Santé publique France vient de rendre public une enquête sur le suivi des IST en France métropolitaine, et ses résultats peuvent sembler inquiétants. Depuis 2020, le nombre de cas des trois IST étudiées (chlamydia, gonococcies et syphilis) a flambé sur l’ensemble du territoire, selon cette enquête coordonnée par le réseau de médecins généralistes Sentinelles. Et ces chiffres sous-estiment très certainement l’incidence réelle, souligne Douada Niaré, principal auteur de l’enquête. «Les analyses ont porté sur les cas déclarés volontairement par les médecins du réseau Sentinelle entre 2020 et 2022, ce qui exclut tous les non déclarés et bien évidemment les personnes qui ne se sont jamais fait dépister.» Néanmoins, les experts se veulent rassurants: l’augmentation de l’incidence reflète très probablement une intensification de l’activité de dépistage ces dernières années.
Dans l’Hexagone, le nombre d’infections à chlamydia a bondi de 16% entre 2020 et 2022. Représentant un peu plus de la moitié des cas, les femmes sont les plus touchées. Néanmoins, indépendamment du sexe, l’infection concerne surtout les jeunes de 15 à 25 ans: 21% des cas chez les hommes ont été déclarés dans cette tranche d’âge, 33% pour les femmes.
La tendance à la hausse était encore plus marquée pour les deux autres IST qui ont explosé entre 2020 et 2022 : 91% pour les gonococcies et 110% pour syphilis. Pour ces deux infections, les hommes étaient en première ligne. Ils représentaient 77,7% des cas de gonococcies; 22% des patients avaient entre 15 et 25 ans et 20% entre 30 et 39 ans. En ce qui concerne la syphilis, les hommes comptabiliseraient 90% des cas, dont 22,5% parmi les 50 ans et plus.
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Les experts expliquent ces résurgences tout d’abord par la pandémie de Covid-19. Si les confinements successifs ont limité la possibilité de rencontrer des partenaires inconnus, il semble qu’ils aient aussi freiné l’activité de dépistage. «Certains centres ayant fermé pendant cette période, cela a pu provoquer des retards au diagnostic, une circulation plus importante des IST et donc une augmentation de leur incidence», explique Pascal Pugliese, président de la société française de lutte contre le sida (SFLS).
L’augmentation la plus forte, selon cette enquête, a été observée parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). La proportion d’infections à chlamydia concernant des HSH a doublé entre 2020 et 2022, passant de 6,9% à 18,4% du total des cas. Idem pour les infections à gonocoques : 28% touchaient des HSH en 2020, contre 54% en 2022. La syphilis est, elle, un peu à part: trois quarts des cas ont été déclarés suite à des relations entre hommes, indépendamment de l’année de surveillance.
Néanmoins, soulignent les spécialistes, la montée en flèche des IST n’a rien de nouveau. Elle est observée en France depuis plusieurs années, selon les données de surveillance du Système national des données de santé (SNDS), et s’expliquerait en partie par une augmentation de l’activité de dépistage. En excluant la parenthèse du Covid-19, les enquêtes montrent que cette activité a doublé entre 2014 et 2022 pour la recherche de chlamydia et de gonocoque. «La dynamique n’est donc pas forcément inquiétante car l’augmentation du dépistage et des diagnostics permettent un traitement précoce et un contrôle de leur diffusion, ce qui est une bonne nouvelle», rassure le Dr Pugliese.
Cela s’expliquerait également par les recommandations des autorités sanitaires qui permettent, depuis 2021, aux médecins généralistes d’initier et suivre les usagers de la Prep en médecine de ville. «La Prep, qui est le traitement préventif du VIH destiné aux personnes séronégatives fortement exposées, s’accompagne d’un dépistage trimestriel des autres IST. L’augmentation des diagnostics peut donc aussi être liée à un suivi plus important des usagers de Prep», précise Pascal Pugliese.
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En revanche, les experts s’inquiètent de l’utilisation insuffisante du préservatif. «Je vois trop souvent des jeunes en couple depuis 2 ou 3 mois qui ont déjà eu des rapports non protégés sans s’être fait dépister», raconte le Pr Nicolas Dupin, dermatologue responsable du centre de santé sexuelle de l’Hôtel-Dieu (AP-HP) à Paris.
En conséquence, déplore le médecin, c’est la symptomatologie qui conduit à consulter. Et bien que la plupart des IST soient curables à l’aide d’un traitement adapté, elles peuvent avoir des conséquences graves chez les personnes à risques. «J’ai déjà vu des patients qui commencent, par exemple, une syphilis avec un accident vasculaire cérébral. Cette infection peut également entraîner la mort fœtale in utero ou d’autres séquelles parfois sévères lorsqu’elle survient chez les femmes enceintes», alerte le Dr Dupin.
Les spécialistes rappellent l’importance de ne pas banaliser les gestes «basiques»: port du préservatif, dépistage répété des IST avant de s’engager avec un nouveau partenaire, mise en place du traitement préventif de la Prep pour les personnes exposées au VIH, prévention vaccinale pour les infections aux papillomavirus (HPV) et l’hépatite B. «Lorsque cela est possible, il est impératif d’informer son ou ses partenaires en cas de diagnostic pour casser les chaînes de transmission d’une part, et de ne pas se réinfecter avec le même partenaire qui n’aurait été ni dépisté ni éventuellement traité», ajoute le Dr Pugliese.