Un peu d’œuf peu cuit dans sa purée, c’est ce qui a amené la petite Jade aux urgences du CHU d’Angers. Le bébé de 6 mois qui présente une anaphylaxie (réaction allergique aiguë), est rapidement prise en charge et tout finit par rentrer dans l’ordre. L’équipe du Dr Martine Morisset, allergologue et responsable de l’unité allergologie de cet hôpital, pose donc le diagnostic d’allergie à l’œuf et préconise d’introduire très rapidement dans l’alimentation de l’enfant les autres potentiels allergènes comme les fruits à coque, pour éviter que d’autres allergies ne s’installent, mais aussi de petites quantités d’œuf très cuit pour accélérer la guérison.

Six mois plus tard, Jade est de retour à l’hôpital à la suite d’une consommation accidentelle de noisettes. Les parents, choqués par le premier séjour aux urgences, n’avaient pas suivi les conseils des médecins de peur d’une nouvelle réaction violente. Malheureusement, comme nous l’explique le Dr Morisset, « on a raté la fenêtre d’opportunité. Maintenant il sera plus difficile de la désensibiliser. On est partis pour plusieurs années de prise en charge pour « renverser » le phénomène.»

En France, à l’âge de 5 ans, 6% des enfants présentent au moins une allergie comme l’a mesuré Blandine de Lauzon-Guillain, épidémiologiste, directrice de recherche à l’INRAe, en étudiant la cohorte ELFE, qui suit près de 18.000 enfants nés en 2011. Le lait est le principal allergène (3,4%), suivi de l’œuf et l’arachide (1%). Alors, est-il possible d’éviter les allergies ? Toutes non, mais de bonnes pratiques peuvent être mises en place. La scientifique a étudié l’introduction de 4 allergènes alimentaires majeurs : œuf, lait, poisson et blé jusqu’à l’âge de 10 mois. Il en ressort que pour un enfant sur 10, au moins deux allergènes n’avaient pas été consommés à cet âge et que ces enfants avaient un risque d’allergie alimentaire deux fois plus élevé.

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Dès le début de la diversification alimentaire, entre 4 et 6 mois, il est recommandé d’introduire tous les groupes d’aliments, même ceux potentiellement allergisants, car plus les enfants les découvrent tôt plus ils développent une tolérance à ces aliments. Martine Morisset se veut rassurante : la plupart des allergies de la petite enfance vont pouvoir guérir naturellement, c’est le cas notamment pour l’œuf et le lait. C’est moins vrai pour l’arachide et les fruits à coque. En cas de persistance de l’allergie, des solutions existent et notamment l’immunothérapie spécifique. Le principe est d’administrer de façon répétée des doses croissantes de l’allergène, à intervalle régulier, pour moduler la réponse immunitaire et augmenter le seuil de réactivité à l’ingestion de l’aliment.

C’était ce qui était recommandé pour la petite Jade, allergique à l’œuf, pour laquelle l’immunothérapie débutait par la consommation de biscuits du commerce contenant de l’œuf cuit à très haute température et en quantité précisément connue. Ces immunothérapies doivent être démarrées le plus précocement possible. Cette désensibilisation, marche en général très bien : 90% de succès pour le lait ou les œufs, mais à condition que le patient continue à consommer l’aliment.

Le terme d’intolérance, s’il est largement utilisé, est vague, on préférera utiliser le terme d’hypersensibilité (allergique ou non). Pour le lait, par exemple, l’intolérance au lactose correspond à un déficit en lactase, l’enzyme qui le dégrade et permet de bien le digérer. Si l’on est allergique, notre système immunitaire reconnaît faussement ces protéines comme des « agresseurs », et sa réponse se traduit par de l’urticaire, de l’asthme et des troubles digestifs.