Vous présentez un abcès blanc et très douloureux au niveau d’un doigt ou d’un orteil mais vous ne savez pas comment le traiter ? Il s’agit peut-être d’un panaris, une forme d’abcès provoqué par une infection bactérienne. Si vous en souffrez, il est impératif de consulter un médecin. Mais comment reconnaître un panaris et quelles sont les complications ? Le Figaro fait le point avec le professeur Philippe Humbert, spécialiste en dermatologie et médecin interne, auteur du livre « Avez-vous un bon médecin ? » (Fayard, 2018) et « Votre peau me dit tout de vous » (Les éditions Sydney Laurent, 2020).

Le panaris est une infection cutanée qui se manifeste par la formation d’un abcès au niveau d’un doigt ou d’un orteil. Il survient généralement lorsqu’une plaie ouverte s’infecte. « La particularité du panaris est qu’il est très douloureux », explique le Pr Humbert. Les symptômes apparaissent de manière successive. Au stade inflammatoire, dans les 2 à 5 jours suivant le traumatisme au niveau du doigt, on peut observer une tuméfaction (gonflement) autour de l’ongle, ce qui a tendance à fortement étirer la peau. Des rougeurs, une sensation de chaleur ainsi que des douleurs d’intensité variable se font alors ressentir. « Ce sont des douleurs « qui tapent » ou « qui battent » un peu comme un abcès dentaire », décrit le dermatologue. S’il n’est pas traité à ce moment, le panaris évolue en formant un abcès rempli de pus.

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Le panaris est provoqué par une infection bactérienne des tissus cutanés. Les principaux fautifs sont le staphylocoque doré ou le streptocoque A béta hémolytique. Néanmoins, un panaris peut aussi être causé par le bacille pyocyanique qui appartient au tube digestif, ou à la levure de l’espèce Candida albicans , présente au niveau des muqueuses digestive et gynécologique. « Pour que la zone s’infecte, il faut une porte d’entrée pour la bactérie. Typiquement ce sera une petite plaie ouverte autour des ongles, les manucures trop agressives, l’arrachement de peaux, les ampoules, les échardes, les piqûres d’insectes ou encore des morsures. » Cependant, des molécules anti-infectieuses naturellement présentes sur la peau, les défensines, auront tendance à limiter la pénétration. Cela attire un arsenal de cellules immunitaires – surtout des globules blancs et des plaquettes – qui s’amassent autour de l’agent infectieux pour le combattre. En s’accumulant, les globules blancs forment du pus dans cet espace clos, ce qui donne visuellement le fameux abcès du panaris.

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Vous ne risquez pas de développer un panaris à chaque fois que vous arrachez un petit morceau de peau autour d’un ongle. Ce risque augmente si vous le faites très fréquemment mais certaines personnes seront beaucoup plus susceptibles que d’autres en raison de plusieurs facteurs favorisants :

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Un panaris non traité est dangereux car il peut s’accompagner de complications graves. L’une des plus sévères est l’endocardite infectieuse qui résulte de la propagation des microbes jusqu’aux valves cardiaques. L’infection se traduit par des symptômes immédiats de type frissons et fièvre voire un fort amaigrissement au bout de quelques semaines. « Sans traitement, on peut en mourir », signale le Pr Humbert.

Dans d’autres cas, les microbes du panaris peuvent venir se loger dans les articulations et notamment infecter les disques intervertébraux, c’est-à-dire le cartilage entre chaque vertèbre de la colonne vertébrale. On parle de spondylodiscite. Les principaux symptômes sont aussi de la fièvre et des frissons auxquels s’ajoutent d’intenses douleurs du rachis. Plus rarement, l’infection atteint le cerveau en formant des abcès cérébraux.

Il existe un risque non nul de transmettre l’infection à d’autres personnes. « En 2005, par exemple, dans la commune d’Ornans, une personne avec un panaris au doigt avait cuisiné pour l’ensemble des participants d’une course de vélo. Les coureurs ont tous fini à l’hôpital, diagnostiqués avec une gastro-entérite sévère suite à la consommation de nourriture infectée au staphylocoque. », explique le Pr Humbert.

En prévention, il est indispensable, si ce n’est pas déjà le cas, de se faire vacciner contre le tétanos car la bactérie à l’origine de cette maladie grave (Clostridium tetani) est capable de s’infiltrer par la même plaie qui a causé le panaris.

Pour traiter le panaris en lui-même, il s’agira d’abord d’agir de manière locale notamment par l’évacuation du pus (réalisée par un médecin), l’application d’antiseptiques (généralement de la chlorhexidine ou « solution de dakin », ou de l’hexomédine) et de pommades contenant des antibiotiques (acide fusidique, mupirocine). « Parallèlement, on pourra mettre en route un traitement par voie générale pendant 10 jours. Les antibiotiques les plus couramment utilisés sont la pyostacine ou certains antibiotiques de la famille de la pénicilline », ajoute le Pr Humbert.

S’il y a complication, elle doit être prise en charge par un spécialiste qui prescrira un traitement spécifique. « En cas de septicémie, lorsque l’infection se propage dans le sang comme pour l’endocardite infectieuse ou spondylodiscite, le traitement se déroule à l’hôpital à l’aide perfusions pendant un minimum de deux à quatre semaines », prévient enfin le médecin.