Nous étions tristes le 5 mai 2021. Une page se tournait : le cercle des bicentenaires se terminait avec la mort de Napoléon. Comment allions-nous nous occuper? La nature bonapartiste ayant horreur du vide, Ridley Scott, Sony et Apple ont décidé de nous offrir un (nouveau) film sur le grand homme. Serait-ce LE grand film tant attendu? Les critiques sont plus que mitigées et la performance Joaquin Phoenix très commentée.
Est-il facile d’interpréter Napoléon? Ou plutôt Bonaparte? Ou Napoléon et Bonaparte? Personnage total et complexe, étrange et pénétrant, charmeur et terrifiant, svelte puis obèse, agile puis lourd… Jouer une partie ou toute la vie du Corse (1769-1821) est une gageure. Beaucoup ont essayé, peu ont réussi. Un bon Napoléon au cinéma est un Napoléon capturé à un moment défini de sa vie – la plus abordable étant celle de la chute et de l’exil. Les grandes fresques biographiques sont souvent ratées. L’acteur doit également penser le général victorieux et ambitieux, l’empereur génial et colérique, l’amoureux dépendant et conquérant, l’homme déchu et aigri.
À l’occasion de la sortie du film, nous avons sélectionné plus de 100 acteurs qui ont enfilé le bicorne (il doit bien nous en manquer), les avons notés sur 20 et classés. Un petit commentaire accompagne nos «tops» et nos «flops». Le tout sous le regard complice et expert de Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon. Abel Gance, Sacha Guitry, les Monty Python… De ces quelques lignes, un siècle de cinéma vous contemple.
1. Albert Dieudonné (Napoléon , 1927)
Une évidence. Par sa silhouette, son regard et même son comportement, Albert Dieudonné se devait de finir numéro 1. Ne s’est-il pas présenté au casting en costume impérial devant Abel Gance? Le cinéaste a raconté sur France 3 en 1976 sa première rencontre avec l’acteur âgé alors de 37 ans. «Je lui dis : “Maintenant Albert tu vas dire ce que tu diras à l’armée d’Italie : soldats, vous êtes nus etc.” Et le voilà qui le dit, dans cette ambiance, tellement imbu de ce personnage, avec son vrai costume, dans le décor réel, j’ai dit : “bon, tu joueras le rôle!”» Napoléon c’est lui! Mais, attention, il est le Napoléon de la légende, exactement ce que le réalisateur voulait qu’il soit. Le film est brillant, la performance de Dieudonné également. Et compte tenu de la longueur stupéfiante (et, disons-le, ennuyeuse) de certaines scènes, il est le Napoléon qui reste le plus longtemps à l’écran de toute l’histoire du cinéma ! Mais Napoléon est un soleil: qui s’y frotte de trop près risque de se brûler. La carrière de Dieudonné ne se remet pas de cette performance. L’exil cinématographique durera jusqu’à sa mort, en 1976. Une mort qu’il mettra en scène en étant enterré dans son costume de Napoléon. Pour l’éternité. On songe au jugement de Chateaubriand. «Vivant il a manqué le monde, mort il le possède.»
2. Pierre Mondy (Austerlitz, 1960)
Pierre Mondy, acteur mésestimé et metteur en scène génial, a 35 ans au moment de jouer un Napoléon qui a… 36 ans. Alignement des artères parfait. Le comédien est envoûtant dans le rôle de l’empereur préparant et exécutant sa plus belle victoire militaire. Sans en avoir exactement le physique, Pierre Mondy a le nerf nécessaire pour être Napoléon. Il ajoute ce sourire désarmant remarqué par tous ceux qui ont rencontré le vrai empereur. La colère de Mondy dans la scène où est décidée la «pirouette de Boulogne» est magistrale. Si la malédiction ne touchera pas le comédien populaire (Le téléphone rose, La 7e compagnie ou Les Cordier), il ne retrouvera pas de rôle à sa hauteur. Malheureusement.
3. Christian Clavier (Napoléon , 2002)
Les mauvaises langues aiment se moquer. «Déjà sous Jacquouille, perçait Napoléon». Auréolé du succès des deux Visiteurs (où il joue à la fin du deuxième opus l’accusateur public Jacquouillet fidèle d’un Bonaparte très réussi – absent du générique) et d’une performance solide dans Les Misérables, le patron du box-office français se voit proposer par Jean-Pierre Guérin et Gérard Depardieu d’enfiler le bicorne. Le scepticisme monte et certains osent : «Qu’est-ce que c’est que ce binz.» «J’ai demandé à mon maître Pierre Mondy comment jouer Napoléon. Il m’a dit “t’enfiles le chapeau et tu penses à tes impôts : là tu as le regard”», confie Christian Clavier. Plus sérieusement, s’il est en difficulté avec Bonaparte, notamment sur le pont d’Arcole (l’âge toujours – il a 50 ans au moment du film), l’acteur des Bronzés est impérial en Napoléon. La ressemblance physique est là. Son énergie rentrée, prête à jaillir à tout moment, est une force pour jouer le grand homme. Surtout, Clavier a pensé, mieux intellectualisé, le rôle. Il a compris le rapport charnel de l’empereur avec la France ; su jouer les rapports avec ses frères et ses obligés («Il acceptait d’être trahi, jamais d’être déçu») ; a parfaitement fait vivre cette histoire d’amour tumultueuse et déchirante avec Joséphine ; et surtout, a réussi à sublimer la place de la destinée dans la vie de Napoléon. Vingt ans après sa diffusion sur France 2, il s’agit de l’une des dernières performances remarquables et remarquées. Elle permit, qui plus est, à l’empereur de rester toujours aussi populaire (près de huit millions de téléspectateurs). Les mauvaises langues n’ont jamais le dernier mot.
4. Rod Steiger (Waterloo, 1970)
L’une des interprétations les plus hollywoodiennes dans un film signé par un Russe (Sergueï Bondartchouk). Drôle de coalition. Steiger traduit parfaitement le Napoléon de la tourmente, celle de la bataille qui lui échappe – Waterloo – celle de la tourmente intérieure. Fatigué, plus qu’enrobé, désespéré, Napoléon est (et a) perdu. On y croît : ce Napoléon est chez lui dans des scènes de bataille réglées au millimètre que l’on ne retrouvera dans aucun film «napoléonien». Et on ne reverra jamais une telle reconstitution de bataille avec tous ces figurants. La dernière minute du film est d’une intensité dramatique inégalée.
5. Philippe Torreton (Monsieur N. , 2002)
Le Napoléon de Sainte-Hélène: triste et secret, capable de saillies dévastatrices. Un très grand film signé Antoine de Caunes et une immense composition, quand on connaît les descriptions que l’ont fait ses compagnons sur cette île perdue. Napoléon est maître de lui-même, joue avec ses courtisans et son geôlier, le terrible Hudson Low qui écrivait: «Au bout de quelques jours auprès de Napoléon, je ne tardai pas à me pénétrer d’une vérité que le temps n’a que trop confirmée : le malheur avait dégradé mon prisonnier, ou, pour mieux dire, il l’avait fait descendre aux premiers échelons de son existence. C’était Bonaparte avec toutes ses faiblesses d’homme, avec toute l’intempérance de son caractère, avec tous ses préjugés d’Italien. Insensiblement ramené à ce point de vie primitive, on ne trouvait plus en lui cette force morale qui l’avait mis au-dessus de l’humanité. Sans philosophie dans le malheur, il s’usait en malédictions contre la fortune, contre cette fortune qui l’avait si largement favorisé dans les plus belles années de son existence de géant. Rien n’égalait sa haine contre ceux qui étaient les témoins de sa grande infortune.» C’est cette grande infortune qu’arrive à parfaitement traduire Torreton.
6. Roland Blanche (L’Otage de l’Europe, 1988)
C’est une des belles surprises de la filmographie napoléonienne. Roland Blanche est formidable dans ce Napoléon qui ne sait pas ce qui lui arrive : être monté si haut, avoir dominé l’Europe, donc le monde, tenir dans ses mains le destin de centaines de millions de personnes et descendre si bas, sur un caillou minuscule, totalement passif face à son destin. Avec ses yeux vitreux et son teint cireux, Blanche est assez proche de l’original de Sainte-Hélène. Sa dégradation physique est l’une des plus réalistes de l’histoire. Le plan final est un chef-d’œuvre: ce n’est pas le visage de Roland Blanche que l’on voit, mais le masque mortuaire de l’empereur.
7. Marlon Brando (Désirée , 1954)
La plus grande star de l’époque prouve que l’on peut être un immense acteur dans un mauvais film. Marlon Brando est un envoûtant général, un charmant premier consul, un inquiétant empereur et insignifiant exilé. La performance mérite d’être soulignée car on se sent, en le regardant, comme Madame de Staël en décembre 1797, étourdi par son sourire si séduisant. Mais comme pour l’opposante numéro 1, c’est après que ça se gâte. Au fond, dans le cinéma napoléonien, n’est-ce pas l’ambiance et la compréhension du personnage qui compte ?
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8. Dennis Hopper (L’Histoire de l’Humanité , 1957)
À voir ce jeune Américain, 21 ans, jouer Napoléon (et non pas Bonaparte!), on a l’impression d’être face à une sculpture signée Canova. Hopper, avec ses traits antiques, son teint bronze et sa jeunesse triomphante, c’est Napoléon en Mars désarmé et pacificateur – l’une des scènes se déroule d’ailleurs devant un bronze de Napoléon. Une apparition courte, mais pleine de grâce.
9. Patrice Chéreau (Adieu Bonaparte , 1985)
Dans ce film très réussi sur la campagne d’Égypte, Youssef Chahine offre à Patrice Chéreau l’occasion de jouer un Bonaparte d’une rare épaisseur. Loin du mythe, il est calculateur, dévoré d’ambition et menteur. Le trait est sans doute trop épais -c’est un film clairement militant-, mais ce Bonaparte envahisseur (et non libérateur) tient sa crédibilité par le jeu de l’acteur et son regard noir et vengeur.
10. Aldo Maccione (La Grande Débandade, 1975)
«L’aventure c’est l’aventure.» Aldo Maccione renverse tout ce que l’on croyait savoir sur Napoléon, dans un film loufoque. Avec «la classe» en plus.
11. Daniel Mesguich (Joséphine ou la comédie des ambitions , 1979)
Il a sans doute le regard qui ressemble le plus au jeune Bonaparte. Et puis quelle jeunesse! Quelle fougue! L’interprétation de Daniel Mesguich est un parfait équilibre entre la passion un brin adolescente, le sens du devoir et la brutalité de l’homme du XVIIIe siècle. C’est une intégration parfaite de l’acteur dans le propos du film. Cela compte aussi car, ne l’oublions jamais, cela reste d’abord et avant tout du cinéma. N’est-ce pas Ridley?
12. Vladislav Strzelczyk (Guerre et Paix, 1966)
À part les Français, quel peuple peut aussi bien connaître Napoléon? Les Russes, bien évidemment. Dans l’adaptation du chef-d’œuvre de Tolstoï, Strzelczyk, plus d’un mètre 80, est bluffant en empereur débarrassé de ses mauvaises manières, comme s’il était enfin entré dans le grand monde aristocratique.
13. David Suchet (Sabotage !, 2000)
L’un des Anglais les plus à l’aise dans le rôle. Portant habilement le bicorne, maniant la longue-vue avec efficacité, Suchet, qui a l’âge que Napoléon n’a jamais eu (54 ans), livre une prestation étonnante et décalée. Le film, un vrai navet, est en fait une comédie loufoque remplie de gags plus ou moins fins. C’est presque un film de boulevard. Normal que Suchet y soit comme chez lui.
14. Jean-Marc Thibault (Napoléon II, l’Aiglon , 1961)
Sans doute le Napoléon qui meurt le mieux au cinéma.
15. Ian Holm (Bandits, bandits , 1981 et Les habits neufs de l’empereur , en 2001)
C’est à Marie Walewska que l’on doit la meilleure définition de la performance de Ian Holm dans cette petite pépite de Terry Gilliam : «Tu es deux hommes en conflit l’un contre l’autre. Le premier est gouverné par la tête, le second par le cœur.» Vingt ans plus tard, l’uchronie place Holm en vieux Napoléon de retour à Paris.
16. Janusz Zakrzeński (Cendres, 1965)
Une très bonne performance de cet acteur polonais sérieux et appliqué dans le rôle de l’empereur .
17. Daniel Gélin (Napoléon , 1955)
Napoléon vu par Guitry ? Aussi inattendu que Talleyrand vu par Guitry… Mais c’est Guitry !
18. Volodymyr Zelensky (Rzhevsky contre Napoléon, 2012)
Le futur président ukrainien qui joue l’empereur dans une fresque burlesque russe… Le résumé de cette performance semble remonter à des lustres tant la vie du comédien-chef d’État-chef de guerre a changé. Portant plutôt bien le bicorne, Zelensky fait presque la même taille que Napoléon et a un âge décent (34 ans) au moment d’interpréter le conquérant qui souhaite envahir Moscou. Les clins d’œil de l’Histoire (cinématographique) sont toujours étonnants.
19. Pierre Vernier (Caroline Chérie , 1968)
Habitué des films de Jean-Paul Belmondo et rendu populaire par le feuilleton Rocambole, Pierre Vernier livre ici une belle prestation du général Bonaparte dans ce film très agréable à regarder – il y a en outre le toujours excellent Bernard Blier. L’unique scène avec le Gaston de Sallanches est un bon moment.
20. Terry Jones et Simon Russell Beale
Voir Terry Jones, des Monty Python, volant au son de La Marseillaise avec deux petites hélices pour simuler le désastre du R101 (un dirigeable qui s’est écrasé sur Beauvais en 1930) prouve que si Napoléon n’avait pas d’humour, ceux qui l’admirent en ont. On pourra également citer la scène de La vipère noire, une série britannique hilarante où Simon Russell Beale incarne un Napoléon boursouflé qui se justifie sur son invasion de l’Angleterre à un de ses disciples. Extrait :
Napoléon : «Nous envahissons parce que les Britanniques pensent qu’ils sont si forts! Ils pensent que nous, les Français, sommes des lopettes… Ils nous appellent les femmelettes.»
Duc de Darling : «Avec tout le respect que je vous dois votre majesté, nous sommes des femmelettes. Nous avons inventé la tapisserie, le soufflé et la liqueur douce. Nous serons massacrés dès que nous gravirons la colline.»
Napoléon : «Ne désespérez pas. Je suis fermement convaincu que Dieu déteste les Britanniques. Il interviendra miraculeusement et nous enverra une victoire glorieuse sur ce champ de Waterloo.»
Duc de Darling : «Oh bravo ! Au fait, votre uniforme est vraiment magnifique aujourd’hui.»
Napoléon : «Oh merci, je pense qu’il fonctionne.» Avant de sursauter quand un boulet approche.
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22. Werner Krauss (Napoléon à Sainte-Hélène , 1929)
Un Napoléon crépusculaire de bonne facture.
23. Serge Lama (Napoléon , 1982)
Première entorse au contrat : il ne s’agit pas d’un film, mais d’une comédie musicale. Oubliez Michel Sardou : l’empereur de la variété française, c’est lui, Serge Lama. En 1970, il écrit Une île, formidable chanson sur l’exil de l’empereur entre mélancolie, regret et introspection. C’est brillant et fin. Avec ses cheveux longs, les comparaisons avec Bonaparte se multiplient. Lui vient l’idée de créer une comédie musicale sur la vie de l’empereur. Ce sera un style opérette. Souvent drôle («À quarante ans, je mangerai trop, j’ deviendrai gros, j’en suis certain. À quarante ans, p’tit caporal crèvera son ch’val sous l’embonpoint»), imaginatif («L’apparence d’une couronne ou l’espérance d’un palais jettent dans vos bras le même homme. Le même qui vous combattait»), érotique («Enfin tes lèvres que je baise. Enfin ton ventre que je cloue. Pardonne-moi ma polonaise, je suis affamé comme un loup») ou kitsch («Ah si j’avais un enfant d’elle, un enfant qui aurait mes ailes et mon bec, mais son ventre est sec»), ce «Napoléon» chantant fait mouche dès 1982. Lama est un Bonaparte guignolesque presque cartoonesque ; Serge est un Napoléon plus laborieux, car pas assez sérieux. La comédie musicale fut l’Austerlitz de Lama : un succès commercial fantastique avec des salles bourrées à craquer. Mais aussi son Waterloo intello, la gauche médiatique triomphante goûtant peu cet éloge impérial. «C’est triste comme la grandeur»
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24. Fabrizio Rongione (C’était Bonaparte , 2002)
Deuxième entorse au contrat : il s’agit ici d’une fresque théâtrale signée Robert Hossein et Alain Decaux. Grandiloquente comme toujours avec le metteur en scène, elle glorifie le parcours du jeune général jusqu’au sacre (avec un pont d’Arcole à couper le souffle). Fabrizio Rongione est saisissant de ressemblance : les traits creusés, les cheveux longs et souples et ce teint italien renforcent l’illusion. On y croit.
25. Charles Vanel (Waterloo, 1927)
Il a le regard et le profil de l’empereur déclinant et légèrement perdu à Waterloo. Film muet de plus de deux heures, Waterloo célèbre la victoire de la coalition et les plans sur l’empereur sont finalement assez rares. Bien avant celui de la peur, le salaire de la gloire.
26. Viggo Larsen (Napoléon à l’Ile d’Elbe , 1909)
Le préféré de Jean Tulard, donc forcément l’un des meilleurs. Au moins, avec le Muet, personne ne peut critiquer la voix et le ton.
27. Marc Schneider (L’Empereur de Paris , 2018).
Ici, l’empereur, c’est Vidocq (Vincent Cassel) mais une magnifique scène a lieu dans le cabinet des Tuileries, avec Fouché (Fabrice Lucchini) et, dans un coin, Ney (l’excellent réalisateur du film, Jean-François Richet)… L’empereur (le vrai), passe et lance quelques regards perçants. Richet fait tenir le rôle à Mark Schneider et c’est un peu triché : cet Américain né en 1969 «est» depuis vingt ans le Napoléon dans les reconstitutions historiques (en concurrence avec le Français Franck Samson). Où va-t-on si on demande au (presque) vrai Napoléon de faire du cinéma!
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28. Joaquin Phoenix (Napoléon , 2023)
Au moment de jouer Napoléon, Joaquin Phoenix a 49 ans. À cet âge, l’empereur vit ses derniers mois sur un rocher miteux : il est en surpoids, immobile et commence à «gatouiller». Phoenix, lui, court et grimpe lors du siège de Toulon, puis drague Joséphine (Vanessa Kirby, de 14 ans sa cadette alors que la vraie avait six ans de plus que Napoléon). Passons sur cette faille spatio-temporelle de taille. L’acteur est une sorte d’anti-Napoléon : peu expansif, figé, sans cesse essoufflé, capricieux, bagarreur, presque vulgaire, sensible (pas sur le nombre de morts, mais sur ses difficultés conjugales) et toxique. Napoléon pleure beaucoup, parle peu, susurre et ordonne par des gestes. Parfois quand il s’adresse à Joséphine, Phoenix devient Robert de Niro dans Taxi Driver: «You talkin’ to me.» Ou ressemble à Didier Bourdon parodiant Sylvester Stallone dans «Jésus II, le retour». Bref, une énorme déception au vu de la carrière de l’acteur et du projet pharaonique de Ridley Scott. Reste quelques scènes brillantes, notamment sur le champ de bataille où Phoenix a le regard du génie militaire quand d’autres se perdent dans celui du gladiateur. Suffisant pour sauver la prestation? «Joker»!
29. Charles Boyer (Marie Waleska, 1937)
Regard noir et effrayant. Les mauvais jours, Napoléon devait ressembler à Charles Boyer.
30. Jean-Louis Barrault (Le Destin fabuleux de Désirée Clary , 1941)
Une interprétation intéressante du jeune Bonaparte loin des représentations picturales. Les dialogues sont seulement trop modernes.
31. Raymond Pellegrin (Napoléon , 1955)
Il prend la suite de Daniel Gélin quand il s’agit de jouer Napoléon et s’en sort aussi bien. Chapeau (de chez Poupard, évidemment)!
32. Philippe Adrien (Cadoudal , 1972)
33. Roger Carel (Le voyageur des siècles , 1971)
34. Émile Chautard (L’aiglon , 1914)
35. Émile Drain (10 films)
36. Trevor Howard (Aigle en cage, 1965)
37. William Humphrey (4 films)
38. Stefan Jaracz (2 films)
39. Sacha Guitry (Le Destin fabuleux de Désirée Clary , 1942)
40. Hervé Jolly (Les Grandes Conjurations : L’Attentat de la rue Saint-Nicaise , 1978)
41. Stacy Keach (L’Homme du Destin, 1973)
42. Claude Rains (Cœurs divisés, 1936)
43. William Sabatier (Waterloo, 1970)
44. Georges Saillard (Bonaparte et Pichegru 1804, 1911)
45. Pierre Santini (La Guérilla ou les Désastres de la guerre , 1983)
46. Eli Wallach (Les Aventures du brigadier Gérard , 1970)
47. Joe E. Tata (Le tunnel temporel, 1966)
48. Jean-François Stévenin (Napoléon et l’Europe , 1991)
49. Pierre Massimi (France, images d’une révolution , 1989)
50. Erich Ponto (Le Diable de Feu, 1940)
51. Billy Quirk (L’homme qui en vaut la peine, 1921)
52. Terry Camilleri (L’Excellente Aventure de Bill et Ted , 1989)
53. Paul Muni (Sept visages, 1929)
54. Max Megy (Madame sans gêne, 1941)
55. George Hernández (Monte-Cristo, 1912)
56. Gustav Holoubek (Marysia et Napoléon, 1966)
57. Ernst Schröder (Waterloo, 1969)
58. Heinrich Schweiger (2 films)
59. Ferdinand von Alten (Madame Récamier, 1920)
60. Jean-Louis Allibert (Rencontrons les Champs-Élysées , 1920)
61. Yannis Baraban (Joséphine , 2004)
62. Alan Badel (Omnibus, 1953)
63. Ernest Batley (La bataille de Waterloo, 1913)
64. Simon Callow (L’homme du destin, 1994)
65. Alain Chabat (La Nuit au musée 2 , 2009)
66. Scali Delpeyrat (Guerre et paix , 2007)
67. Bernard-Pierre Donnadieu (Austerlitz, la victoire en marchant , 2006)
68. Frank Finlay (Betzi, 1978)
69. Vladimir Gardine (Guerre et paix , 1915)
70. Kenneth Griffith (L’Homme sur le rocher, 1938)
71. Thomas Langmann (Toussaint Louverture , 2012)
72. Denis Manuel (2 films)
73. Gérard Oury (La belle espionne , 1953)
74. Saul Rubinek (Mentors, 1999)
75. Séverin Mars (L’agonie des aigles , 1921)
76. André Reybaz (Le trompette de la Bérézina , 1966)
77. Mathieu Kassovitz (Guerre et paix , 2015)
78. James Tolkan (Guerre et amour , 1975)
79. Bruno Solo (Madame sans gêne , 2002)
80. Giani Esposito (Tonnerre sur l’océan Indien , 1966)
81. Theo Frenkel (Échec et mat, 1911)
82. Jean Godet (Kiki, 1932)
83. William De Vaulle (Thé : d’un coup de pied, 1925)
84. Franck Currier (La Dame trompeuse, 1920)
85. Philippe Collin (Guerres civiles en France , 1978)
86. Jean Chaduc (Paméla , 1945)
87. Roger Coggio (Marie Waleska, 1969)
88. Grégoire Colin (Napoléon et Mahroussa, 2012)
89. Pierre Blanchar (Un divorce royal, 1938)
90. John Bennett (Le monde étrange de Gurney Slade, 1960)
91. Julien Bergeau (Madame sans-gêne , 1961)
92. Peter Elviro (Le fou et le vagabond, 1946)
93. Herbert Lom (2 films)
94. Jean-Louis Jemma (Cadet-Rousselle , 1954)
95. Robert Manuel (Les évasions célèbres , 1972)
96. James Mason (Omnibus, 1953)
97. Dennis King (The Philco Television Playhouse, 1949)
98. Henry Gibson (Ma sorcière bien aimée , 1968)
99. Robert O. Cornthwaite (Le cavalier au masque , 1955)
100. Lawrence Dobkin (Le retour de Napoléon d’Elbe, 1955)
101. Booth Colman (Schlitz Playhouse of Stars, 1952)
102. Max Barwyn (L’Aigle combattant, 1927)
103. Ron Cook (1 film et 1 série)
104. Doumel (Alexis gentilhomme chauffeur, 1938)
105. Lloyd Corrigan (La dernière offensive de Napoléon , 1933)
106. Verne Troyer (Jack le vengeur masqué , 2000)
Napoléon était petit (pas pour l’époque, mais son mètre 69 est difficile à trouver aujourd’hui). De là à le faire jouer par le plus petit acteur du monde (81 cm)…
107. Pavel Knorr (1812, 1912)
L’acteur prend le bouillon.
108. Éric Fraticelli (Ballada Oulanskaïa, 2012)
Comme quoi: naître sur la même île que le grand homme ne garantit pas d’entrer dans le costume impérial.
109. Daniel Auteuil (Napoléon et moi , 2006)
Mais qu’est venu faire dans cette galère l’un des plus grands acteurs français. Auteuil joue l’exilé sur l’Elbe et ne parvient pas à sauver ce film très décevant. Napoléon oui, mais sans nous.