Paris, 1940. Traumatisée, Louise, jeune institutrice, court nue dans les rues de Paris. Pendant ce temps, dans l’Est de la France, Raoul, chef de régiment de l’armée française, magouilleur toujours à l’affût d’un bon coup malmène Gabriel, son chef, trop intègre à son goût. Toujours à Paris, Fernand, garde mobile chargé de surveiller la destruction de sacs entiers de billets de la banque de France s’improvise cambrioleur pour assouvir le rêve de sa femme malade, pendant que Désiré, usurpateur de génie au grand cœur réussit à se faire engager comme porte-parole au ministère de l’information. Rien ne laisse supposer un quelconque lien entre ces quatre personnages se démenant dans la période troublée de la débâcle et de l’exode.
Miroir de nos peines clôt la trilogie de Pierre Lemaitre, Les enfants du désastre. Et marque pour Christian de Metter la troisième adaptation du romancier après celles de Au revoir là-haut et de Couleurs de l’incendie. Dans ces deux premiers tomes, l’auteur montrait déjà toute sa virtuosité en donnant chair aux personnages et au récit imaginés par l’écrivain.
Dans Miroir de nos peines, récit choral explorant les destins perturbés de quatre personnages sur fond de débâcle et d’exode, le dessinateur ne se départit pas de son talent de portraitiste et de sa maîtrise de la mise en scène. Son récit haletant relayé par un trait virtuose, tient en haleine le lecteur de la première à la dernière page. Le dessinateur nous plonge dans les affres de «la drôle de guerre» qui prend fin brutalement avec l’offensive allemande et la déroute de l’armée française, poussant les civils sur la route de l’exode. Une période que l’auteur évoque avec ses combats désespérés, ses magouilles en tous genres ou mensonges d’état, le tout doublé d’un tableau acerbe de la nature humaine. Dans la panique et le marasme, tous les comportements sont permis.
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De son trait expressionniste, Christian de Metter campe une galerie de personnages à la fois fascinants et misérables, illustre à merveille le désespoir d’une civilisation jetée dans le chaos de l’exode, surmontant la faim, la violence, la peur. Dans une savante et émouvante mise en scène, l’auteur élabore un parallèle entre les combats menés laborieusement et les mensonges éhontés du gouvernement. Riche en rebondissement, le récit tisse harmonieusement les voies qui mèneront nos protagonistes à se retrouver au bout d’un chemin où s’imbriquent grande Histoire et destins individuels.
Rompu à l’exercice de l’adaptation littéraire, Christian de Metter a également revisité les œuvres des plus grands écrivains du roman noir. D’Armitage Trail (Scarface) à Dennis Lehane (Shutter Island) en passant par Douglas Kennedy (Piège nuptial). Violence des rues de Chicago, univers oppressant d’un îlot renfermant un centre psychiatrique de criminels dangereux, enfer du bush australien ou chronique dans la France de l’entre-deux-guerres…La force évocatrice du dessin et les compositions de Christian de Metter offrent une savoureuse et fabuleuse illustration des récits les plus palpitants.
Miroir de nos peines, Christian de Metter d’après le roman de Pierre Lemaitre, Rue de Sèvres, 25 euros.