Les 8 et 9 décembre auront lieu la traditionnelle grand-messe télévisuelle de l’Association française contre les myopathies, avec ses 30 heures de direct et des milliers d’animations partout en France. Lorsque le Téléthon est né, en 1987, la mutation génétique responsable de la myopathie de Duchesne venait d’être découvert, mais aucun traitement n’existait contre ces maladies génétiques neuromusculaires. Depuis, malgré les nombreuses critiques dont il est l’objet, l’événement permet chaque année de recueillir autour de 90 millions d’euros, et les succès thérapeutiques qu’il permet de financer se font plus nombreux. Tour d’horizon, à dix jours de l’édition 2023.
L’amyotrophie spinale proximale, ou «SMA», est une dégénérescence des neurones moteurs de la moelle épinière, qui touche généralement l’innervation des membres inférieurs. Il en existe 5 types avec des espérances de vie très diverses, du décès dès les premières semaines après la naissance à une vie quasi normale. La SMA touche environ 124 nouvelles personnes par an en France (incidence de 1/6000). La gravité de la maladie nécessite une prise en charge pluridisciplinaire avec nutritionniste, respiratoire, orthopédie, rééducation.
La maladie survient chez les enfants ayant reçu de leurs parents deux versions mutées du chromosome impliqué. Elle peut donc apparaître chez des enfants dont les deux parents sont chacun porteur d’un chromosome muté, mais qui sont des porteurs sains et l’ignorent totalement. «J’avais une cousine décédée de SMA et ma nièce ne se développait pas comme un autre bébé. Ma sœur a appris que sa fille avait une SMA, raconte Flavia, maman d’Ibrahima. Elle a alors fait de la prévention dans la famille pour que nous fassions des tests génétiques. On a fait ce test avec mon conjoint, et on était porteur tous les deux. » En apprenant que leur enfant à naître était atteint, «nous avons décidé de continuer la grossesse en gardant espoir pour lui. Par la suite on a pu apprendre qu’il existait une thérapie génique. C’est le meilleur choix qu’on ait fait pour lui», raconte Flavia.
Ibrahima a eu plus de chances que sa cousine: alors qu’il était âgé de 5 semaines à peine, avant l’apparition des symptômes, le bébé a pu recevoir une thérapie génique dont la mise au point a été financée par le Téléthon, tout comme l’avait été la découverte du gène en cause, en 1995. Depuis, plus de 100 enfants ont été traités en France, et plus de 3000 dans le monde. L’enjeu est désormais de dépister la maladie au plus tôt et l’AFM-Téléthon a lancé une étude pilote de dépistage néonatal dans deux régions, le Grand Est et la Nouvelle Aquitaine. Quatre bébés ont été traités depuis le début d’année suite à ce dépistage précoce. «Comment ne pas penser à tous les autres, à ces enfants des autres régions?», lance Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM-téléthon depuis 20 ans.
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Samy, la soixantaine, est atteint d’une insuffisance cardiaque sévère. Il est aussi le premier patient d’une étude clinique de phase I, qui vise à vérifier la non-dangerosité de l’injection du «jus de cellules souches» pour traiter son insuffisance cardiaque. Une étude menée à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, sous la houlette du Pr Philippe Ménasché, soutenue par l’AFM-Téléthon parce que «le muscle cardiaque est particulièrement touché dans certaines maladies neuromusculaires», indique l’association dans son dossier de presse. «J’ai reçu trois injections. J’ai tout de suite senti l’amélioration, témoigne Samy. Je me suis senti vraiment mieux au quotidien… Aujourd’hui je me sens en forme». En France, plus de 1,5 million de personnes sont atteintes d’insuffisance cardiaque, particulièrement les plus de 60 ans. Elle cause 200.000 hospitalisations par an et d’après l’assurance maladie, sa fréquence va augmenter de 25% tous les 4 ans suite au vieillissement de la population.
En 2018, le Pr Philippe Menasché et son équipe du département cardio-musculaire à l’hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP) ont réussi la première greffe de cellules souches musculaires dans le cœur à destination d’insuffisants cardiaques. L’équipe a constaté que ce sont les principes actifs contenus dans les cellules nommées « sécrétome », et non les cellules entières, qui améliorent la fonction cardiaque. L’équipe a alors décidé d’extraire ce sécrétome, rebaptisé «jus de cellule». Injecté par voie veineuse, le produit «améliore la cicatrisation de certains tissus (foie, reins, rate, cœur), ils créent des signaux dans le cœur de l’animal testé et améliorent la fonction des organes», rapporte le Pr Albert Hagège, cardiologue dans l’équipe du Pr Menasché à l’hôpital Georges Pompidou.
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Prouesse européenne ! «Une semaine après l’injection, mon teint est redevenu rosé, je n’étais plus jaune et mon taux de bilirubine a commencé à baisser», témoigne Stefania, traitée en juin 2021 par thérapie génique contre le syndrome de Crigler-Najjar. C’est une maladie génétique récessive qui touche le gène d’une enzyme hépatique (du foie) et provoque l’accumulation de bilirubine dans l’organisme. Les manifestations sont des ictères(coloration jaunâtre de la peau, du fond de l’œil et des muqueuses). La maladie peut évoluer vers un ictère nucléaire, une accumulation de bilirubine dans le cerveau à l’origine de troubles neurologiques conduisant à la mort. Cette maladie se manifeste à la naissance et touche moins de 20 personnes en France à ce jour. Le traitement passe par une photothérapie intensive: les patients doivent passer 6 à 12 heures par jour sous des lampes à LED. C’est relativement facile chez les tout-petits, «mais pour les enfants, adolescents et adultes, c’est contraignant. La transplantation hépatique pour restaurer l’activité de l’enzyme est limitée par le nombre de donneurs et la prise d’immunosuppresseurs à vie», explique Giuseppe Ronzitti, chercheur à l’Inserm et au Généthon.
Son équipe a mis au point une nouvelle thérapie génique, qui consiste à apporter le gène défaillant aux cellules du foie du patient. «Le traitement est bien toléré, il permet de restaurer le niveau de l’enzyme et l’arrêt de la photothérapie. Il évite la transplantation», rapporte Giuseppe Ronzitti. Les résultats scientifiques publiés dans le New England Journal of Medicine sont impressionnants: les patients traités à la plus forte dose peuvent se passer de la photothérapie après 16 semaines, et 80 semaines après l’injection le taux de bilirubine est toujours faible sans photothérapie.
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Malgré ces réussites, le travail qui reste à réaliser reste immense: 95% des maladies rares restent sans traitement, voire sans diagnostic fiable et précis. Margaux, 26 ans, atteinte d’une myopathie des ceintures, raconte vivre «avec la douleur. Je marche encore, mais je ne travaille pas à 100%, c’est usant mentalement». Léon, 10 ans, est atteint de neuropathie à axone géant, une maladie des nerfs et des muscles qui prive progressivement ses victimes de mouvement avant d’atteindre le système nerveux. Ivy, 4 ans, souffre d’une myopathie non encore identifiée et ses parents voient malheureusement l’état de leur petite fille se dégrader.
Comme le chante Vianney, parrain du Téléthon 2023, « Y’a pas que les gènes qui font les familles, des humains qui s’aiment suffisent, et si l’averse nous touche, toi et moi, on la traverse à deux, à trois ». Mais s’aimer ne suffit pas lorsqu’il s’agit de maladies génétiques, et le Téléthon est avant tout l’histoire d’un collectif citoyen où patients, familles, chercheurs et médecins s’engagent. Pour Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, «la recherche a besoin d’alimenter en connaissance et en pistes thérapeutiques. Il faut soutenir les laboratoires de recherche en France et à l’étranger». Ferez-vous partie de l’aventure cette année en donnant au 36.37, ou sur le site internet www.afm-telethon.fr ?