Dimanche 8 octobre prochain, son nom brillera pour la première en rouge sur le fronton de l’Olympia. «La récompense de dix ans de travail et d’une grosse prise de risque au départ. Je visais l’Olympia et j’y suis», glisse-t-il ému. À l’intérieur, la salle sera plongée dans un clair-obscur. D’abord, Arnaud Askoy jettera un regard vers la lucarne secrète au-dessus de la scène. Celle que Gilbert Bécaud avait fait installer en 1997 pour faire «redescendre» les âmes d’Edith Piaf, d’Yves Montand et de tous les grands qui se sont produits dans cette salle mythique. Debout seul devant le micro accompagné à l’accordéon par Roland Romanelli et au violoncelle par Jean-Philippe Audin, sa voix grave s’élèvera pour chanter Les Marquises puis Mathilde, Madeleine, les Bigottes, Le Plat Pays, Ne me quitte pas…
En tout, dix-huit tubes de Jacques Brel avec en final Amsterdam et La valse à mille temps en bis. Depuis 2019 à cause de la pandémie, ce garçon qui ne fait pas ses 52 ans a donné une cinquantaine de concerts aux quatre coins de la France mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas. Les «Bréliens» l’adorent car comme leur idole, il chante avec son corps. Il se hisse sur la pointe des pieds, sautille, grimace et hausse les épaules au bon moment. Sa ressemblance physique avec Brel est frappante. Ils ont la même mâchoire, mais comme Jean-Baptiste Guégan qui chante Johnny Hallyday, Arnaud Askoy n’est pas un sosie vocal. C’est un artiste à part entière, un formidable interprète. Un «brélien».
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Son histoire n’est pas banale. «Mon vrai nom est Arnaud Bassecourt, pour un ancien flic, c’est facile de s’en souvenir», rit l’intéressé. Les écoutes, filatures et planques étaient son quotidien. Il débute à la Crim, passe aux Stups et finit au «36» à l’état-major de la PJ. Il est au cœur de toutes les affaires dans la capitale mais son poste devient trop politique. «Mon premier virage, je l’ai pris à 19 ans, raconte-t-il. Avant de devenir policier, j’étais ingénieur en aviation.» Changer de vie ne lui a jamais fait peur: «Quand ma sœur est décédée, à 14 ans, j’ai su très jeune que la vie pouvait basculer du jour au lendemain.»
Devenu détective, il planque dans un appartement et trouve le temps longuet. il prend le premier CD trouvé par hasard pour se tenir compagnie en planque. C’est celui de Jacques Brel et il en est bouleversé. «Je n’avais jamais chanté. À 43 ans, ma voix n’avait pas mué et d’un coup, elle s’est posée sur la sienne. Mon timbre grave ne demandait qu’à sortir. Cela a beaucoup troublé mes proches.» Il prend des cours de chant, se choisit un nom d’artiste «Askoy», clin d’œil au bateau avec lequel Brel est parti à l’autre bout du monde. Avec d’autres passionnés, il se rend régulièrement en Flandre pour aider à retaper ce yacht mythique. «En cet automne 2023, nous avons pris un peu de retard, confie-t-il. Nous avons découvert des soucis au niveau de la coque et attendons que les experts du plus grand armateur belge viennent les réparer mais ils sont surchargés de commande et comme ils font ce travail bénévolement, nous devons patienter.»
Longtemps, il chante dans les Ehpad, dans le métro. «Au chapeau, je gagnais 80 euros par heure, les gens restaient pour plus d’une chanson.» Chez Michou, quatre soirs par semaine, il chante non maquillé au milieu du spectacle entre une Dalida et une Sylvie. Laurent Delahousse l’embauche pour tourner les scènes d’évocation dans Un jour, un destin – Brel. Il signe avec un producteur et son spectacle La Promesse Brel est prêt pour Avignon. Quand Le Figaro le découvre pour la première fois, c’est à l’automne 2019 à l’Alhambra. Les critiques sont dithyrambiques mais la pandémie avec la fermeture des salles de spectacle arrête tout. «L’Olympia de ce dimanche 6 octobre clôture cette première partie de ma carrière de chanteur. Le concert sera filmé par la chaîne Olympia Tv et par Stefan De Vries, le Michel Drucker néerlandais pour la télévision aux Pays-Bas. Je vais continuer à chanter en France mais mon objectif est de m’internationaliser. Après Genève et Bruxelles, j’ai déjà de bons contacts dans les pays qui adorent Jacques Brel comme le Japon, l’Argentine et les États-Unis.» C’est tout mal qu’on lui souhaite.