Décrite depuis l’Antiquité, identifiée au XIXe siècle, nommée en 1927 par le Dr John Sampson, gynécologue américain… L’endométriose est tout sauf une nouvelle maladie, même si la souffrance des patientes a très longtemps été minimisée. Mais depuis une dizaine d’années, on assiste à un changement de paradigme et la recherche progresse à grands pas. Zoom sur quatre avancées qui pourraient, bientôt, être véritablement au service des patientes.
Le pire ennemi des femmes atteintes d’endométriose, c’est l’errance diagnostique. Elle est estimée à sept ans en moyenne. Un nouveau test développé par des médecins, chercheurs et ingénieurs français pourrait très bientôt changer la donne. Il s’agit de rechercher, dans un simple échantillon de salive, quelque 109 microARN permettant d’identifier l’endométriose dans 96,2 % des cas, avec 4,9 % de faux positifs. « Nous devrions recevoir la décision de la Haute Autorité de santé quant au remboursement de ce test salivaire avant la fin de l’année », annonce le Pr Philippe Descamps, chef du service de gynécologie obstétrique du CHU d’Angers, qui a participé à ce projet de recherche. Cette innovation a suscité beaucoup d’interrogations à ses débuts. La publication récente de résultats intermédiaires très convaincants dans le New England Journal of Medicine Evidence a dissipé les doutes. « Il est important de rappeler que ce test n’est pas fait pour dépister la maladie dans la population générale mais devrait aider au diagnostic des patientes avec des symptômes évoquant une endométriose, mais chez lesquelles l’imagerie médicale ne montre pas de lésions », souligne le Pr Descamps. Un test négatif éviterait aux patientes une cœlioscopie, une technique chirurgicale mini-invasive proposée aujourd’hui pour affirmer le diagnostic dans ces situations difficiles
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L’arsenal médicamenteux est très restreint contre l’endométriose. Il pourrait cependant s’étoffer dans les prochaines années. Un essai clinique qui a commencé cet automne au Royaume-Uni va évaluer l’efficacité du dichloroacétate pour traiter les douleurs endométriosiques. Des travaux menés chez la souris et publiés dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) ont montré que cette molécule peut réduire la concentration de lactate. Ce métabolite, habituellement produit par les muscles, favoriserait le développement et la croissance des lésions et se retrouve en concentration plus élevée dans les cellules de la paroi pelvienne des femmes atteintes d’endométriose. Un essai pilote mené sur une trentaine de femmes a été publié en 2021. Le dichloroacétate est déjà utilisé pour traiter des troubles métaboliques rares de l’enfant ainsi que certains cancers, ce qui signifie que les tests de sécurité ont déjà été validés et que le médicament pourrait être rapidement disponible si l’essai en cours s’avérait concluant.
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Les mécanismes à l’œuvre dans l’endométriose restent à ce jour grandement méconnus, ce qui explique en partie le manque de traitements ciblant spécifiquement la maladie. Les travaux d’une équipe japonaise, publiés en juin dernier dans la revue Science Translational Medicine , ont apporté un éclairage inattendu sur les origines possibles de l’endométriose. L’analyse d’échantillons d’endomètre, de lésions d’endométriose et de tissus sains a mis en évidence la présence d’une bactérie, Fusobacterium, chez plus de la moitié des patientes contre 7 % des volontaires sans endométriose. La bactérie injectée à des souris atteintes d’endométriose s’est également montrée capable d’aggraver les lésions. À l’inverse, un traitement antibiotique associant métronidazole et chloramphénicol a permis de réduire les lésions. Aussi prometteurs soient-ils, ces résultats restent cependant expérimentaux et d’autres études devront être menées pour confirmer le rôle de cette bactérie et l’efficacité des traitements antibiotiques chez l’humain.
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L’endométriose est une maladie multifactorielle, avec notamment des causes génétiques : elle n’est pas transmise à la descendance par un gène en particulier, mais avoir une femme touchée parmi sa parenté directe (mère ou sœur) multiplie par six le risque de souffrir de cette maladie. À ce jour, 9 grandes études ont été menées pour tenter d’identifier les zones de l’ADN (loci) impliquées. Une méta-analyse, publiée en 2023 dans la revue Nature Genetics, indique que 42 loci seraient associés à l’endométriose. Les chercheurs ont aussi étudié les associations entre des facteurs génétiques de l’endométriose et ceux impliqués dans d’autres pathologies inflammatoires et syndromes douloureux. Ils ont confirmé le lien avec l’asthme, et mis en évidence des corrélations génétiques avec onze autres maladies, dont la migraine et les douleurs de dos chroniques. Cela supporte l’hypothèse selon laquelle les douleurs intenses de l’endométriose seraient provoquées par l’activation croisée des systèmes hormonaux, immunitaires et neuronaux.