La France pourrait-elle opter pour l’instauration d’un état d’urgence ? C’est ce que souhaite une partie de la droite. Après les événements nocturnes qui ont émaillé plusieurs villes de France, et qui font suite au drame de Nanterre, certains élus craignent un embrasement à l’image des émeutes de 2005, et réclament l’instauration de l’état d’urgence.

« (…) La mise en place de l’état d’urgence / couvre-feu s’impose pour rétablir l’ordre.», a tweeté ce jeudi 29 juin Marion Maréchal, vice-présidente de Reconquête, le parti politique crée fin 2021 par Éric Zemmour, qui a également appelé dans un communiqué publié ce matin sur Twitter à « la mise en place de l’état d’urgence dès ce soir ».

Le patron des Républicains (LR) Éric Ciotti a aussi demandé « le déclenchement sans délai de l’état d’urgence partout où des incidents ont éclaté ». Interrogé sur LCI, le président LR du Sénat Gérard Larcher plus modéré a estimé que « si cela apparaît nécessaire qu’on le déclenche dans certains périmètres : il faut être efficace.».

De son côté, le chef de file des députés LR a également twitté ce jeudi matin : « Rien n’excuse la violence des casseurs. Rien n’excuse la loi des bandes et leur dictature de la peur. Emmanuel Macron doit le comprendre. Comme Jacques Chirac en 2005, il doit proclamer l’état d’urgence ».

Mais qu’est-ce que concrètement l’état d’urgence ? Né en 1955 à la suite d’une vague d’attentats perpétrés par le Front de libération nationale (FLN) à la veille de la guerre d’Algérie, l’état d’urgence se définit par une restriction de certaines libertés individuelles adossée à un renforcement des pouvoirs de l’autorité publique. Décidé en conseil des ministres, il peut être instauré sur tout ou une partie du territoire nationale « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.», précise le texte de 1955.

Dans le cadre de ce régime d’exception, le ministre de l’Intérieur et les préfets peuvent par exemple interdire des rassemblements, mettre en place des périmètres de protection, ou encore instaurer un couvre-feu. En mars 2020, alors que le Covid-19 se propageait à tire d’aile dans l’Hexagone, un nouveau régime d’exception – « l’état d’urgence sanitaire » – est né, avec son lot de nouvelles restrictions, au premier rang desquelles, la liberté d’aller et venir.

Outre la crise sanitaire, l’état d’urgence a été décrété à cinq reprises sous la Ve République : en 1958, après le coup d’État d’Alger du 13 mai ; en 1961, après le putsch des généraux d’Alger ; en 1984 au début de la révolte des Kanaks en Nouvelle-Calédonie ; en 2005 au moment où des émeutes avaient éclaté en réaction au décès de deux jeunes poursuivis par des policiers. Enfin, plus récemment, l’état d’urgence déclenché à la suite des attentats du 13 novembre 2015.

Si les appels en faveur de l’instauration de l’état d’urgence se multiplient à droite, le secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale française, David Le Bars, a estimé sur RMC ce jeudi matin que « ce n’est pas le moment ». Et de rappeler qu’en 2005, « l’état d’urgence avait été décrété huit ou neuf jours après » les faits ayant déclenché un embrasement des banlieues françaises. En outre, contrairement à Pierre-Henri Dumont, porte-parole des Républicains à l’Assemblée nationale qui estime que l’état d’urgence permettrait « de rétablir l’ordre », David Le Bars estime que « l’état d’urgence s’adresse à ceux qui respectent la loi, et ceux qui ne la respectent pas vont continuer de commettre des exactions ». Interrogée en milieu de journée sur la question, la première ministre Élisabeth Borne a estimé que « les circonstances » n’étaient pas réunies.

Avant son départ pour Bruxelles, le chef de l’État a réuni ce jeudi matin une cellule interministérielle de crise (CIC) place Beauvau, au siège du ministère de l’Intérieur, en présence du ministre de l’Intérieur, du Garde des Sceaux et du ministre de la Ville. La mise en place de l’état d’urgence n’aurait pour l’instant pas été évoquée.