Mouvement de foule, malaises, accidents… Comment vont s’organiser les services médicaux et de secours pour Paris 2024 ? «On travaille avec tous les services de l’état, notre stratégie est validée depuis un an», a expliqué le responsable des services médicaux pour le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP), Pierre Mauger, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du salon Secours Expo, le 31 janvier à la Porte de Versailles. «Ce n’est pas parce que les JO sont un évènement qu’il faut faire autrement [que d’habitude]. On sait faire», a-t-il insisté. Organisés du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre, l’évènement sera pourtant de grande ampleur: 16 millions de visiteurs sont attendus à Paris et en régions, et les épreuves se dérouleront sur 39 sites.

Dans les enceintes sportives et leurs zones d’attentes, c’est le COJOP qui sera responsable de la gestion des secours, avec l’aide d’associations comme la Croix Rouge. En dehors de ces zones, la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC), qui dépend de l’Intérieur, coordonnera les services de secours bénévoles et ceux dépendants de l’État (SAMU et pompiers). L’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France (ARSidf) a construit le plan de gestion des hôpitaux de la région parisienne. Pour la médecine de ville et les hôpitaux et clinique privées, «nous serons amenés à communiquer dans les semaines à venir», précise l’ARSidf.

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SAMU, pompiers, Croix Rouge ou sécurité civile ne sont qu’une partie de l’ensemble des participants à la sécurité médicale pour les JO. Des mondes très divers et pas toujours habitués à travailler ensemble. «C’est l’occasion de montrer que notre système est un des plus performants au monde avec des acteurs qui agissent. Les yeux du monde entier seront tournés vers nous», a plaidé le Pr Pierre Carli, conseiller spécial du ministère de la Santé pour les JO 2024 après vingt-cinq années à la tête du Samu de Paris. Mais il rassure: «Les JO, ce n’est pas une nouvelle épidémie!»

Les associations de secourisme interviennent à différentes étapes de la gestion des secours. Il ne faut pas que le cadre légal les empêche d’agir et de porter secours, insiste Julien Pailhere, sous-préfet et chef du bureau du pilotage à la DGSCGC des acteurs du secours. Ces associations «sont très utiles» , témoigne le Dr Mathias Wargon, chef de service urgences-SMUR du centre hospitalier Delafontaine, à Saint-Denis. Un groupement de 5 associations épaulera Paris 2024: la Croix Rouge, la Croix Blanche, l’Ordre de Malte, l’UNAS (Union Nationale des Associations de Secouristes et Sauveteurs) et la FFSS (Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme notamment en milieu aquatique). Et malgré le manque de subventions et l’absence du label «charity partner» qu’avait obtenu la Croix Rouge britannique pour les JO de Londres en 2012, «toutes les associations de sécurité civile ont lancé des recrutements. On arrive à recruter des bénévoles avec une augmentation de 5 à 15% selon les régions», a expliqué Florent Vallée, directeur de l’urgence et des opérations à la Croix-Rouge française. Il a cependant souligné le manque de manageurs intermédiaires bénévoles. Ce sont généralement des infirmiers, explique le Dr Mathias Wargon, or ils seront déjà bien occupés dans leurs hôpitaux pendant les Jeux. La mobilisation de secours étrangers n’est cependant pas d’actualité pour le moment, a indiqué Julien Pailhere.

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Paris 2024 utilise les recommandations du Samu et des urgences de France pour la gestion du public dans les enceintes sportives et en zone d’attente. Dans ce document, certains paramètres permettent d’ajuster les effectifs de secours et de médecine, comme la qualification des publics (calmes, agités, alcoolisés ou drogués…), la posture (assis, debout ou en zone d’attente), ou encore la température extérieure. Pierre Mauger a souligné que «la cartographie des risques est définie. On identifie site par site quels sont les responsables de sécurité, cela est en fin de d’écriture et sera présenté aux préfectures pour validation». Dans les sites de compétitions sportives, «tant qu’on n’a pas besoin d’appeler le SMUR on est en autonomie. Si on est dépassé, les services de l’état viendront donner un coup de main».

Du côté des hôpitaux, «l’enjeu est de trouver un juste milieu entre deux risques: une mobilisation insuffisante par rapport aux besoins, ou une surmobilisation qui pourrait pénaliser la disponibilité des soignants le reste de l’été», explique au Figaro l’ARS. Mais «le profil des porteurs de billet est plutôt jeune, généralement moins de 35 ans, avec des familles, un profil sportif et un fort pouvoir d’achat», indique l’ARS. Un public a priori en bonne forme physique, et pas parmi le plus susceptible de tomber malade ou d’adopter des comportements à risques. La désertion attendue des Franciliens pendant les vacances pourrait aussi aider à ne pas saturer les services médicaux.

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L’inquiétude en revanche grandit quant à la possibilité d’une canicule. Les modèles météorologiques ne permettent pas de le prévoir de façon aussi anticipée, mais on sait que le risque augmente avec le changement climatique. En témoigne une étude parue dans la revue Nature de novembre 2023, qui prévoit, sur la période 2020-2050, le dépassement d’environ 4°C du record de 39,5°C mesuré dans un parc parisien en août 2023. «La ville de Paris a travaillé sur un plan Paris 50°C», a indiqué le général Didier Chalifour, chef d’état-major du secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris en charge de la sécurité des JO. «En cas de canicule, nous avons des plans d’actions prêts et la gestion du risque se fait avec les autorités publiques – ministère et ARS», précise l’AP-HP. «On est préparé à un certain nombre de risques météorologique comme les orages violents sur la Seine, les canicules, les coups de vent, ajoute Pierre Mauger. Tous ces risques sont regroupés au ministère de l’intérieur et de la direction générale de la santé, on établit les risques sanitaires.»

Outre une vague de chaleur, «la grande crainte est l’attentat ou l’épidémie», explique le Dr Mathias Wargon. «La joie débordera des seuls périmètres placés sous la responsabilité de l’organisateur Paris 2024. Le risque le plus important est le regroupement de personnes en un point donné», concède le général Didier Chalifour, qui prévoit la présence de secours sur les sites de compétitions sportives, de festivités et dans les transports. Il annonce ainsi un renforcement de 500 pompiers à Paris, et reconnaît que les JO ont permis d’accélérer les travaux sur des dispositions liées à des évènements graves. «On craint les situations sanitaires exceptionnelles, on fait des exercices qui se font pendant notre temps de présence à l’hôpital qui est déjà bien occupé. Il est difficile de s’entraîner», juge cependant le Dr Wargon.

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Une cartographie a été dressée pour attribuer à chaque rue ou enceinte sportive un hôpital de référence, afin de faciliter le transport des malades ou blessés. Une cartographie qui a évolué au fil du temps: «Au début de la constitution des plans de gestion, tout était centré sur l’AP-HP mais notre centre hospitalier n’en fait pas partie, et il n’avait pas été pris en compte», sourit Mathias Wargon, dont les urgences sont pourtant situées à quelque 2 kilomètres du Stade de France. «Nous avons été intégrés au plan ensuite.» Le médecin a «l’impression qu’on est parti de problèmes énormes, mais qu’on commence à devenir plus responsables».

Les hôpitaux de Paris prévoient l’ouverture d’une polyclinique temporaire réservée aux athlètes et leurs délégations dans le village olympique, financée «à l’euro près» par Paris 2024. Pierre Mauger précise avoir consulté chaque fédération sportive, qui peuvent avoir des règles de prise en charge médicale différente. Les athlètes seront orientés vers l’hôpital Bichat de Paris lorsque la polyclinique ne pourra pas les prendre en charge. Les représentants des médias mondiaux seront pris en charge à l’hôpital Avicenne de Bobigny, et les délégations du CIO à l’hôpital Européen Georges-Pompidou de Paris.

Les effectifs des urgences, déjà bien à la peine lors des étés ordinaires, devront-ils être augmentés? «L’engorgement aux urgences est souvent provoqué par un manque de places dans les autres services de l’hôpital, l’aval», répond l’AP-HP, qui affirme être prête et disposera des plannings à la fin février. Elle ambitionne de garder ouverts 360 lits supplémentaires dans 80 services d’aval, et estime «qu’on aura 800 professionnels hospitaliers, médecins, soignants en plus comparé à un été normal». Pour mobiliser ses personnels, l’AP-HP «garantit 2 semaines consécutives de vacances à tous. Mais si le professionnel, qui exerce dans un de ces services mobilisés, doit décaler sa 3e semaine, il reçoit une prime.» Cependant, regrette Mathias Wargon, «les personnels ne sont pas très contents, ils sont inquiets. La prime génère des dissensions». Lui souhaiterait que la prime soit généralisée à l’ensemble des personnels, car «les plannings pendant les JO sont un travail d’équipe et ne dépendent pas seulement des quelques personnels qui déplaceront leurs vacances».