La sortie d’un film sur Napoléon en Corse prend forcément une tournure particulière. Sur cette terre qui a vu naître l’empereur, les symboles sont encore importants. Et le film de Ridley Scott ne laisse pas indifférent. Preuve s’il en est avec l’avant-première organisée par la direction du cinéma l’Ellipse à Ajaccio et la municipalité. Haie d’honneur de l’association du 2ème régiment des chasseurs à pied de la garde, flûtes et tambours, danses impériales au programme et en costumes d’époque devant une salle comble.

Reste à savoir si le film a été à la hauteur de l’attente pour les Corses. Si les avis sont mitigés, la déception domine tout de même dans les réactions des insulaires. À l’image d’Alain, 65 ans, fraîchement sortie d’une séance remplie à moitié, au Régent, l’un des cinémas de Bastia : «C’est historiquement décevant. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas juste. Mais il y a un parti pris anglo-saxon. On est tout de même face à du grand spectacle avec une qualité d’image indéniable».

Pour Marc, 71 ans, retraité bastiais, les attentes sont comblées : «Ridley Scott est fidèle à lui-même. Il n’a pas fait d’économie sur la mise en scène. Il y a tout de même une grosse erreur sur sa date de naissance.» Sourires aux lèvres, Frédérique, 48 ans et Pauline, 57 ans, viennent de passer un bon moment : «C’est un bon film grand spectacle avec de grands acteurs. Il ne faut pas s’attendre à une fresque historique. Ce n’est pas la relation avec la Corse qui nous a poussés à aller voir ce film. Nous ne sommes pas dans la corsitude à tout prix.»

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Loin de l’affrontement culturel entre Pascal Paoli, père de la nation corse plus ancré en Haute-Corse et Napoléon, profondément ajaccien, les spectateurs insulaires préfère s’attarder sur l’aspect cinématographique : «Il n’y a aucune scène qui évoque la Corse dans le film», constate Geneviève, 72 ans. «Certains critiquent le fait qu’il n’y ait aucune allusion à l’île. Mais c’est normal d’un point de vue historique. En revanche, je trouve que le réalisateur a pris beaucoup de libertés avec la vérité historique . Ce côté américain très naïf est insupportable. En tant que passionnée d’histoire, je suis déçue.»

Henriette, 82 ans, son amie, se montre plus nuancée dans sa critique : «Finalement je ne sais pas trop ce qu’attendait la Corse de ce film. Il aurait peut-être dû l’appeler Joséphine face à l’importance prise par ce personnage. Il y a tout de même un travail énorme, notamment pour filmer les batailles. Et il y a ces chants corses qui résonnent dans un moment de grâce.» C’est finalement la touche corse qui met tout le monde d’accord dans ce film. Le son du Kyrie Eleison, chanté en polyphonie par Jérôme Casalonga et les frères Barbolosi. Le lamentu di u pastore et la Tribbiera de Voce di a Corsica résonnent aussi avec la voix de Petru Guelfucci. La seule patte insulaire d’une production passée comme un ovni sur l’île de beauté.