À l’occasion de la journée internationale des maladies rares, Catherine Vautrin ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités devrait annoncer le jeudi 29 février les premiers éléments d’un quatrième plan maladies rares, très attendu par les patients et les associations de malades. Dans un entretien au Figaro, Hélène Berrué-Gaillard, la présidente de d’Alliance maladie rares rappelle qu’il reste beaucoup à faire pour assurer aux 3 millions de Français concernés par ces pathologies une véritable équité dans l’accès aux traitements, au diagnostic et aux soins.

Le FIGARO. – Le quatrième plan maladies rares doit voir le jour dans les prochains mois. Quel bilan tirez-vous des précédents ?

Hélène BERRUÉ-GAILLARD. – Portés par les associations, et notamment par l’AFM, Les trois plans ont permis de faire comprendre l’enjeu de santé publique des maladies rares qui touchent 3 millions de Français. Une personne sur 20 est concernée par l’une des 6300 pathologies connues à ce jour. La France a été le premier pays en Europe, voire au monde à mettre en place un parcours de soins identifié avec 23 filières, 19 plateformes et 2311 services hospitaliers référents. Mais aujourd’hui nous sommes au milieu du gué. En effet, seuls sept patients sur dix voient un diagnostic posé sur leurs symptômes. Pour 30% d’entre eux, les analyses génétiques réalisées ne trouvent pas de mutation identifiée. Il faut savoir qu’aujourd’hui encore, les maladies rares sont malheureusement la première cause de mortalité chez l’enfant. Les trois-quarts d’entre elles débutent dans l’enfance et 30% des enfants concernés n’atteindront pas l’âge de 5 ans ! Même s’il y a eu des progrès réalisés, on constate toujours des retards de diagnostic et d’accès aux soins. La France a été précurseur dans le domaine des maladies rares, elle doit le rester.

À lire aussi«Seules 10 % des maladies rares ont un traitement dédié»

Comment le quatrième plan peut remédier à ces retards diagnostic ?

Les médecins sont peu formés et ne pensent pas assez aux maladies rares. Lors d’une intervention auprès d’internes en fin de cursus, je leur ai demandé quel était le nombre de personnes touchées en France. Ils m’ont répondu 100.000. Il y en a 30 fois plus ! Nous devons collectivement diffuser la culture du doute, résumable en une simple question : « Et si c’était une maladie rare ? » Les professionnels de santé doivent se poser cette question, mais aussi le grand public. En tant que patients, parents de patients, nous devons être proactifs face à la deuxième cause de maladie en France et la première chez l’enfant. Pour cela nous appelons les pouvoirs publics à lancer des campagnes de sensibilisation du grand public et de formation des professionnels de santé sur le sujet. Ainsi, RDK est une nouvelle application destinée aux professionnels de santé, codéveloppée par Orphanet, qui leur permet à partir d’une entrée par symptômes d’identifier une maladie rare potentielle et d’être orienté vers un centre expert. Il faut faire connaître cette application aux professionnels de santé.

Le diagnostic se fait notamment par le dépistage génétique. Faut-il en améliorer l’accès ?

Effectivement, malgré le plan France génomique qui a permis des progrès, il faut un accès plus rapide au séquençage. Nous avons des témoignages de personnes qui attendent toujours les résultats de leur analyse génétique au bout de 3 ans ! S’appuyer sur le privé en encadrant les prescriptions, pour éviter les dérives, pourrait résoudre ce problème. Pour les 30% de personnes en impasse diagnostique, il faudrait également pouvoir refaire régulièrement ce séquençage. Grâce la découverte des nouvelles mutations génétiques, il serait possible de trouver l’origine d’une maladie pour certains patients. En effet, le génome analysé peut être comparé à un génome modèle qui évolue au gré de la découverte de nouvelles mutations génétiques.

À lire aussiL’Europe doit agir pour les 30 millions de personnes atteintes de maladies rares

La plate-forme maladies rare alerte également sur le dépistage à la naissance en évoquant une «non-assistance» à personne en danger. Que voulez-vous dire ?

Mais c’est le cas ! La France, qui a été l’un des premiers pays à mettre en place le dépistage néonatal dans les années 1970 est désormais très à la traine. Elle dépiste à la naissance 13 maladies, bien loin de ses voisins européens qui, parfois, en dépistent près de 30 à 40. Or, l’absence de dépistage à la naissance est une perte de chance inacceptable, alors qu’il existe des traitements qui peuvent sauver la vie des enfants et changer considérablement leur avenir. Prenez l’exemple de l’amyotrophie spinale infantile pour laquelle il existe une thérapie génique, qui est à réaliser rapidement après la naissance. Entre 2019 et 2023, une soixantaine d’enfants sont décédés faute de diagnostic suffisamment précoce. Lorsque vous apprenez finalement que votre enfant est mort alors que s’il avait été dépisté tôt à la naissance il aurait pu être sauvé, c’est intolérable. À l’heure actuelle, les processus de recommandations par la HAS et les mises en application des dépistages sont beaucoup trop longs. Par manque de volonté politique, on ne donne pas suffisamment de moyens. Nous devons renverser la table sur le dépistage néonatal : à partir du moment où il existe un traitement, un essai clinique en cours ou une prise en charge adaptée, le dépistage doit être systématisé.

De plus en plus de maladies rares disposent de traitement, notamment avec l’essor de la thérapie génique. N’est ce pas une bonne nouvelle ?

C’est vrai que la recherche est particulièrement active et trouve de plus en plus de candidats médicaments. Même si, je le rappelle, 95% des maladies rares n’ont pas de traitement. Cependant, les investissements de l’industrie pharmaceutique se concentrent sur les maladies qui offrent des perspectives commerciales et délaissent les maladies les plus rares. Un exemple parlant est celui de la maladie de Crigler-Najjar, qui touche 1 naissance sur 1 million. Ce sont des enfants qui vivent sous des lampes sinon leur taux de bilirubine augmente et endommage leur cerveau. L’AFM via le Généthon a découvert un candidat médicament. Mais aujourd’hui, il leur manque 24 millions pour le développer et accéder au marché. Et l’industrie pharmaceutique n’est pas intéressée. Les pouvoirs publics doivent reprendre la main. C’est pourquoi nous souhaitons que dans le cadre du quatrième plan maladie rare, soit créé un fonds public d’innovation.

À lire aussiUne technologie d’édition du génome autorisée pour cibler une maladie rare du sang

Concernant les médicaments, je voudrais également alerter sur d’autres problématiques. Celle notamment des molécules anciennes repositionnées dans une maladie rare. Lorsqu’elles sont en rupture de stock ou en arrêt de commercialisation, fréquentes désormais, les malades n’ont aucune alternative. L’agence du médicament doit s’emparer du sujet pour accompagner les patients. Concernant les enfants, les prescriptions sont majoritairement hors AMM (des prescriptions pour des indications qui ne sont pas prévues dans l’autorisation de mise sur le marché du médicament, NDLR) et ce sont les parents qui se chargent le plus souvent de les fractionner, avec le risque de surdosage ou sous dosage. Nous devons sécuriser ces prescriptions via des préparations magistrales pédiatriques, comme le font les autres pays.