Tous les organes et les vaisseaux ne sont pas facilement visibles sur les examens d’imagerie classiques de radiologie. Pour une meilleure visualisation d’éventuelles lésions, les radiologues peuvent alors recourir à une injection intraveineuse d’un produit de contraste (PDC) : dérivés iodés pour les scanners et gadolinium pour les IRM. Quels qu’ils soient, ces produits de contraste étaient jusqu’à présent délivrés aux patients en pharmacie sur prescription médicale. Cependant, suite à l’adoption d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ils n’auront plus à se soucier d’acheter ces produits par eux-mêmes. À partir du 1er mars 2024, les PDC seront directement fournis aux radiologues. Si cette nouvelle mesure a de quoi soulager les patients, les professionnels restent mitigés essentiellement pour des raisons budgétaires et d’organisation.
De toute évidence, ce changement permettra de simplifier le parcours de soins du patient en lui évitant de passer par l’officine. « Pour se faire arracher une dent, les chirurgiens-dentistes ne demandent pas aux patients d’aller acheter eux-mêmes les anesthésiques nécessaires. C’est la même chose pour les produits de contraste : ce sont des produits à usage professionnel. Il n’est donc pas logique que ce soit au patient de se le procurer », estime le Dr Jean-Philippe Masson, président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR). Si la mesure prend effet au premier mars, les radiologues pourront toutefois continuer à les prescrire pendant une période probatoire d’un mois.
Pour le reste, cette nouvelle organisation aura essentiellement un impact financier. Dans un rapport de juillet 2022 visant à limiter le mésusage des PDC, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) avait souligné que ce changement permettra de « limiter le gaspillage de produits achetés par les patients, mais non utilisés ». Erreurs de commande et de gestion des stocks : jusqu’alors, on estimait que la perte des PDC délivrés en France s’élevait à 30% pour les dérivés iodés et jusqu’à 15% pour le gadolinium. Pour cause, ces produits fournis aux patients étaient à usage unique. Désormais, les radiologues pourront les acheter en grosses quantités à destination de plusieurs personnes. « La France était encore l’un des seuls pays membres de l’UE à ne pas utiliser ce conditionnement dit multi-patient, pourtant plus facile à gérer et moins coûteux car toutes les doses seront utilisées. Avant, les produits à usages uniques étaient jetés après dépassement de la date limite de conservation », souligne le Dr Jean-Philippe Masson.
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Cependant, la mesure est loin de faire l’unanimité auprès des professionnels de santé. Sur le plan financier, le coût des produits de contrastes représente une pénalité d’environ 200 millions d’euros pour les radiologues. De leur côté, les deux principaux syndicats de pharmaciens, la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) et l’USPO (Union des Syndicats des Pharmaciens d’Officine) craignent également des dommages collatéraux. « Cette nouvelle organisation fera perdre 25 millions au réseau pharmaceutique, indique Philippe Besset, pharmacien et président de la FSPF. C’est pourquoi nous sommes actuellement en discussion avec les pouvoirs publics afin de trouver une solution pour minimiser cet impact budgétaire tout en améliorant le parcours de soins ».
Cependant, les craintes sont également portées sur les impacts potentiels pour le patient. « En contrepartie de pseudos pertes financières subies par professionnels, cette mesure est susceptible d’induire des dépassements d’honoraires par les radiologues non pris en charge par la sécurité sociale, ce qui crée un nouveau problème et une plus grande disparité dans l’accès aux soins », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.