Comédie de Greta Gerwig, 1h54
Barbie ou la forme ultime du placement de produit. Le géant du jouet Mattel se lance dans la production de film pour relancer les ventes en chute libre de sa poupée iconique, décriée pour ses mensurations normatives et sa beauté stéréotypée. Un coup marketing à 100 millions de dollars confié à Greta Gerwig, égérie du cinéma indépendant (Frances Ha, Greenberg) devenue réalisatrice féministe (Lady Bird, Les Quatre Filles du Docteur March). C’est le tour de force du capitalisme depuis sa naissance : s’approprier sa critique et la transformer en marchandise ou en divertissement. Mais cela n’enlève rien au talent de la cinéaste, qui va sans doute au-delà de la commande de Mattel (dépoussiérer sa poupée) et en profite pour régler des comptes avec le patriarcat avec un humour jubilatoire. É.S.
Drame de Mani Haghighi, 1h47
À vérifier. Il paraît qu’on a tous sept sosies dans le monde. Un seul suffit pour changer la vie. C’est du moins ce que montre Les Ombres persanes où une monitrice d’auto-école aperçoit par hasard son mari qui entre dans un immeuble. Est-ce qu’il la trompe ? Le soir, il lui assure que ça n’est pas lui. Ça ne peut pas être lui. En effet, un autre homme lui ressemble trait pour trait. Ça n’est pas tout. Le monsieur en question a une épouse qui pourrait être la jumelle de la suspicieuse. Allez vous débrouiller avec ça. La chose donne le vertige. Il y a des sujets qui ont du talent. D’infinies perspectives s’ouvrent devant nous. Dans un Téhéran nocturne, noyé de pluie, des destins se frôlent. L’avenir change soudain de couleur. Le deuxième couple a de l’argent. Chez les premiers, il y a des fuites au plafond et on a du mal à finir le mois. Madame est enceinte. Elle suit un traitement. À sa doctoresse, elle demande si elle n’a pas eu des hallucinations. Mais non. Elle n’a pas rêvé. É.N.
Drame de Kamal Lazraq, 1h 34
Un combat de chiens dans un sous-sol. Des gueules pleines de bave, de sang, qui aboient et qui hurlent. Une bête s’écroule. Son propriétaire laisse échapper une larme, bref instant de sensibilité dans ce monde rugueux des banlieues de Casablanca. Pour se venger du combat perdu, l’homme fait appel à un escroc nommé Hassan. Erreur. La tâche était trop grande pour cette petite frappe à la voix éraillée, qui tue sans faire exprès le membre du gang adverse qu’il devait enlever. Il doit se débarrasser du corps. Sur la route, sa camionnette tangue dangereusement. Ce mort-là pèse 120 kilos. Les portes des amis se ferment les unes après les autres. Ils se sont bizarrement tous mis au vert. Le réalisateur Kamal Lazraq prend un malin plaisir à poser sur son chemin autant d’obstacles que possible. Le fils d’Hassan se propose de creuser à l’abri des regards : partout, le sol semble trop dur. Le destin leur fait payer ce crime, c’est certain. B.P.
Comédie de Hong Sang-Soo, 1h24C’est son trentième film. Hong Sang-soo tourne tellement qu’on a presque envie de s’écrier : seulement ! Le réalisateur se croit tout permis. Il n’a pas tort. Plus besoin de peaufiner une intrigue au cordeau. Deux histoires parallèles se déroulent sous nos yeux ravis, habitués maintenant à cette décontraction communicative. Une actrice écoute une apprentie comédienne et on n’est pas dans Eve de Mankiewicz. Un poète barbu reçoit un jeune admirateur qui espère des conseils – il ne sera pas déçu. Un gros chat angora disparaît. Le poète a un problème au cœur. Il essaie d’arrêter l’alcool et le tabac qui ont pourtant fait sa réputation et qui sont constitutifs de son œuvre. Dans les deux cas, une guitare s’invite dans l’histoire. Il y en a une dont les cordes sont cassées. L’actrice souhaite arrêter son métier. Elle croit que les fleurs lui parlent. Le poète se la coule douce. Qu’on cesse de lui poser ces questions sur la littérature, l’amour, la vérité. Il faut voir l’émerveillement avec lequel il découvre la bière à 0°. C’est une révélation. Il est aux anges. Cette sagesse ne s’éternise pas. Malgré les conseils du médecin, ses envies le reprennent. Si on jouait à chi-fou-mi ? Le perdant devra boire un verre. On ne va pas rater ça. Le soju, carburant essentiel au cinéma du Coréen, revient dans la boucle. Quel bonheur ! É.N.