’est ce qu’a vécu Catherine, une ancienne assistante maternelle âgée de 51 ans. «Après un bypass (chirurgie bariatrique, NDLR), j’avais souvent du sang dans les urines. Le médecin traitant a pensé que c’était lié à l’opération. Ça ne passait pas. On m’a envoyé voir un gynécologue, qui a pensé à de microrègles – car j’avais un stérilet», raconte-t-elle. Au fil des mois, le problème perdure. «Après un an, je ne pouvais plus me retenir d’aller aux toilettes. Une IRM a finalement montré une grosse masse dans la vessie», se souvient Catherine. Ensuite, tout s’est enchaîné: «8 heures d’opération» pour enlever «la masse», annonce d’un cancer infiltrant, ablation de la vessie, de l’utérus et de ganglions, chimiothérapie et immunothérapie.
À lire aussiCancer de la vessie : les signes d’alerte à ne pas laisser passer
«Urines rouges, je me bouge!», exhorte le slogan de la campagne de sensibilisation, en référence au premier symptôme le plus fréquent. En effet, dans 80% à 90% des cas de cancer de la vessie, l’hématurie (terme médical qui désigne la présence de sang dans les urines) est le premier symptôme visible. «Cela ne veut pas dire automatiquement que la personne a un cancer, il peut s’agir d’une simple cystite », tempère le Pr Yann Neuzillet, chirurgien urologue à l’hôpital Foch (Suresnes) et membre du comité cancérologie de l’AFU. Chez l’homme, l’hypertrophie bénigne de la prostate peut aussi entraîner des saignements.
D’autres signes doivent alerter, comme des difficultés à uriner, mais aussi des infections urinaires à répétition, surtout lorsque aucune infection n’est détectée lors à l’ECBU (un examen cytobactériologique des urines). Savoir repérer les signaux d’alarme le plus tôt possible est crucial. «Il faut le dépister le plus tôt possible, c’est un cancer curable quand il est pris à temps», indiquait récemment au Figaro le Dr Pradère. En pratique, 80% des patients survivent si le diagnostic a été fait suffisamment tôt. Mais quand il intervient trop tard, alors que le cancer a déjà métastasé, le taux de survie à 5 ans n’est plus que de 5%.
S’il est surtout connu pour son rôle dans le cancer du poumon, le tabagisme actif est la première cause de cancer de la vessie. Il serait même à lui seul responsable d’un peu plus de la moitié des cas chez les hommes, et 39% des cas chez les femmes. «Une fois inhalés, les produits cancérigènes issus de la combustion du tabac vont passer dans le sang puis dans la vessie, où ils vont stagner au contact de la muqueuse vésicale avant d’être évacués dans les urines, ce qui va augmenter le risque de cancer», détaille le Pr Yann Neuzillet. On considère qu’un fumeur a entre 5 et 6 fois plus de risque d’être victime d’un cancer de la vessie qu’un non-fumeur. Et ce d’autant plus qu’il aura commencé à fumer plus jeune, et que sa consommation sera élevée
En Europe, la fréquence de ce cancer a augmenté ces dernières années «pas seulement en raison d’une hausse des détections, mais aussi d’une augmentation des fumeurs», selon le Dr Benjamin Pradère. Attention aussi au cannabis, a averti le Pr Neuzillet, : «des patients jeunes arrivent en consultation après avoir été exposés à des carcinogènes improbables par la consommation de cannabis (…) recoupé avec parfois n’importe quoi, du pneu, du ciment…».
D’autres facteurs peuvent favoriser ce cancer, parmi lesquelles : une exposition professionnelle à certains produits chimiques, le fait d’avoir déjà subi une radiothérapie au niveau du bas-ventre, d’avoir reçu certaines chimiothérapies ou encore certaines infections. «Certaines expositions, notamment professionnelles, peuvent conduire à des cancers de la vessie: caoutchouc, colorants, peintures, cosmétiques, certains hydrocarbures, pesticides dans de grandes régions agricoles», souligne le Dr Pradère. Tout signe urinaire (hématurie, troubles à la miction) chez un fumeur ou une personne exposée à des toxiques professionnels doit donc amener à consulter un urologue pour un bilan.
Si ces carcinogènes sont moins présents qu’il y a 20 ou 30 ans dans le monde du travail, les personnes exposées autrefois restent à risque, tout comme les personnes qui ont arrêté de fumer depuis plusieurs années. «On m’a dit que mon cancer pouvait venir de la cigarette, mais j’ai aussi travaillé dans beaucoup d’usines – jantes en alu, lingettes pour bébé, céréales, chauffage et clim pour voitures…-, donc on ne saura jamais», glisse Catherine.